Harry Potter - J.K. Rowling

La Liste - Rose


Fumer beaucoup trop - POV Draco Malefoy, 30 novembre 2003

Je soufflais sur mes mains dans l'espoir de réchauffer mes doigts glacés puis essayais de nouveau d'obtenir une flamme. Cependant le maudit boitier argenté refusait obstinément de m'accorder la moindre étincelle. J'aurais pu utiliser la magie mais j'aimais la sensation de la roulette mécanique sous mon pouce.

Agacé, je secouais énergiquement le briquet et tentais à nouveau de le faire fonctionner. Cette fois-ci une flamme orangée, vacillante mais bien présente, se manifesta.

Bloquant ma respiration, j'approchais délicatement la cigarette coincée entre mes lèvres puis aspirais désespérément jusqu'à sentir le gout âpre de la fumée s'engouffrer dans ma gorge. Les yeux à demi-clos, j'expirais doucement. Par Merlin ce que ça pouvait être agréable !

Je ne sais pas comment j'en étais arrivé à fumer ce truc moldu. Sans doute un pied-de-nez à mon père.

Au manoir, dans la pièce qui servait de bureau à mon paternel, il y avait une vitrine faite de bois sombres, d'albâtres et de dorures qui renfermait toute une collection de pipes. Elles avaient toutes une forme et une taille différentes. Elles étaient de tous les matériaux imaginables. Du plus simple comme le bois - cerisier, olivier, chêne ou bambou. Au plus noble comme la porcelaine, le verre, l'argent ou l'écume de mer.

Lucius Malefoy m'avait toujours défendu d'y poser ne serait-ce qu'un doigt. Sa précieuse collection n'était pas faite pour les enfants. Je ne l'avais jamais vu les utiliser. Et j'avais toujours été curieux. C'était peut-être la raison pour laquelle j'avais poussé la porte d'un bureau de tabac moldu lors d'une des promenades de notre chien, Tyl.

Harry avait juré, tempêté et hurlé. Il m'avait même trainé chez Granger - nouvellement Weasley - où cette dernière m'avait fait la leçon pendant plusieurs heures. Rien ne m'avait fait arrêter.

M'appuyant contre la rambarde du balconnet, je jetais à un coup d'oeil à l'intérieur de l'appartement qu'Harry et moi partagions désormais. Même si nous passions beaucoup de temps ensemble auparavant, se retrouver sous le même toit avait apporté son lot de disputes en tout genre. De petits détails qui n'ont aucune incidence lorsque chacun a son propre appartement et qui prennent mystérieusement de l'importance quant il s'agit d'y faire face en permanence.

Harry ne faisait jamais son lit. Harry laissait toujours traîné ses affaires. Harry avait tendance à ronchonner seul dans son coin. Harry aimait s'assoir sur toutes les surfaces qui n'étaient pas prévues à cet effet. Harry détestait parler pendant les repas, hormis au petit-déjeuner où il jacassait sans discontinu.

Je faisais toujours mon lit. Je rangeais toujours mes affaires. Je n'aimais pas entendre les gens ronchonner. Je ne m'asseyais que sur les meubles dont c'était la fonction. J'adorais parler pendant les repas, hormis au petit-déjeuner où je voulais seulement profiter de ma tasse de café.

Heureusement, emménager ensemble avait aussi plusieurs points positifs. Se réveiller tous les matins dans le même lit qu'Harry. Observer Harry sortir de la salle de bain encore trempé, une serviette négligemment enroulé autour de ses hanches. Avoir de délicieux pancakes au petit-déjeuner. Se séparer au pied de l'immeuble en se souhaitant une bonne journée. S'allonger sur le canapé et sentir les doigts d'Harry jouer avec mes cheveux. Parler de tout et de rien tandis qu'il prépare le repas du soir. Se balader main dans la main dans la rue, à la lumière des réverbères et le regarder s'extasier parce que Tyl a rapporté un bâton de bois. Me coucher de son coté du lit, le nez dans son oreiller en attendant qu'il termine quelques dossiers du Bureau des Aurors. Le regarder se déshabiller et se glisser sous les draps en me poussant vers mon coté du lit. Et savoir qu'il en sera de même le jour suivant.

Un sourire aux lèvres, j'écrasais le mégot de ma cigarette dans la petite coupe en jade prévu à cet effet puis quittais le balcon pour échapper au froid de novembre. Dans la pièce principale, la chaleur m'enveloppa immédiatement, me picotant agréablement les doigts et les joues.

Harry était penché au-dessus d'une dizaine de documents. Dans sa main droite, une plume d'oie grattait frénétiquement un parchemin frappé du sceau du Ministère de la Magie. Sa main gauche volait par-dessus les différents papiers, s'emparant d'un pour l'abandonner la seconde suivante et en saisir un nouveau. Parfois, d'un geste désinvolte, elle remontait les lunettes en haut de son nez ou fourrageait dans les cheveux ébènes de son propriétaire.

Il avait le teint pâle et des cernes sous les yeux. Pourtant j'étais certain qu'Harry n'avait aucun problème d'insomnie. J'avais le sommeil léger et me réveillais généralement une ou deux fois par nuit. À chaque fois, l'auror dormait du sommeil du juste.

J'avançais dans la pièce pour me placer derrière lui et il ne quitta pas un instant ses parchemins des yeux. Tendrement - comme je ne le serais sans doute jamais avec quelqu'un d'autre - je passais mes bras autour de son torse et posais mon menton sur son épaule.

_ Un dossier important ?

_ Pas plus qu'un autre, me répondit-il simplement.

_ Alors ne crois-tu pas qu'il peut attendre demain ? C'est dimanche aujourd'hui, précisais-je en posant la main glacée sur celle qui noircissait toujours le parchemin.

_ Tu empestes.

_ Je sais.

_ Tu es glacé.

_ Je sais aussi.

_ Tu devrais arrêter de fumer. C'est mauvais pour ta santé.

_ Sérieusement ? C'est toi qui me parle de santé ?

J'aurai aimé être un peu plus incisif mais j'avais passé ces dernières semaines à surveiller le moindre signe de rechute. Parce que je ne voulais en aucun cas revivre ce qu'il s'était passé quelques mois plus tôt.

Ça avait commencé de la même façon. Harry était devenu pâle, lui qui arborait un teint légèrement hâlé même en hiver. Puis de larges cernes avaient pris place sous ses yeux. Et un matin, il avait refusé de se lever. J'avais pensé à un coup de fatigue, un rhume ou que sais-je … mais aucune des potions que j'avais préparé ne l'avaient remis sur pied. Harry avait passé sept jours cloué au lit, refusant d'avaler autre chose que de la soupe ou du jus de citrouille, à trembler de froid sous deux couches de couvertures en laine.

En désespoir de cause, j'avais fait appel à un médicomage mais quand Harry l'avait appris, il s'était enfermé dans la chambre et malgré toute ma bonne volonté, j'avais été incapable de déverrouiller la porte - que ce soit en usant de la force ou de la magie. Le médecin m'avait conseillé quelques potions eu égard aux symptômes que je lui avais décrit mais ne pouvait guère faire plus dans pareilles conditions.

Et une nuit, son état avait empiré. Tremblant et peinant à respirer, il avait usé de ses maigres forces pour tenter de s'enfermer dans la salle de bain. Je ne l'avais pas laissé faire et il s'était énervé en me demandant de quitter la pièce. J'avais compris la lueur d'inquiétude qui brillait dans ses yeux une seconde avant qu'une vague de magie ne balaie la pièce. M'envoyant au passage m'écraser contre l'armoire de la chambre.

Harry s'était excusé, complètement paniqué par ce brusque excès de magie. Je l'avais couché sur notre lit en murmurant des phrases rassurantes comme on calme un enfant après un cauchemar.

Le lendemain matin, aussi incroyable que cela puisse paraître, j'avais retrouvé Harry debout dans la cuisine, préparant des pancakes. En pleine forme.

_ J'aimerais que tu arrêtes Draco, demanda-t-il en me sortant de mes pensées.

_ Que j'arrête quoi ?

_ De me regarder comme si j'allais mourir.

C'était stupide mais j'avais passé toute mon enfance à entendre dire que les mots avaient des pouvoirs alors cette phrase, prononcée avec la plus grande nonchalance, me mit hors de moi.

_ Bien sûr que tu ne vas pas mourir ! D'où est-ce-que tu sors une aberration pareille ?

_ De toi. De la façon dont tu n'arrêtes pas de me regarder ces derniers temps.

_ Tu ne vas pas mourir, martelais-je. Et je ne te regarde d'aucune façon que ce soit !

_ Menteur, murmura Harry en retournant à ses parchemins.

Je pinçais les lèvres et serrais les poings, combattant mon envie d'empoigner son polo et de le secouer jusqu'à ce qu'il comprenne que je ne le regardais certainement pas comme un cadavre ambulant.

Je me laissais tomber sur la chaise à côté de l'auror tout en réfléchissant à la suite. Parce qu'il était hors de question que la conversation se termine ainsi. Mettant un instant ma fierté de côté, je décidais d'être aussi honnête que possible.

_ Sérieusement. Tu es Harry Potter. Je n'ai jamais, tu m'entends, jamais envisagé que tu puisses mourir. Même quand j'ai vu Hagrid porter ton corps lors de la Bataille de Poudlard, tout ce à quoi je pensais, c'était « il n'est pas mort ». Alors oui, je m'inquiète. Je m'inquiète parce que tu peux passer dix jours cloué au lit tremblant de fièvre, exploser l'appartement dans un excès de magie que nous ne comprenons pas, et être sur pied le lendemain comme si rien ne s'était passé. Mais ça ne veut absolument pas dire que je pense que tu vas mourir ! Je me sens concerné Harry ! C'est pour ça que je t'observe en douce pour voir si tu vas bien. C'est pour ça que j'essaie de te noyer avec différentes infusions tous les soirs. Et c'est aussi pour ça que j'essaie de te faire prendre des congés le plus souvent possible. Parce que tout ce à quoi je pense, c'est à faire en sorte que tu te reposes afin que tu sois pour toujours cet horrible gamin insupportable, binoclard et balafré que j'aime !

Ce n'était pas de l'honnêteté ça … je virais Poufsouffle.

_ Tu m'aimes ?

A cet instant, j'étais à peu près certain de ressembler à un veracrasse que l'on aurait sorti de son bocal.

_ C'est tout ce que tu retiens … je te sors un superbe monologue et toi tu retiens les deux derniers mots, gémissais-je en cachant mon visage rougi derrière mes mains.

_ Non. Pas que les deux derniers mots, murmura-t-il.

Je laissais tomber mes mains sur mes genoux pour observer mon compagnon. Harry avait légèrement tourné sa chaise vers moi mais fixait obstinément la table d'un air malheureux.

_ Qu'est ce qui te tracasse ? Après une déclaration pareille, je pensais que tu allais te plaindre de ne pas avoir enregistrer mes mots afin de les faire écouter à Ronald la prochaine fois qu'il affirmerait que je suis sans coeur.

Je tentais de le dérider, et je pris comme une victoire le minuscule sourire qui se dessina sur ses lèvres.

_ Tu ne vas pas en avoir marre de moi ?, demanda-t-il finalement.

_ Comment ça ?

_ Je fais exploser des trucs. Je t'envoie valser à travers la chambre. Il y a un truc qui tourne pas rond chez moi mais on ne sait pas quoi. Ça ne te donne pas envie de partir en courant ?

_ J'ai toujours su qu'un truc ne tournait pas rond chez toi Potter. Rien de nouveau sous la robe de Merlin.

_ Sois sérieux cinq minutes, me gronda-t-il en frappant gentiment mon bras.

_ La dernière fois, tu m'as dit que tu gérais tout ça.

Il hocha la tête d'un air convaincu.

_ D'accord. Toutefois, je ne veux pas que tu me caches quoique ce soit. Et si ça empire, je t'emmène de force chez un médicomage.

Il hocha la tête, un peu moins convaincu. Je le foudroyais du regard.

_ Ok, acquiesça-t-il finalement.

_ Et on en parle à Grang…Weasley.

_ Hermione s'inquiète pour un rien ! Elle va passer son temps libre le nez dans les bouquins dans l'espoir de trouver une solution à un problème qu'on le comprend pas !

_ C'est justement pour ça qu'il faut lui en parler.

Harry repoussa ses parchemins en soupirant, croisa ses bras sur la table et posa sa tête sur cet oreiller improvisé.

Les yeux clos, il semblait un peu plus serein qu'avant notre conversation. Tout inquiet que j'étais, je ne m'étais pas aperçu qu'Harry avait peur que je l'abandonne à cause que son étrange propension à se fourrer dans les ennuis les plus improbables.

Je posais mon bras à côté du sien, et posais ma tête dessus afin d'être au même niveau que lui. Mon autre bras se posa dans son dos, et remonta lentement jusqu'à ce que mes doigts viennent s'emmêler dans les mèches de cheveux à la base de sa nuque.

_ Et Harry ?

_ Hum, grogna l'intéressé en ouvrant les yeux.

_ Je t'aime.


Les ami(e)s .. Fumer tue ! Souvenez-vous en.

Après deux chapitres pas très joyeux, le prochain devrait être beaucoup plus léger. Enfin normalement.

Prochain chapitre : « Prendre le métro - POV Harry Potter »

Mappion : Un grand merci pour ta review ! Je suis toujours contente d'avoir de petits retours sur ce que j'écris. Tes compliments m'ont vraiment fait plaisir. Pour répondre à ta question, nop je ne donnerai pas la raison de leur dispute lors du précédent chapitre. Leur courte séparation et leur réconciliation étaient le plus important d'après moi. J'espère lire une nouvelle review sur ce chapitre, alors … à bientôt !