Chapitre I. Enfant : ce vent qui t'effraye
Quand il s'engouffre par la porte d'entrée, charriant les effluves acides de ton quartier et de ses lugubres manufactures, tu te contentes de plisser le nez. Une grimace dégoutée déforme alors les traits enfantins de ton visage.
Quand il fait claquer les volets défraîchis qui entourent la petite fenêtre de ta chambre, tu enfouis la tête sous ta couverture rapiécée. Tu as l'espoir puéril qu'elle te protégera de tout.
Quand sa violence fait trembler la maison, ton jeune corps est pris de ces mêmes tremblements et tu l'entoures de tes bras faméliques. L'illusion est loin d'être parfaite mais tu te surprends à imaginer ceux de ta mère, infiniment plus sécurisant.
Quand il frappe ton visage innocent de sa force sauvage, tu fermes précipitamment tes yeux noirs. Les ténèbres t'enlacent subitement et tu déteste ça. Mais tu abhorres encore plus les larmes cristallines que la violence de ce vent t'arrache traitreusement.
Quand il se fait froid et humide et qu'il traverse sournoisement tes vêtements miteux, tu serres la mâchoire dans le mince espoir de faire cesser ce ridicule claquement de dents. La tête dans les épaules, tu restes debout dans cette rue qui te semble néanmoins plus accueillante que ta maison et ses occupants.
Quand il hurle dans l'impasse, tu le remercie tout bas et pries même pour qu'il rugisse davantage. Parfois, il répond à ta prière silencieuse. Les cris de ton père et les suppliques de ta mère se confondent avec ce son qui t'effrayes malgré tout.