L'étranger
L'enfant étranger.
Il était né le jour de la bataille. Avec ses paupières s'était levée l'aube rouge du sang versé. Les premiers sons qu'il entendit furent les cris de douleur et les cris de désespoir, le premier jour qu'il vécu, il le passa dans un coin, enveloppé d'une couverture, tandis que tous s'activaient, soignaient leurs blessés, réconfortaient leurs enfants en larmes. On lui avait raconté que lui, quelques minutes après son premier cri, ne pleurait déjà plus, que devant le désespoir des siens, il n'avait fait qu'observer. On lui avait dit qu'il était un enfant né de la bataille.
Un enfant de la mort.
Longtemps, il avait répondu a ces noms. Longtemps, il n'avait connu que la peur et le dégoût.
Il apprit bien trop tôt qu'il avait besoin de protection. Il apprit a sourire et a plaire. Il apprit a faire oublier l'enfant haï et faire naître l'attendrissement. Fili, Thorin, Balin et quelques autres l'oublièrent et il eu sa protection. D'autres ne virent que les faux sourires et la fausse innocence, sans comprendre qu'ils étaient eux même la cause de ces traits, et il devint le danger.
Et tandis qu'il évoluait dans le cercle protecteur qu'il avait acquis, il grandit, il s'affina, il quitta la protection des mines pour courir dans les bois, et il devint l'étranger.
Bizarre, anormal.
Il était trop libre, trop doux et trop léger pour les siens. Alors il se contentait de grandir parmi ceux qui l'avaient accepté, ceux auxquels il cachait celui qu'il était, car il le savait, même eux, le trouveraient anormal s'il agissait près d'eux comme il agissait lorsqu'il était seul ou entouré d'inconnus.
Et il restait dans les bois, protégé par les branches épaisses, il courait, sautait, riait tel une créature des bois et non des mines. Et au soir, il ramenait quelque animal, suffisamment pour prétendre avoir passé la journée a chasser, mais trop peu pour durer plusieurs jours, et le lendemain, il repartait, et recommençait, loin des yeux de son peuple.
Du moins il le pensait.
Car un jour, Thorin, son oncle, choisit devant l'absence de travail de venir prêter main forte a son jeune neveu, il prit donc le chemin des bois et avança jusqu'à distinguer la silhouette du jeune garçon, en contre bas de sa position, au cœur d'une large rivière dans laquelle il se baignait, dépouillé de ses armes et de ses vêtements. Seul un simple pagne, le couvrant de l'aine au haut des cuisses et dans lequel était glissé un couteau, subsistait. Mais Kili ne se servait pas de ce couteau pour tuer quelques poissons, au contraire, la lame de celui ci restait cachée tandis que Kili, de l'eau jusqu'au torse, tournoyait, courait, nageait et riait dans l'eau accompagné des poissons dans la rivière qui semblaient, eux, ne se méfier aucunement de la présence d'un nain dans leurs eaux, préférant s'en amuser.
Alors Thorin resta là de longues minutes, son esprit hésitant entre le dégoût et la fascination devant le spectacle incongru de ce jeune nain parfaitement a sa place sous le couvert des arbres et vif tel les poissons qui l'entouraient.
Lorsque enfin Kili sortit de l'eau et se dirigea vers ses vêtements, Thorin sortit de l'ombre et s'avança vers lui, fixant le maigre dos constellé de gouttes d'eau. Il ne pu faire que quelques pas avant que Kili, alerté, ne se retourne d'un bond vers lui, son couteau a la main, pointé vers le vieux nain.
Et Thorin, immobile, comprit que l'arme discrète ne servait aucunement a la chasse, mais a la protection de son propriétaire, protection qui semblait nécessaire aux yeux du jeune brun lors de l'approche d'un autre nain.
Kili, lui, sursauta et baissa rapidement son arme en reconnaissant le roi sans couronne, mais celui ci ne put que remarquer qu'il n'avait pas quitté sa posture défensive, prêt a fuir au moindre mouvement du roi.
-Du calme, Kili. Je ne voulais pas t'effrayer.
-Mon oncle. Que faites vous ici ? Le garçon plaça un sourire sur son visage, mais ses épaules restèrent tendues et sa main, serrée sur le manche de l'arme.
-Je suis venu chasser avec toi.
-Oh, et bien, je pêchais. Le mensonge était venu avec une facilité qui déconcerta un instant le plus vieux, mais il se reprit rapidement et choisit de jouer la carte de l'honnêteté.
-Inutile de mentir, Kili, je suis là depuis longtemps, maintenant.
Et même si Thorin avait tenté d'adoucir sa voix, le plus jeune se tendit de nouveau immédiatement, la main crispée sur la lame et Thorin, devant les yeux subitement méfiants de son neveu, fit un pas en arrière et écarta les mains des nombreuses armes glissées dans ses épaisses fourrures.
-Kili, tu n'as rien a craindre de moi voyons !
-Pourquoi ?
-Pourquoi ? Comment ça ?
-Pourquoi n'aurais je rien a craindre de vous, mon oncle ?
Ces mots glacèrent le plus vieux, et il sentit sa patience déjà mince s'effriter devant son incompréhension de la scène surréaliste que se jouait.
-Mais parce que je suis ton oncle ! Kili, je ne te ferai jamais de mal, je n'en ai aucune raison !
-Vous en avez.
-Quoi ?
-Vous avez vu que j'étais bien plus a l'aise ici que parmi... Les autres. Vous avez dû comprendre que les autres nains ont raison, lorsqu'ils me disent différent, et vous devez comprendre leur dégoût, désormais.
Thorin resta cette fois silencieux de longues minutes, tentant de remettre en ordre son esprit. Était il dégoûté ?
Non. Surpris, certainement. Ses yeux s'égarèrent sur le corps finement ciselé devant lui, habituellement caché par les vêtements épais des nains, et, a sa grande honte, il ne put s'empêcher de se demander si Dis n'avait commis quelque impair par le passé et cherché la compagnie d'un Homme, ou bien même d'un elfe ?
Fasciné. Il était fasciné par ce neveu qu'il avait pensé connaître.
Celui ci se retourna brusquement et en quelques secondes, enfila ses vêtements et avança rapidement vers les profondeurs de la forêt, et Thorin sortit brusquement de ses pensées, quel imbécile ! Il avait gardé le silence de longues minutes, et le garçon avait du penser qu'il le dégoûtait vraiment.
Il couru a la suite du jeune brun et parvint a saisir son bras entre deux arbres, le plus jeune tenta de lui faire lâcher prise pour prendre la fuite, mais le plus vieux saisit finalement son second bras et le plaqua contre un arbre pour le retenir.
-Lâchez moi ! Le cri purement terrifié du plus jeune immobilisa a nouveau Thorin, mais il ne le lâcha pas pour autant. Au contraire, il retint un peu plus son neveu et observa les yeux sombres se remplir de peur et le corps se mettre a trembler, bien que parfaitement prêt a bondir sitôt qu'il se serait écarté.
Le roi sous la montagne sentit la colère l'envahir en imaginant les différentes situations qui avaient pu marquer suffisamment Kili pour provoquer cette réaction. Il voulait tuer tous ceux qui avaient osé toucher a un cheveu du jeune garçon et retenir celui ci près de lui, là où plus personne ne pourrait l'atteindre.
Sous la rage qui se mit a irradier de lui, Kili se recroquevilla contre l'écorce, continuant cependant de tirer sur les bras qui le retenaient. Thorin fut sortit de ses pensées par un halètement de douleur que ne sut retenir le garçon, et il libéra enfin ses bras, restant cependant assez près de lui pour pouvoir le saisir au moindre mouvement de fuite. Mais Kili ne fit que ramener ses bras contre lui, toujours adossé a l'arbre et, petit a petit, ses yeux retrouvèrent leur calme et leur impassibilité habituels.
-Qu'est ce que vous faites ?
Sa voix était sortie bien plus faible que Kili ne l'aurait voulu, et il se redressa pour contrer la vague de lassitude qui l'assaillait soudainement.
-Je t'empêche de fuir.
Kili accusa le mot comme le coup a sa fierté qu'il était et rétorqua sur un ton plus méprisant que celui qu'il se contraignait a utiliser continuellement :
-Je vois ça. Mais pourquoi ? Que voulez vous ?
-Je ne sais pas.
-Habituellement, lorsque quelqu'un me fixe comme vous l'avez fait tout à l'heure, c'est parce qu'il veut me sauter.
Le roi sursauta, aussi bien pour la phrase de son neveu que pour le ton badin qu'il avait utilisé. Et ne put contrôler la rage résonnant dans sa voix lorsqu'il reprit :
-Qui ?!
-Qu'est ce que ça peut vous foutre ?!
Kili non plus n'avait pu retenir sa voix ni ses mots en réaction au cri du plus vieux et le regretta bien vite lorsque l'un de ses bras fut a nouveau plaqué contre l'arbre et que le dur corps de son oncle le força contre l'écorce presque douloureusement.
-N'oublie pas a qui tu t'adresse, Kili !
Le plus jeune ne pouvait répondre, ne pouvait qu'a peine respirer sous la force de son oncle, et ce dernier reprit la parole.
-La nuit tombe, nous rentrons. Mais ce n'est pas terminé, Kili, et a l'avenir, n'oublie pas que tu me dois le respect.
Sur ce, Thorin s'écarta de lui aussi vite qu'il s'était approché mais ne desserra pas l'étreinte sur son bras, le traînant presque sur le chemin du village jusqu'à ce qu'ils soient en vue des guetteurs des montagnes Bleues.
A suivre~
Voilà pour le premier chapitre de ma première ficlette sur The Hobbit ! J'espère qu'il vous aura plu, si c'est le cas, n'hésitez pas a reviewer et la suite arrivera rapidement !^^
Disclaïmer : Pour chaque chapitre de cette histoire, je ne possède pas l'univers et les personnages du Hobbit mais cette fanfiction est mienne. Je ne touche aucun argent pour cette histoire.