Chapitre dix
John se réveilla en se sentant comme si un trois tonnes lui était passé sur le corps. Répétivement. Grognant, il s'assit lentement et se frotta les tempes. C'était de nouveau le matin et cette vérité lui prit quelques secondes à réaliser, et quand il le fit, John tressaillit violemment puis grimaça à cause du martèlement dans sa tête. Comment était-il arrivé là? Son dernier souvenir fit surface et John déglutit.
Il avait été blessé. Ils s'étaient cachés des hommes-métal. 11 a décidé de venir les aider. Quel culot !
Est-ce qu'il y avait eu d'autres personnes aux alentours ?
Oui. C'était ça. Rory et Amy, ses nouveaux amis, s'étaient cachés avec lui quand ça s'était produit.
Il se releva rapidement, chancela et posa une main contre le mur pour récupérer son équilibre. Il devait être sûr qu'ils allaient bien. John baissa les yeux sur lui-même et siffla d'agacement. Il était habillé, mais pas en quelque chose qu'il porterait en public.
Une chemise à manche-longues rayée et froissée, une veste en tweed, un pantalon, des bretelles, et, bon sang ! un noeud papillon. Le pantalon était un peu court, la chemise, un peu ample, et, dans l'ensemble, John était tout à fait ridicule.
- Où est-ce que tu as bien pu dénicher tout ça ? marmonna John.
Son alter ego refusa de répondre et John leva les yeux au ciel. Rapidement, il retira ces vêtements indésirables et les remplaca par son attirail habituel, revêtant son trench coat par habitude. Il commençait à s'attacher à ce manteau.
Évidemment, 11 s'était approprié l'endroit pendant que John était absent. Ses vêtements étaient étalés au sol, victimes du sens de la mode de 11, et John ne se prit pas la peine de les ranger. Il pourrait le faire plus tard.
- Tu pouvais même pas y mettre de l'ordre, je vois, grommela-t-il. Comme d'habitude.
Je ne veux pas te vexer, John, mais tu as un goût affreux, vint la réponse de 11, j'ai dû me promener dans tes chaussures pendant dessiècles avant de changer.
- Et tu penses que ton goût est meilleur ? dit John, imperturbable.
Je dois être d'accord avec John sur ce côté-là, 11, répondit une autre voix. Ton style est atroce.
Le commentaire de 11 fut rapide et sarcastique.
Dixit l'homme au céleri.
Oh, arrête. Tu ne sais jamais quand tu pourrais avoir besoin d'un bâton de céleri.
La voix semblait venir de derrière John et ce dernier se tourna vers le son pour se tendre. Lentement, il avança. Ici, dans le mirroir au-dessus de son petit évier, se tenait un homme de quelques années de plus que John. Ses cheveux cendrés étaient coiffés sur la gauche. Il avait des yeux céruléens et réfléchis, et il portait un uniforme de criquet embelli par un bâton de céleri. Il sourit à John durant quelques secondes et lui fit un petit signe de la main malicieux avant de quitter son champ de vision. John se retrouva à regarder ses propres yeux bruns, puis cligna rapidement des paupières et glissa hors du miroir.
C'était bizarre.
- Comment est-ce que tu as fait ça ? demanda John au vide.
Il avait oublié son urgence à sortir dans sa surprise.
5, car c'était qui l'homme au céleri était, envoya à John l'équivalent mental d'un haussement d'épaules avant de se fondre dans le subconscient de John.
Fronçant des sourcils, John repoussa cet évènement étrange et fit ses lacets. Il devait trouver Rory et trouver combien de temps avait passé depuis qu'il avait changé. Et qu'est-ce qui était arrivé aux hommes-métal ?
Hâtivement, John trébucha pour atteindre la porte et l'ouvrit. Les couloirs étaient débordants d'activités, comme d'habitude, mais John était trop concentré sur sa tâche pour remarquer l'inquiétude grise et tremblante qui formaient des nuages autour de chaque personne comme de la brume.
John courut puis fit irruption dans la chambre de Rory sans même prendre la peine de toquer et il dérapa pour s'arrêter. Les murs de la chambre étaient cramoisis et brun clair, et un tapis en fourrure reposait sur le sol en bois dur. Rory était allongé dans un hamac teint, lisant un vieux comic, et il sursauta quand John entra. Il tomba du hamac, trébucha et referma vivement le comic sur le chevet.
- John ! cria-t-il, un large sourire apparaissant sur son visage.
Il se précipita et jeta ses mains sur les épaules de John.
- Tu es de retour !
John cligna des yeux, soulagé mais légèrement confus. Il venait de réaliser qu'il n'avait aucune idée de comment il savait que c'était la chambre de Rory. Bizarre.
- Comment pourrais-tu savoir que c'est moi ? demanda-t-il lentement.
Maintenant Rory semblait perdu. Il fronça des sourcils pendant un moment mais alors quelque chose parut sur ses traits.
- Oh... d'accord. Il a dit que tu ne savais pas.
Il. Ce devait être son alter ego, 11.
- Ne savais pas quoi ?
Le regard de Rory quitta celui de John et il se décala maladroitement.
- D'accord, eh bien, John. Toute cette foutaise à propos de toi sans capacités spéciales... en fait, c'est ça. De la foutaise.
- Mais qu'est-ce que s'est supposé vouloir dire?
Maintenant, les yeux verts de Rory rencontrèrent ceux bruns de John et il lui donna un sourire de travers.
- Tu as l'air différent quand tu es eux.
Quoi.
John laissa échapper un petit reniflement confus et fit un pas sur le côté.
- Qu'est-ce que tu veux dire ? C'est... ce n'est pas possible.
- C'est ce que j'ai dit, répondit Rory avec une patience exaggérée. Mais ça ne change pas les faits. Matthieu ne te ressemble en rien. Du tout. C'est comme si vous étiez deux personnes différentes.
John leva rapidement une main pour arrêter Rory.
- Attendez – Matthieu ?
- Ton alter ego, éclaira Rory. On a un peu oublié de mentionner que toi et lui êtes la même personne quand on est tombés sur d'autres gens... (Rory fit une pause et fronça des sourcils) Ça... te va, hein ?
Hébété, John hocha la tête. En vérité, il était extrêmement soulagé qu'ils aient fait ainsi.
Ils lui ont donné un nom. Brillant, puis à 11, tu as négligé de me mentionner ce développement.
... Ce n'avait pas d'importance, tête de cuillère.
John leva les yeux au ciel. Et qu'est-ce qu'une tête de cuillère ?
En deux mots : John Smith.
Trop occupé à se disputer avec lui-même, John ne répondit pas à Rory et ce dernier continua à parler.
- Pour ne pas oublier, tu as aussi envoyé ce choc d'énergie ou quelque chose, massif, totallement épique ! Ça a foutu les choquottes aux Cybermen et ils se sont enfuis !
Très lentement, John fit un nouveau pas en arrière pour se pencher contre la porte. C'était ridicule, absolument ridicule. Il serra le poing et, lentement, le libéra.
- Cybermen ? croassa-t-il.
- Matthieu les appelait comme ça. Ça a choqué Vastra et Rose. Apparemment, c'est une sorte de secret ou un truc du genre.
Rory sembla enfin remarquer le visage pâle de John. Ses sourcils se froncèrent davantage.
- Tu vas bien, John ?
John se sentait sur le point de vomir, mais il hocha la tête.
- Ouais... C'est juste dur à tout prendre d'un coup.
- Ouais. Désolé. Mais tu dois, ajouta rapidement Rory, Vastra veut te revoir aussi rapidement que possible. Les cours ont été annulés aujourd'hui parce que la plupart des professeurs aident à réparer les dégâts que les Cybermen ont causé hier, alors tu es libre.
- J'ai raté quelque chose d'autre ? demanda John, riant sans humour.
Il s'était attendu à avoir raté pas mal de choses, mais pas autant ! Et apprendre que ses alters egos avaient une apparence physique ? Cela prit une quantité massive d'effort mental pour enfoncer les informations dans le fond de son esprit pour qu'il puisse continuer à fonctionner.
Rory hocha la tête négativement.
- Ce doit être tout.
- D'accord, heu... (John passa rapidement une main dans ses cheveux avant d'ouvrir la porte de la chambre de Rory) Tu veux entrer ?
Rory fit un signe de tête vigoureusement affirmatif, enleva sa veste du mur et suivit John.
- Je n'ai rien d'autre à faire.
- Bien. Je ne sais toujours pas comment retrouver la porte d'entrée à partir d'ici, admit John, content de parler d'autre chose que sa vie ridicule.
Rory eut un rire moqueur et entra dans le couloir principal derrière John pour sortir dans la cour. Vastra serait probablement ici, pensait Rory.
Après un moment, John jeta un regard à son ami.
- Merci pour, heu, ne pas avoir dit à tout le monde qui est 11.
C'était assez embarassant qu'Amy et Rory sachent.
- Ouais... J'espérais justement que tu sois d'accord. Matthieu n'avait pas l'air de le vouloir non plus.
Cela remplit les pensées de John. Matthieu. Matthieu ne voulait pas être associé avec John autant que John ne voulait pas être associé avec lui. Cette réalisation le prenait par surprise. John ne l'avait jamais imaginé en tant que personne, pas qu'il voulait être méchant, mais pour être franc, il avait considéré 11 en tant que fragment de son imagination. Jusqu'à aujourd'hui, pourtant. Même après tout ce qu'il avait vu, John était toujours réticent à croire qu'il pouvait ne pas être fou.
11 avait toujours été juste ça, 11. Mais le nom Matthieu était étrangement adéquat. En fait, il aimait bien, mais il écrasa l'émotion avant que 11 ne puisse en ressentir les parfums. Il jubilerait des heures durant.
Ils atteignèrent la porte principale et John donna à Strax, le portier- majordome, un bref signe de tête. Qui fut retourné instantanément.
- M'dame ! aboya Strax.
Prit par surprise, John jeta un coup d'oeil à Rory. Peut importe qu'il ait été salué "M'dame", pourquoi avait-il été salué tout court ? Rory haussa les épaules et ils s'éloignèrent.
Ils dévalèrent les escaliers blancs, contournant les étudiants qui révisaient et bavardaient sur les marches. Pas très loin, au milieu d'une section détruite d'un mur de l'aile gauche abattu, Vastra et plusieurs de l'Élite inspectaient les dégâts. Ils étaient trop loin pour que John puisse entendre leurs voix, mais à vue de la buée violette-grise les entourant, John comprit qu'ils étaient inquiets. Peut-être un peu effrayés.
- Ça n'arrive jamais, être attaqué à l'école, c'est ça ?
C'était prononcé comme une question, mais c'était plus un constat.
Rory hocha de la tête, sombre.
- Ça fout les boules à tout le monde, murmura-t-il, et ils marchèrent sur l'herbe vers les décombres.
- Je peux voir ça.
Maintenant qu'il prenait son temps, il pouvait voir que presque tout le monde avait au moins une teinte de gris autour d'eux.
Rory lui donna un regard bizarre mais ne demanda pas d'explication.
- On a été attaqués auparavant, mais personne n'avait jamais traversé les boucliers... Le truc bizarre, c'est que je travaille en Mécaniques parfois et que c'est simplement impossible que ces Cybermen aient pu traverser les boucliers sauf si...
- Sauf si quoi ?
Rory laissa échapper un souffle entre ses dents.
- Je ne suis pas un expert, mais je connais les basiques. Le bouclier est en fait une machine qui fait vibrer les molécules d'air tellement rapidement que personne ne peut voir, ou entendre, ou toucher ce qui est au-delà. Les atomes bloquent le passage, mais ton esprit ne sait pas quoi interpréter et invente ce qu'il veut voir.
John comprit brutalement.
- C'est pourquoi j'ai pensé que la cour était vide avant d'entrer par le portail.
- Ouais. Tu t'attendais à ce qu'elle soit vide, alors elle l'était.
- Qu'est-ce que ça a en commun avec les Cybermen ?
- Eh bien, répondit Rory, les molécules bougent avec une fréquence spécifique qui bloque toutes les personnes que Vastra ne veut pas à l'intérieur. Alors à moins que quelqu'un leur ai donné la clé de la fréquence, c'est impossible qu'ils aient pu se retrouver à l'intérieur...
John cligna des yeux.
- Tu veux dire-?
- -un traître ? Ouais.
Pendant ce temps, ils avaient atteint l'aile ouest endommagée et les deux garçons abandonnèrent leur conversation. Ils devraient discuter de ces pensées sombre une autre fois. En les voyant, Vastra leur envoya une geste court de la main avant de marcher au milieu du verre détruit et de la pierre, elle se baissa sous le ruban de signalisation. Elle sourit gentiment à John et salua Rory.
- Rory. John. Heureuse de te voir en tant que toi une fois de plus.
Elle sait, dit 11 un peu tardivement. Elle sait que je suis toi.
Tu ne pouvais pas me dire cette info genre, cinq minutes plus tôt ?
Vastra donna à Rory un regard aiguisé et, en levant les yeux au ciel, Rory recula.
- Je te retrouverai plus tard, John, dit-il, revenant vers l'école.
Les entrailles de John se retournèrent. Il ne voulait vraiment pas se retrouver seule avec cette femme. Il lui faisait confiance, mais elle avait une présence intimidante et la dernière fois qu'il lui avait parlé, elle avait insisté sur le fait de développé ses compétences, et pas les détruire.
Cependant, maintenant qu'il réalisait que Matthieu était en vérité une vraie personne, Johnétait réticent à marcher sur cette route. Il donna un sourire tendu à Vastra.
- Rory a dit que vous vouliez me parler ?
Vastra répondit avec un hochement de tête, ses écailles vertes brillant sous le soleil d'automne.
- Je sais que ceci est sans précédent, mais après avoir vu ce que tu pouvais faire, ou au moins, ton potentiel futur, je penses que tu serais un atou qui pourra nous aider à gagner cette guerre. Étant donné nos problèmes récents et la guerre grandissant minute par minute, il n'y a pas de temps à perdre pour développer tes compétences.
John se retrouva silencieux. De quelles compétences parlait-elle ? Où voulait-elle en venir ?
- J'ai besoin que tu rejoignes l'Élite.