De magie et de sang
Résumé général : En 1977, les mages noirs souhaitent 'assainir' la société et sèment le chaos tandis que les Cracmols et Nés-moldus revendiquent leur place. Les élèves de Poudlard s'interrogent sur leur avenir alors que Lily Evans découvre un étrange livre...
Disclaimer : Rien ne m'appartient, JK Rowling et la Warner own the stuff. Et je ne tire pas une noise en écrivant cette histoire !
Spoilers : Toute la saga HP. Pas de références explicites à Cursed Child. J'essaie de plus ou moins respecter le canon de Pottermore, mais comme je ne l'ai pas entièrement en tête… il est bien possible que je prenne des libertés ! :)
Avertissement : K+, en raison du contexte politique troublé.
Note : J'espère que cette histoire vous plaira et vous distraira ! N'hésitez pas à me faire part de vos impressions et critiques. Une review, c'est de l'amour en quelques mots !
Chapitre 1 : Entre deux mondes
On aurait pu imaginer Lightsee House, la résidence des Evans, beaucoup plus calme ce dernier samedi d'août. Il était à peine huit heure du matin. Pourtant, depuis un bon quart d'heure, de grandes exclamations étaient poussées autour de la table en formica. Le débat allait bon train par dessus les bols de thé et les assiettes chargées de toasts beurrés.
« Vraiment, Maman, ce n'est pas la peine ! » répéta Lily pour la douzième fois, calmement mais fermement.
« Mais ça ne nous dérange pas ! » insista Mrs. Evans d'un ton exaspéré, également pour la douzième fois.
« Je peux très bien me rendre sur le Chemin de Traverse toute seule, je connais le chemin pour m'y rendre et même pour pour en revenir ! » ironisa l'adolescente. Mais ce n'était pas le ton qu'il aurait stratégiquement fallu employer pour convaincre Mrs. Evans. Cette dernière fronça les sourcils.
La jeune fille sentit préférable d'ajouter immédiatement, d'un ton plus calme : « Ce serait trop dommage que vous annuliez vos plans avec papa. Donc n'annulez rien. Je me rends à Londres, j'achète mes manuels, je reviens, on n'en parle plus... »
« Je trouve que tu nous tiens trop à l'écart » coupa sa mère d'un ton sec. « Déjà qu'on ne te voit pas de l'année ! Mais tu reviens, et tu restes distante et évasive avec nous – et quand tu n'es pas avec nous, tu t'enfermes dans ta chambre pour faire tes devoirs de vacances – et maintenant tu nous snobes ! »
Lily ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel. « Maman, je ne vous snobe pas et je ne m'enferme pas dans ma chambre... » mais un reniflement de dénégation de sa génitrice retentit aussitôt.
« Moi j'aimais bien ce rituel du Chemin de Traverse... » intervint Mr. Evans d'une voix douce, le regard distraitement fixé sur la brique de lait. « J'ai conscience qu'il s'agit de ton monde et qu'une partie de ton univers nous échappera toujours... mais pendant une journée, c'est agréable de t'accompagner et d'avoir l'occasion d'apercevoir des balais volants, des créatures étranges, des boutiques inconnues... »
Le cœur de Lily se serra. Le débat n'était absolument pas fair-play, mais elle était la seule autour de la table à comprendre à quel point. Elle aurait été ravie d'amener ses parents sur le Chemin de Traverse, car il s'agissait d'une tradition familiale. Elle aurait été aussi heureuse qu'eux de leur faire partager un peu de la vie d'une sorcière ordinaire le temps d'une séance de shopping... Mais cela faisait déjà quelques années que les mages noires se manifestaient de manière de plus en plus violente au sein du monde des sorciers, et la situation s'était considérablement dégradée ces dernières semaines. Après des années de déclarations nauséabondes et d'incidents de plus en plus violents, Voldemort et ses sbires prenaient visiblement leurs aises.
Une attaque visant les Mulaigh de Loutry Ste Chaspoule – une famille de sang-mêlés – avait particulièrement défrayé la Gazette du Sorcier au début de l'été. Lily s'était sentie bouleversée en lisant l'article. Agaite, qui travaillait comme Guérisseuse et accueillait aussi bien sorciers que moldus dans son cabinet, et son époux Niall, un moldu qui tenait une petite ferme locale, venaient de mettre au lit leurs trois enfants. L'aîné se rendait dans une école primaire moldue tandis que les deux autres étaient en revanche enregistrés sur le registre des futurs élèves de Poudlard. Quand, sans prévenir, les Mangemorts avaient enfoncé leur porte à grand renfort de sortilèges. Ils avaient tué les enfants devant leurs propres parents, puis mis fin à la vie de Niall sans omettre de le torturer sous les yeux de sa femme. Puis ils avaient jugé que le calvaire d'Agaite n'avait pas suffisamment duré. Ils s'étaient amusé à la traîner jusqu'à la petite place du village à grands renforts de sortilèges et l'avaient finalement achevée sur la place publique avant de faire apparaître la marque des Ténèbres au-dessus de la fontaine municipale, et de transplaner. L'entourage des Mulaigh faisaient le portrait d'un couple d'une grande gentillesse, persuadés que les aptitudes de chacun, qu'il ait ou non des pouvoirs magiques, devaient être développées puis mises au service de la communauté.
Lily avait cauchemardé les deux nuits suivantes : elle imaginait les Mangemorts débarquer à Lightsee House, tuer ses parents et Pétunia – qui était particulièrement insupportable à vivre mais dont elle ne souhaitait certainement pas la mort pour autant.
La Gazette commençait à avoir fait le tour des meurtres de Loutry Ste Chaspoule quand s'était produit le second événement au début du mois d'août. Charles Prewett, de la célèbre famille de Sangs-Purs, avait publié un roman mettant en scène une histoire d'amour passionnée et tourmentée entre une sorcière et un moldu. L'ouvrage avait divisé la critique, certains s'enflammant pour le destin tragique des personnages, d'autres ricanant de l'audace de l'auteur : imaginer une telle association était absolument ridicule. Certains vieux sorciers et sorcières, encore particulièrement obtus sur la question du sang, avaient beau savoir que beaucoup de couples mixtes existaient en pratique… ils avaient trouvé le lyrisme grotesque, et inapproprié pour une situation qui – si ça venait arriver chez eux – les aurait grandement embarrassés. Les Moldus étaient très inoffensifs, mais bien sûr, un gendre ou une belle-fille issu de ce monde-là, oh non, vous pensez bien...
A la critique littéraire et au débat de société, les Mangemorts avaient préféré l'action. Charlus Prewett avait été littéralement dépecé et ses membres envoyés par magie chez ses parents, oncles et tantes. Ce jour-là, Lily avait prétexté une insolation pour être restée un peu trop longtemps dans le jardin et n'avait rien pu avaler.
Toutefois, malgré l'anxiété qui l'envahissait dans la nuit de sa chambre, elle avait jugé préférable de ne pas mettre sa famille au courant. C'était trop dur d'avouer à la fois l'échec de la communauté sorcière (dont elle était pourtant un membre à part désormais) à défendre des valeurs de tolérance, mais aussi que certains sorciers l'auraient volontiers pris elle, Lily Evans, pour cible, à cause de... à cause de rien. De son sang, de ses gènes, de sa lignée – à cause de ses parents, finalement. Cela les aurait attristés, vexés et inquiétés. Elle ne souhaitait surtout pas repartir à Poudlard en les laissant attendre les vacances de Noël avec une terrible boule au ventre…
Elle s'était appliquée à supprimer tous les indices pouvant indiquer que l'actualité des sorciers se trouvait pour le moins troublée. Elle avait indiqué à sa chouette, Flocon, qu'il faudrait ne frapper qu'à sa fenêtre et ne lui livrer son exemplaire qu'en mains propres. Elle ne sortait plus les journaux de sa chambre, comme elle faisait auparavant. En effet, Mr. Evans s'amusait de voir sa fille tranquillement lovée dans le canapé du salon, plongée dans un journal dont les illustrations bougeaient. Cela avait permis à la jeune sorcière de mettre ses parents à l'abri des articles angoissés et des nouvelles alarmistes qui lui parvenaient du monde des sorciers. Mais cela l'avait aussi réduite à passer beaucoup de temps seule dans sa chambre, ce que ses parents avaient pris comme un désir de solitude adolescente, et elle savait qu'ils avaient souffert de cette transformation.
C'était mieux qu'ils ne l'accompagnent pas. On commençait à craindre des attaques en lieux publics, et le Chemin de Traverse, à quelques jours à peine de la rentrée, où les jeunes sorciers de toutes naissances et de tous sangs se pressaient pour racheter plumes neuves, rouleaux de parchemins et équipements de quidditch, faisait figure d'un lieu de chasse idéale pour des Mangemorts souhaitant marquer les esprits. Quitte à être elle-même prise un jour pour cible, elle espérait au moins que ses parents resteraient en dehors des agissements de ce sorcier mégalomane qui terrorisait les foules par la main de ses cruels soldats.
Un silence tendu s'était installé dans la pièce. Son père s'était replongé dans son bol de café tandis que sa mère continuait de renifler en signe de désapprobation. Lily baissa sa garde et soupira. Il fallait changer de tactique.
« Écoutez... vous aviez prévu d'entamer vos recherches de papier peint pour recouvrir les murs de l'entrée et en finir avec tous ces travaux, non ? Et je m'en voudrais de vous faire venir alors que mes amis m'ont donné rendez-vous sur place, je vous ferais juste perdre votre temps... »
Mrs Evans se redressa, piquée de curiosité.
« Tes amis t'ont donné rendez-vous ? Est-ce qu'il ne s'agirait pas plutôt de ce fameux James qui te tournait autour l'année dernière ? » demanda-t-elle avec malice.
« Non, c'est Marlene. » répondit l'adolescente d'un ton placide. « Et James Potter a compris depuis looongtemps qu'il valait mieux lâcher l'affaire. » ajouta-t-elle en marmonnant dans son bol de thé.
« J'aime bien Marlene, déclara son père avec une grande douceur. Tu lui diras bonjour de notre part. »
« Mais... Stephen... » commença Mrs Evans d'un ton implorant.
« Elle va sur ces dix-huit ans, chérie. Elle sait ce qu'elle a à faire. » répondit tranquillement Mr Evans à son épouse.
« Promis, je vais passer tout ce dernier week-end rien qu'avec vous ! » s'empressa de promettre Lily en penchant par-dessus la table pour prendre la main de sa mère qui se radoucit et mit son autre main par-dessus la sienne.
Elle sourit tendrement à son père qui lui répondit par un sourire tout aussi affectueux.
« Alors ça vaut le coup ! File sur ton Chemin de Traverse et rejoins-nous vite pour le dîner ! J'ai hâte de profiter de ma cadette avant qu'elle ne me soit encore retirée jusqu'aux vacances de Noël. Jane, allons chez Déco et compagnie cet après-midi et réglons cette histoire de papier peint avant que je ne reprenne le travail. »
Mrs Evans acquiesça, manifestement déçue, et se leva pour aller se préparer. Lily observa sa mère remettre nerveusement ses mèches de cheveux blonds derrière ses oreilles et quitter la pièce. La jeune fille avait gagné une bataille mais pas la guerre, vu l'air de tristesse qui s'emparait du visage de Jane Evans alors qu'elle approchait de l'encadrement de la porte. Elle aimait beaucoup sa mère mais plus le temps passait, plus Lily se sentait s'éloigner d'elle. Si elle avait hérité de Jane l'ensemble des traits de son visage et ses yeux vert d'eau, Lily se sentait tenir bien plus de Stephen au fur et à mesure qu'elle grandissait. Elle espérait un jour se montrer digne des qualités dont son père faisait preuve au quotidien. Educateur auprès de jeunes en difficultés, il tâchait chaque jour de faire face à la vulnérabilité de familles déchirées par la pauvreté, par le manque d'opportunités et les souffrances passées. Lily doutait posséder la générosité et la patience dont Stephen Evans faisait preuve au jour le jour, mais elle l'admirait profondément pour cela.
Elle acheva de boire son thé qu'elle débarrassa ensuite dans l'évier et s'apprêtait à remonter pour s'habiller quand son père l'arrêta, alors qu'elle passait près de lui. Il leva ses yeux doux sur elle et demanda d'un ton amusé :
« Tu penses pouvoir me ramener quelques unes de ces fameuses chocogrenouilles ? Parce que du chocolat qui saute et qui coasse, c'est quand même quelque chose pour ton vieux Moldu de père ! »
La jeune fille eut un sourire et se pencha pour déposer une bise sur son front.
« C'est comme si c'était fait ! » promit-elle.
Elle commença à remonter l'escalier qui menait à l'étage et émit un grognement lorsqu'elle entendit des pas qui le descendaient en sens inverse. A l'angle qui faisait tourner l'escalier sur lui-même, elle dut se coller contre le mur pour laisser passer sa sœur aînée. Aucune d'entre elles ne souhaita bonjour à l'autre, ce qui n'empêcha pas Pétunia de s'arrêter et de toiser sa cadette d'un air hautain.
« Vernon passera me chercher ce soir, j'espère donc que tu te feras le plus discrète possible quand il sonnera à la porte. » déclara-t-elle d'un ton sec et sans préambule.
Lily leva de nouveau les yeux au Dursley – avait-elle appris au début des vacances – était le petit ami – pardon, le « prétendant » insistait Pétunia – de sa sœur aînée. Lily s'était d'abord demandée qui avait bien voulu de la froide Pétunia, supposant que sa sœur changeait peut-être complètement de personnalité à l'approche de son amoureux... Puis Lily avait rencontré Vernon et elle avait compris. Il s'agissait d'un grand garçon épais à la large moustache brune, aux idées courtes et plus ennuyeux que la pluie, qui venait d'être recruté dans une entreprise de perceuses. A ce stade des présentations, qui avaient eu lieu lors d'un apéritif en famille, Lily avait été prise d'une crise de ricanements intempestifs. Elle avait réprimé son fou rire tant bien que mal après que son père lui ait lancé un regard sévère. Vernon était si conventionnel que Pétunia avait défendu à ses parents et à sa sœur de souffler le moindre mot concernant la particularité de sa cadette (« de toute façon, c'est interdit de mettre le premier péquenaud au courant » avait répondu Lily avec aigreur à sa sœur aînée qui venait de présenter les dons magiques de Lily comme une « anormalité bien embarrassante pour les gens normaux »).
« Ne t'inquiète pas, je préfère le voir le moins possible, sa moustache me donne des sueurs froides. » rétorqua la plus jeune des sœurs.
Pétunia fut prise de rougeurs aux joues et fronça les sourcils d'un air furibond.
« Lui, au moins, ne s'accoutre pas de manière ridicule ! »
« Oui, parce que se rendre plus ridicule qu'il ne l'est déjà, ça serait compliqué... »
« Espèce de peste ! » s'écria Pétunia en poussant Lily vers le mur d'un mouvement brutal de la main droite.
Scandalisée par le geste brusque de sa sœur aînée, Lily s'apprêtait à répliquer quand Mrs et Mr Evans apparurent simultanément, l'une en peignoir en haut de l'escalier et l'autre portant encore un toast confituré à la main.
« Je vous en prie les filles, ça ne va pas recommencer si tôt le matin ! » implora Mrs Evans d'un ton désespéré, la main crispée sur son peignoir.
« Lily n'est qu'une garce et vous ne lui dites rien ! » s'indigna Pétunia en regardant alternativement ses deux parents.
« Pétunia m'a poussée ! » s'écria aussitôt Lily.
« Tu te moquais de Vernon ! »
« Tu me traites comme si j'étais un monstre ! »
« Ce que tu es ! Qui voudrait que sa sœur mette des crapauds dans la poche de son fiancé et de la bave de chauve-souris dans son thé ? »
« Je t'en prie, ne dis pas de bêtises en parlant de ce que tu ne connais pas, tu ne fais que te rendre ridicule… » répliqua Lily avec sécheresse.
En haut de l'escalier, Mrs Evans paraissait au bord des larmes. « Lily ! Pétunia ! Ça suffit maintenant ! » Mais elle ne parvint pas à poursuivre et fondit en pleurs.
« Vous vous rendez toutes les deux ridicules ! » tonna Mr Evans à l'adresse de ces deux filles qui, décontenancées par les sanglots si soudains de leur mère, sursautèrent en entendant la voix forte de leur père, habituellement si tranquille.
Il s'approcha d'elles l'air profondément attristé, mais également en colère.
« Vous vous rendez compte du nombre de jeunes qui vivent au sein de foyers désolidarisés, ravagés ? Vous ne réalisez pas la chance que vous avez de posséder une famille unie ? Vous êtes presque des adultes désormais et pourtant vous passez votre temps à vous disputer comme des enfants ! »
Les jeunes filles baissèrent les yeux de honte. Mais Lily savait que les arguments de son père, si justes soient-ils, ne trouveraient aucune résonance en elles sur le long-terme. Elles connaissaient toutes deux très bien le laïus. Et elle avait beau se sentir désolée pour ces jeunes que son père évoquait, ça n'empêchait pas que Pétunia lui tapait sérieusement sur les nerfs. Par ailleurs, bien qu'elle ait appris à le dissimuler avec le temps, les insultes de Pétunia ayant trait à sa condition de sorcière l'affectaient autant qu'à leur première véritable dispute à ce sujet, qui avait eu lieu six ans auparavant sur le quai jouxtant le Poudlard Express.
« Lily va repartir après-demain et vous n'aurez plus à vous côtoyer pendant presque quatre mois, reprit Mr Evans d'un ton las. Alors tâchez de vous tenir pendant encore quarante-huit heures. Si vous ne le faites pas pour vous ou pour moi, faites-le au moins pour votre mère !
Un silence lui répondit. Puis, Pétunia se détourna de Lily et dépassa son père en prenant le chemin de la cuisine d'un pas rageur. Mr Evans la suivit sans avoir jeté un dernier regard déçu à sa fille cadette. Celle-ci serra les poings et se dirigea vers sa chambre. En haut des escaliers, elle prit la main de sa mère sans dire un mot. Cette dernière lui lança un regard sans expression et, ravalant ses larmes, retourna dans la salle de bain. Lily sentit la colère disparaître et la mélancolie monter. Elle ferma la porte de chambre et s'y adossa en respirant lentement. Un hululement lui fit relever la tête : Flocon entra dans la chambre et déposa la Gazette ainsi qu'une lettre sur le bureau de la jeune fille avant de s'abreuver d'eau depuis la gamelle posée sur le rebord de la fenêtre. Lily caressa distraitement les plumes blanches et ébouriffées du volatile en saisissant la une de la Gazette.
'Remaniement au Ministère' indiquait la première page du journal. L'article indiquait qu'Andrew Randall, l'ancien Premier Ministre, avait posé sa démission après le fiasco de Loutry Ste Chaspoule et qu'il était remplacé par Paige Parkinson, une sorcière pragmatique qui bénéficiait d'une longue lignée d'ancêtres sorciers. Elle affichait aussi une volonté de confronter les mages noirs qui semaient la panique en agissant de manière chaotique. Lily haussa un sourcil en lisant le paragraphe. On aurait dit que Parkinson déplorait davantage que l'ordre publique soit troublé, plutôt que les actions en elles-mêmes... Comme s'il fallait juste qu'ils s'organisent avec un peu plus de calme pour que le Ministère puisse trouver un terrain de négociation avec eux… Lily soupira. Au moins, cela changerait des déclarations aveuglées de Randall (« les mages noires agissent de façon isolée, il n'y a rien à craindre des rassemblements de Mangemorts ») et aucune nouvelle agression n'était rapportée.
Elle se pencha alors vers la lettre et reconnut l'encre indigo et l'écriture arrondie de Marlene McKinnon.
« Chère Lily,
Merci pour tes lettres et pour ta description particulièrement précise et pertinente du costume à carreaux jaune moutarde de Vernon . Il avait l'air parfaitement assorti au nouveau tailleur rose bonbon de Tuny – je me suis cru assise sur le canapé à tes côtés, assistant au spectacle. J'ai lu toute ta correspondance d'un coup à mon retour des États-Unis et j'ai bien ri (mais entre nous, j'espère que ton été s'est avéré plus passionnant que ce que tu m'as vraiment rapporté parce que franchement, tu mérites mieux que du papier-peint moldu et un futur beau-frère qui porte un costume à carreaux jaune moutarde) (par contre, je n'ai pas bien compris comment fonctionnait une décolleuse à papier peint ? Enfin, soit pour la vapeur mais quelle perte de temps, non ? Je t'enverrai le manuel de mon oncle Rob sur les sorts de décoration intérieure dont tu me diras des nouvelles)
Quoiqu'il en soit, nous pourrons partager nos récits estivaux dès cet après-midi, comme prévu – mais peux-tu confirmer en renvoyant Flocon, car je voudrais être sûre de ne pas te louper – directement sur le Chemin de Traverse. Rendez-vous à la Théière Frappée en début d'après-midi ?
Je te dis à tout à l'heure et j'ai vraiment hâte de te voir (parce que l'Amérique n'est rien si Lily Evans n'y est pas, évidemment),
Marlene »
Lily sourit, attrapa sa plume et un morceaux de parchemin.
« Tu sais comment flatter mon égo et c'est bien pour ça que nous sommes amies !
Rendez-vous à 14h à la Theière (j'aurai déjà fait une partie de mes courses pour être débarrassée)
Affection,
Lily »
Puis elle se tourna vers Flocon qui ébouriffa ses plumes, devenant encore plus rond que d'ordinaire – si c'était possible.
« Prête à affronter la chaleur encore ? Ne t'en fais pas, on sera bientôt de nouveau dans le vent frais de l'Ecosse. » dit-elle en flattant la tête de la chouette qui hulula de contentement. Elle lui attacha le parchemin à la patte et la chouette s'envola par la fenêtre.
C'était étrange, d'être à la fois anxieuse de se rendre sur un lieu qui pourrait tout à fait être pris pour cible par des sorciers assassins, et en même temps excitée de s'y rendre et d'y retrouver sa meilleure amie. Car si l'après-midi se déroulait sans incident, ce serait un bon après-midi. C'est à ça qu'il faut se raccrocher, songea-t-elle en enfilant distraitement une combinaison verte – le premier ensemble estival qu'elle avait trouvé dans le désordre de sa chambre. Penser que tout ira et profiter, ne pas ressasser ce qui pourrait arriver. Tout irait bien et elle pourrait se fustiger d'avoir mis ses parents à l'écart, de les avoir empêchés de faire du lèche-vitrine sur le Chemin de Traverse alors que tout s'était bien passé.
Elle prit son sac dans lequel elle rangea sa baguette soigneusement protégée d'un étui de tissu souple, chaussa ses sandales et sortit du pavillon des Evans après avoir souhaité bonne journée à ses parents. Elle ignora Pétunia qui lisait un magazine à scandale et fit mine de ne pas l'entendre partir. Malgré l'angoisse que lui inspirait ses prochaines retrouvailles avec un monde des sorciers troublé, un sentiment curieux, qui entremêlait le soulagement et la culpabilité, l'envahit. D'ici une bonne demi-heure, au milieu des étagères de Fleury & Bott, submergée par l'odeur des plumes neuves, entourée de personnes qui avaient lu la Gazette des Sorciers ces derniers mois, elle se sentirait davantage chez elle que dans sa propre maison d'enfance.
Presque deux cent kilomètres séparaient Lighsee House du centre de Londres, et Lily dut se résoudre à faire appel au Magicobus : des réformes du permis de transplanage avaient décalé tous les examens de quelques mois et si elle s'était inscrite à la première session qui serait donnée à Poudlard en octobre, elle n'était pour le moment pas autorisée à se déplacer de cette manière. Quand le Magicobus atterrit devant le Chaudron Baveur dans une ultime pétarade, le teint de la jeune fille arborait une nuance verdâtre qui n'était pas sans rappeler subtilement le vert d'eau de sa tenue. Mal des transports, mal de mer, mal de balai volant, mal de Magicobus la frappaient depuis l'enfance et elle fut soulagée de retrouver la terre ferme.
« Bonnes courses, ma chérie ! » s'exclama Ellen, l'inénarrable contrôleuse du Magicobus. Sa sœur aînée, Juliet, conduisait le bus d'une main ferme et assurée. Leurs cheveux clairs et en pétard évoquaient toujours à Lily cette célèbre photo d'Einstein tirant la langue au photographe, d'autant que leurs lunettes d'aviatrices accentuaient leur aura de folie douce. Néanmoins, les deux sœurs étaient d'un enthousiasme revigorant et d'une gentillesse débordante qui rendait le trajet assurément moins désagréable. Lily leur adressa un signe amical de la main. « A tout à l'heure... » sourit-elle faiblement en se promettant de réfléchir sérieusement à une alternative au retour en Magicobus pendant sa séance de shopping. Elle prit quelques instants pour se remettre de ses vertiges devant la façade du Chaudron, tandis que le Magicobus reprenait sa course folle dans une explosion sonore. Les doux rayons de soleil atténuèrent ses nausées alors qu'elle prenait de profondes inspirations.
A peu près remise, elle poussa la porte du Chaudron. Elle fut surprise de constater que l'atmosphère semblait presque normale. Elle avait tant cauchemardé au sujet du calvaire des Mulaigh qu'elle avait imaginé le pire comme atmosphère. Le bar semblait un peu plus calme que d'habitude – mais après tout, il était à peine onze heures. Deux sorcières jouaient aux échecs, entourée de sorciers qui prenaient les paris et commentaient leurs actions à voix basse. A la table voisine, un sorcier doté d'un impressionnant turban d'un blanc immaculé était plongé dans ce qui semblait être la version en sanskrit de sa Gazette locale. Lovés sur un banc, un couple de jeunes sorciers italiens manifestement en pleine lune de miel se donnaient leur brunch à la becquetée en se lançant des œillades. Rassérénée par tant de chaleureuse normalité, elle salua Tom, le maître des lieux, en se dirigeant vers l'arrière-cour qui donnait accès à l'allée marchande. Elle tapota les briques qui dégagèrent une entrée et elle ne put s'empêcher de sourire à l'explosion de bruits familiers et d'odeurs reconnaissables entre toutes.
Après un passage à Gringotts où elle échangea ses livres sterling contre quelques flopées de gallions, de mornilles et de noises destinées à couvrir ses achats jusqu'à la rentrée prochaine, elle entreprit ses courses à l'aide de sa liste de Poudlard. Il était préférable de terminer par les manuels afin d'éviter d'avoir à porter de lourds grimoires toute la journée. Elle se dirigea donc vers l'apothicaire. Les cours de potion seraient particulièrement riches cette année, leur avait promis le Professeur Slughorn, et elle voulait s'assurer d'avoir assez de stock pour pouvoir lancer quelques potions supplémentaires au programme pendant l'année, sans avoir à économiser ses pattes de scarabées et son pot d'annamite broyée.
Elle poussa la porte de l'apothicaire et toussa légèrement, agressée par l'acidité des odeurs diverses qui étaient loin de s'accorder les unes avec les autres. C'est en s'approchant du comptoir qu'elle réalisa qu'elle n'était pas la seule cliente : si elle avait su qui attendait avant elle, elle serait aussitôt repartie mais elle s'était malheureusement trop avancée pour rebrousser chemin discrètement.
Il avait certes grandi pendant l'été et entrepris de couper de quelques centimètres ses cheveux noirs et luisants, mais Severus Rogue dégageait toujours le même manque d'assurance que lorsqu'ils avaient dix ans. Il avait beau le cacher sous son air froid et dédaigneux, ses gestes saccadés et mal-assurés dans ses vêtements dépareillés le trahissaient immédiatement pour qui portait un peu attention. Ils échangèrent un bref regard et grognèrent chacun un « salut » inintelligible avant de fixer en même temps le comptoir vide de son employé. Un silence extrêmement gênant s'ensuivit, tous deux étant pris de surprenantes petites quintes de toux qui troublaient à peine le calme pesant de la boutique. Agité de tics qui crispaient encore un peu plus son visage tiré, Severus se mit à tracer nerveusement des signes runiques dans la poussière du comptoir tandis que Lily entreprenait de lire chaque étiquette des mille et un tiroirs qui s'étalaient sur le mur devant eux.
Au bout de deux minutes qui semblaient avoir duré deux heures, Severus se tourna vers Lily . Sans oser la regarder dans les yeux, il dit d'un souffle :
« Tu as passé de bonnes vacances ? »
Surprise, Lily se tourna vers lui.
« Oui, » répondit-elle prudemment. « Et toi ? »
« Occupé. » souffla-t-il en haussant les épaules.
Silence. Lily sentait en elle tourbillonner l'angoisse, l'inquiétude. Car elle y avait aussi pensé tout l'été en décortiquant les articles de la Gazette : et c'était ces fous que Severus voulait rejoindre ? N'avait-il pas été écœuré comme elle en prenant mesure de leur cruauté ? Comment le garçon de dix ans qui l'avait épaulée et rassurée pouvait-il souhaiter participer à de tels massacres ? Elle rassembla son courage et murmura :
« J'espère que tu n'étais pas occupé à Loutry Ste Chaspoule. »
Severus sembla saisir l'allusion puisqu'il se tourna vivement vers la jeune fille et pour la première fois, leurs yeux se croisèrent.
« Non, j'ai passé tout l'été à un stage de potions avancées. » déclara-t-il froidement.
« Et voici vos pattes de salamandres de jeune homme ! Pardon pour l'attente, mais ce fichu tonneau était coincé sous deux tonne de valériane ! » tonna d'un ton bonhomme l'apothicaire qui remontait l'escalier de sa réserve.
Les deux adolescents se tournèrent vers lui comme si ils ne s'étaient jamais adressé la parole. Severus régla ses commissions et quitta la boutique sans dire au revoir. L'apothicaire adressa un sourire nostalgique à Lily qui regardait tristement son ancien ami d'enfance disparaître dans l'allée marchande.
« Aaaaah, ces adolescents ! Souvent pas très bavards, comme celui-ci! Mais bon, ça changera d'ici un ou deux ans, tout ça… alors mademoiselle, septième année à Poudlard, vous aussi ? » ajouta-t-il en prenant sa liste. « Ça sera d'un autre niveau, vous allez voir ! Vous nous planifiez une carrière au ministère ? »
« Je ne suis pas encore sûre », sourit la jeune fille. L'apothicaire fit mine que ce n'était pas grave.
« Qui s'en soucie ? Vous avez toute l'année pour vous décider ! Alors… moustaches de carpes koi… racines de mandragore... »
Lily avait rempli sa mallette à potions, racheté quelques éléments de l'uniforme de Poudlard chez Mme Guipure (elle avait cessé de grandir deux ans auparavant mais ses formes avaient continué de se métamorphoser pendant l'été). Elle était passée chez Ollivander pour acheter une cire pour baguette « spéciale examens » en prévision des ASPIC, puis acheté du Miamhibou pour Flocon à la ménagerie magique. Elle croisa quelques camarades de classe, notamment Robin Clerke de Pouffsoufle qui partageait sa table en Arithmancie, et ses deux petites sœurs Alexia et Ruby, toutes deux en quatrième année à Gryffondor. Elle salua aussi Emma Prewett, préfète et sûrement la seule Serpentard fréquentable de septième année, avec qui elle assisterait aux cours de potion. Puis il fut temps d'achever son tour en récupérant ses manuels.
Lily entra dans la boutique et sentit s'engorger en elle l'agréable odeur de papier neuf et colle. A l'image de l'ensemble du Chemin de Traverse, Fleury & Bott était plus calme et moins bondé qu'à l'ordinaire. Elle se dirigea vers les étagères dédiées aux ouvrages inscrits au programme de Poudlard, posa ses achats contre une étagère, sortit la liste de sa poche et entreprit de mettre la main sur Métamorphose très avancée pour magiciens très motivés par Colma Stanford. Elle arpenta les étagères, concentrée pour ne pas manquer les tranches de Potions pour professionnels et Sorts et contresorts des sorciers ambitieux. Elle déplaçait ses achats au fur et à mesure de sa progression dans les rayons de plus en plus spécialisés et de plus en plus désertés. En pleine recherche de son futur manuel d'exercices avancés d'arithmancie, elle se retrouva au coude-à-coude avec un autre client qui dévorait des yeux les étagères dédiées à l'Histoire de la Magie. Ils se sourirent poliment, chacun se contorsionnant pour s'assurer de ne pas manquer l'ouvrage tant recherché. Alors qu'elle s'accroupissait près des étagères les plus basses, Lily jeta un coup d'œil à son voisin de librairie. C'était un jeune homme plutôt grand et mince, avec d'épais cheveux châtain et quelque chose d'indéfinissablement juvénile dans les traits. Il semblait avoir quelques années de plus qu'elle et cela faisait sûrement un certain temps qu'il avait terminé Poudlard… Il était vêtu d'un pantalon noir, d'une chemise grise et de chaussures noires moldues. Elle l'observa quelques secondes, essayant de se souvenir si elle l'avait déjà vu arpenter les couloirs de l'école tandis qu'elle était encore en première ou deuxième année, mais détourna aussitôt le regard quand il se tourna légèrement de son côté. Elle fit mine de se plonger dans les quatrièmes de couverture de Magie de l'arithmancie mathématicienne et Maîtriser l'arithmancie moderne, tout en sentant le regard du sorcier se poser sur elle de temps à autre. Elle venait enfin de trouver le manuel indiqué sur sa liste quand un bruit semblable à celui d'un lance-flamme la fit sursauter. A moins d'un mètre d'elle, le jeune homme tenait dans ses mains immobiles un ouvrage qu'il venait vraisemblablement de tenter d'ouvrir et son visage surpris était maculé de suie. Une légère odeur de roussi remplit l'atmosphère et Lily se releva d'un bon.
« Tout va bien ?! Vous ne vous êtes pas brûlé ? »
« Non, j'ai juste été un peu surpris ! » sourit le jeune homme avec amusement en reposant précautionneusement le livre incendiaire. « En revanche, ils pourraient peut-être mettre un bandeau d'avertissement sur ce genre d'ouvrages... »
« Il y a quatre ans, je faisais des recherches sur les strangulots et le Dictionnaire des créatures marines m'a aspergée d'eau, j'étais trempée des cheveux à la taille... Un grand moment de gloire dans la bibliothèque de Poudlard. »
« Tout aussi humiliant mais moins dangereux, non ? » répondit le jeune homme d'un ton léger. Il sortit un mouchoir de sa poche et essuya la suie de son visage. « Je m'appelle Darren. »
« Lily.» répondit la sorcière.
« Et tu es étudiante à Poudlard, donc ? » Elle acquiesça.
« En dernière année. Cela fait longtemps que tu as quitté Poudlard ? » demanda-t-elle avec curiosité.
« Oh, je n'ai pas étudié là-bas... » commença Darren, mais son regard se fixa sur quelque chose derrière son interlocutrice et il s'interrompit.
« Tiens tiens, je me disais bien qu'il y avait quelque chose qui puait dans cette allée... » lança une voix méprisante que la sorcière reconnut avec appréhension avant même de se retourner, ce qu'elle fit le plus tranquillement possible.
« Amusant, je me disais la même chose à l'instant, ça doit venir de votre côté ! » répondit-elle d'un ton neutre. Doucement, elle glissa la main dans son sac pour serrer sa baguette entre ses doigts. Ils étaient quatre : Morag Mulciber – cheveux cuivrés, bras croisés avec orgueil contre la poitrine – , Fergus Avery – grand, cendré, musclé, l'air sombre et bagarreur –, Shelagh Lestrange – petite, boucles châtain et sourire sardonique – et (son cœur se serra en une douloureuse contraction), Severus Rogue, un peu en retrait, le regard fixe et froid comme dans un signe de défi.
Mulciber s'approcha de deux pas et saisit un livre d'arithmancie.
« Tu sais que tu auras beau te casser la tête à aligner des lignes de chiffres compliqués, ça ne te donnera aucune chance de trouver un travail dans notre monde à l'avenir... où que ce soit, Evans ? »
« Tandis que tu pourrais faire tomber ta baguette à chaque entretien d'embauche, tu n'auras qu'à appeler papa et maman et ils trouveront une solution. Je suis ravie pour toi, Mulciber, ça doit être tellement gratifiant. » rétorqua la jeune sorcière d'un ton beaucoup plus décontracté que ne le permettait la situation : ils étaient quatre, ils étaient connus pour pratiquer la magie noire et elle était seule – peut-être deux, si Darren la rejoignait dans le combat.
Ce dernier était toujours immobile derrière elle, observant la scène. Mais ses sourcils s'étaient froncés et un pli désapprobateur près de ses lèvres déformait le bas de son visage. Mulciber avait reposé le livre et s'était rapproché de la jeune sorcière, menaçant.
« Tu peux fanfaronner mais on en reparlera dans quelques mois, quand les gens de ton espèce seront tous fichés et que nous serons enfin purgés, débarrassés des imposteurs de ton genre qui pourrissent les bureaux du Ministère et les couloirs de notre école... » murmura-t-il en plantant ses yeux bleu glace dans les siens. Elle soutint son regard en mobilisant tout son self-control pour ne pas laisser transparaître le moindre signe de nervosité.
« Et on en reparlera dans quelques semaines, quand je pourrais retirer cinquante points à Serpentard pour outrage à préfet. Tu vois, mon sang est peut-être impur à tes yeux mais j'ai été nommée préfète-en-chef cet été... » déclara-t-elle tranquillement en sortant l'insigne de son sac. « Et en attendant que tu débarrasses ton école des gens comme moi, je serai toujours là pour te mettre une raclée en arithmancie, en sortilèges, en potions ou... dans n'importe quelle matière en fait. »
Darren eut un petit rire étouffé qui surprit toute l'assemblée et eut le mérite de détourner l'attention de Mulciber de Lily.
« Pardon mais... ça avait l'air mérité. » expliqua Darren en souriant de plus belle.
« Et tu es ? » interrogea Mulciber d'un ton hautain.
« A la recherche de Vikings et sorciers nordiques : la magie à l'épreuve du temps, si ça te dit quelque chose... » répondit Darren, moqueur.
« On te demande ton nom. » intervint Shelagh Lestrange avec froideur. « Tu m'as l'air familier mais je ne me rappelle pas t'avoir jamais vu à Poudlard. »
« Poudlard n'est pas le centre du monde. » répondit évasivement le jeune homme.
« Est-ce que tu es sorcier, au moins ? Car je ne vois pas de baguette. » dit Mulciber d'un ton acide.
Un silence tendu s'ensuivit et Lily réalisa que le Serpentard avait raison : Darren était habillé comme un moldu et il n'y avait aucune trace de baguette, ni dans ses poches, ni dans ses manches de chemise retroussés...
« Il y a d'autres manières de faire de la magie » répondit Darren mais Lily devina une pointe de bluff.
Des exclamations rageuses et dégoûtées émanèrent du petit groupe de Serpentard. « De la racaille ! » pesta Shelagh en regardant Darren dans les yeux.
« Il se trouve que nous sommes de véritables sorciers, que nous avons des baguettes... » lança Mulciber. « Et que nous connaissons un ou deux sorts pour te faire sortir de ce lieu où tu n'as rien à faire... » Il serra ses doigts sur la baguette attachée à sa ceinture. Fergus Avery et Lily sortirent les leurs dans un même mouvement.
« Allez allez, on se disperse les jeunes, on laisse passer le chariot des sorciers qui bossent ! » s'exclama un sorcier bougon d'une quarantaine d'années qui portait l'uniforme de Fleury and Bott et poussait un chariot où s'entassaient des piles de livres neufs dans un équilibre précaire. L'engin à roulettes dispersa le petit compact groupe de Serpentard et Lily se tourna vers Darren en attrapant sa pile de nouveaux livres d'un bras et ses achats dans l'autre main.
« Je vais à la caisse, si tu veux venir. » lui lança-t-elle. Elle voulait profiter de l'intervention involontaire de l'employé pour mettre fin à l'altercation afin que ça ne dégénère.
« Je vais attendre dehors ! » répondit-il en souriant avant de tourner derrière l'étagère en direction de la sortie.
Lily passa près de l'employé qui commençait à ranger son nouvel arrivage et frôla Mulciber. « Fais gaffe à toi, Evans, quand tu te retrouveras dans un couloir sombre cette année... tu ne sauras jamais qui tu trouveras à l'autre bout. » cracha-t-il sur son passage. Elle dévisagea chacun de ses « camarades » avec un regard noir et bouscula Severus au passage. Apathique, silencieux depuis le début de l'altercation, il la regardait sans émotion apparente. La sorcière sentit son cœur battre non plus d'inquiétude, mais de colère.
« Vu la lâcheté qui vous caractérise, ça ne m'étonnerait même pas. » répliqua-t-elle avec dégoût. Et avant qu'ils aient pu la rattraper, elle se faufila jusqu'aux caisses pour se hâter de payer.
Ses sourcils étaient encore froncés quand elle sortit de la librairie. « Hey ! » entendit-elle alors. C'était Darren, qui l'avait apparemment attendue, adossé à l'enseigne du magasin. Le visage débarrassé de toute nervosité, il lui adressa un sourire chaleureux. Il n'était pas d'une beauté incroyable mais ses yeux noirs pétillaient sous des sourcils plein de caractère et sa silhouette ne manquait pas d'élégance. Elle ne put s'empêcher de lui sourire en retour.
« Désolé pour ce qui s'est passé... » commença-t-il.
« Ce n'était absolument pas de ta faute et ce sont des crétins. » coupa-t-elle avec bonne humeur.
« Certes... » sourit-il avec un peu d'embarras. « Mais je n'aurais peut-être pas dû rire. »
« Question stratégie, ce n'était pas terrible. »
« Je le reconnais. Accepterais-tu un jus de citrouille pour te remettre de tes émotions ? »
« Oh... heu, c'est à dire que j'ai rendez-vous à quatorze heures avec une amie... » balbutia la sorcière, prise au dépourvu.
« Ce qui nous laisse vingt minutes pour se poser à la Théière Frappée » dit-il en pointant du doigt la terrasse agréablement ombragée de lierre coincée entre le magasin d'équipement de Quidditch et Mme Guipure. « Sauf si tu avais d'autres choses prévues, bien sûr... » se hâta-t-il d'ajouter, mais un peu de déception se devinait sans sa voix à cette perspective.
« Non, tu as raison... de toute façon, j'avais rendez-vous là-bas. C'est une bonne idée, je te suis. »
Darren la débarrassa d'une partie de ses sacs et ils allèrent s'installer à l'abri du soleil. La Théière Frappée était une agréable alternative au sombre Chaudron Baveur en cette période estivale. Elle était tenue par Joshua et Penny Pierceman, un couple de sorciers sortis de Poufsouffle une quinzaine d'années auparavant. Ils semblaient avoir retenu de leur scolarité que des repas frais pris dans une atmosphère plaisante avaient une incidence positive sur la magie des sorciers qui se restauraient chez eux. Les deux jeunes gens s'assirent et commandèrent deux jus de citrouille fraîchement pressés.
« Alors... » commença Darren et Lily le remercia mentalement de ne pas avoir laissé s'installer plus de deux secondes du silence embarrassé qui accompagnait généralement les rencontres impromptues. « Alors tu es en septième année à Poudlard, tu es née Moldue et comme tu menaçais de leur retirer des points, je suppose que tu n'es pas à Serpentard. » énuméra-t-il.
« C'est exact, je suis à Gryffondor » répondit-elle d'un ton enjoué. Du chef, le jeune homme fit un signe de compréhension approbatrice.
« Courage, bravoure, grands principes... »
« La base » renchérit-elle en riant. « En tout cas, la plupart d'entre nous essaient, certains avec plus ou moins de succès... » grimaça-t-elle en pensant à un certain joueur de Quidditch aux cheveux en bataille qui ne faisait pas assez d'efforts à son goût. « Et toi, tu étais dans quelle maison ? »
« Je ne suis pas allé à Poudlard. »
« Oh. » Elle attendit une seconde mais rien ne vint… opter pour un autre sujet sembla une bonne option. « Et… comment t'es-tu retrouvé perdu dans le rayon Histoire de la Magie de Fleury and Bott ? »
« Je fais des recherches historiques en ce moment. Beaucoup de recherches... Je viens de revenir sur Londres et j'ai pensé que ça vaudrait le coup de jeter un coup d'oeil à leur rayon mais il n'y avait pas grand chose. Je suis plus axé sur la généalogie sorcière et ils sont un peu pauvres à ce sujet. Il n'y en a que pour les révoltes des gobelins, on dirait que c'est une obsession collective ! »
« Donc, tu fais de la recherche ? » insista Lily, piquée de curiosité. Finalement, elle connaissait peu de sorciers en période de transition, entre la fin de leurs études et des carrières plus installées comme celles des parents de ses amis. « Tu assistes un historien confirmé, ou tu travailles pour le Ministère ou... ? »
Darren éclata de rire. « Non, non, pas pour le Ministère. Disons que je suis à mon compte. »
« Ah... » Mais la sorcière ne comprenait pas bien et le mystère s'épaississait. Pourtant, quelque chose la retenait d'être plus directe dans ses questions. Pas qu'elle eut peur d'être intrusive, mais l'attitude tranquille de son interlocteur incitait à laisser les choses s'expliquer… d'elles-mêmes. Elle jaugea Darren tandis que Penny Pierceman déposait un pichet de jus de citrouille glacé ainsi que deux verres. Il ne semblait pas étrange et n'inspirait pas de méfiance, au contraire, mais il ne répondait qu'à moitié aux questions et elle n'était pas plus avancée pour savoir ce que faisait un jeune homme sans baguette et n'ayant pas étudié à Poudlard dans le rayon généalogie de Fleury and Bott. Celui-ci dut percevoir sa perplexité puisqu'il soupira et se pencha en croisant les bras sur la table.
« En fait... ma situation est un peu compliquée. Mais je pense que tu comprendras vu comme tu as envoyé balader ces abrutis qui se targuent d'avoir le sang plus pur que des gens comme toi... » dit-il avec une pointe d'admiration dans la voix, et cela apaisa la sensation désagréable dont elle avait du mal à se défaire après avoir dû rencontré Severus Rogue par deux fois ce matin-là. Elle se pencha vers lui avec curiosité.
« Mes parents étaient sorciers et je suis né sans pouvoirs magiques. Ce qui, je suppose, fait de moi ce qu'on appelle habituellement un 'Cracmol'. Donc... Pas de Poudlard, pas de baguette. » conclut-il d'un ton joyeusement résigné en ouvrant les bras comme pour démontrer son impuissance.
« Ce sont des choses qui arrivent. » reconnut amicalement la jeune sorcière. « Il faut de tout pour faire un monde. »
« Et bien, tu vois, c'est un avis qui n'est malheureusement pas partagé par grand monde. Et encore moins par mes parents. Ils étaient des sorciers assez attachés à leurs privilèges. C'est un euphémisme de dire qu'ils ne l'ont pas très bien pris, alors je suis vite parti de mon côté et j'ai vécu comme un Moldu. J'étudie la biologie à l'université et récemment j'ai décidé d'utiliser les ressources qui étaient aussi proposés par les Sorciers, puisqu'après tout... après tout, pourquoi pas ! »
Il avait parlé d'un ton enjoué mais elle avait repéré l'ombre dans ses yeux quand il avait évoqué sa famille. Lily connaissait suffisamment le monde des sorciers pour se douter des implications que recelait l'histoire de Darren. Si certains sorciers toléraient la culture moldue jusqu'à un certain point, il aurait été exceptionnellement ardu de trouver de jeunes parents capables de surmonter la terrible déception d'avoir mis au monde un enfant qui ne serait jamais inscrit à Poudlard, qui ne ferait jamais voler son cheval à bascule, qui serait incapable de repérer une colonie de gnomes de jardin à moins de lui mettre le nez dessus, et qu'il faudrait inscrire dans un système qu'ils ne connaissaient pas et n'avaient le plus souvent aucune envie d'apprendre à connaître. Le deuil de ne pas pouvoir transmettre l'excitation de monter sur un balais, de confier son destin à un Choixpeau magique et d'intégrer la petite communauté des sorciers de Grande-Bretagne était une épreuve qui laissait des traces dans toutes les familles connues pour avoir donné naissance à un ou plusieurs enfants dépourvus de pouvoirs.
« C'est une excellente idée ! » approuva-t-elle avec enthousiasme. « Il n'y a pas assez d'interactions entre la culture sorcière et la culture moldue, et je suis la première à le déplorer – bien que ce ne soit apparemment pas très prudent vu l'actualité... »
« Mais tu es une Gryffondor et tu n'as que faire de la prudence. » lança-t-il malicieusement.
« Je dirais que certains points de vue méritent qu'on les défende jusqu'au bout. C'est le cas du métissage entre culture moldue et culture sorcière. Par exemple, les tableaux sorciers sont incroyables, puisqu'ils sont à proprement parler vivants... mais c'est de la magie qui a été ajoutée après que l'art de la peinture ait atteint une certaine maîtrise. Fut un temps, les sorciers peignaient comme des moldus – et ils peignaient moins, et moins bien, car ils étaient trop occupés à faire évoluer, moderniser, et optimiser leur magie courante. C'est une sorcière issue d'une famille de charpentiers moldus – Carmen Montanas – qui, au Moyen-Âge, a lancé la mode d'ensorceler son art et ses techniques se sont propagées en Europe de l'Ouest... tu te peux te moquer de moi si tout ceci te paraît d'un ennui mortel. » s'arrêta-t-elle, un peu gênée soudainement, car il l'observait le visage dans ses mains, un sourire s'agrandissant sur son visage.
« Pas du tout, au contraire ! » s'empressa-t-il de la contredire. « En fait, c'est avec ce genre d'anecdotes que je peux travailler. Mais je comprends pourquoi tu as reçu ton insigne de Préfète-en-chef... » Elle claqua sa langue contre ses dents, faisant mine de se vexer. Il reprit, et le ton moqueur avait disparu de sa voix : « Sans plaisanterie, c'est vraiment mon champs d'études. Tu sais comme les soit-disant 'sang-pur' sont obsédés par leur généalogie pour prouver au monde qu'ils sont plus dignes d'exister que les autres... ils se marient donc entre eux comme si ça garantissait à leurs enfants d'avoir des pouvoirs magiques aussi. Hors, je suis la preuve vivante que ce n'est pas toujours le cas. A l'inverse, des familles moldues depuis des siècles – voir depuis toujours – , mettent au monde des sorciers très brillants – et tu en es la preuve vivante, cette fois. J'essaie de regarder si il y a un dénominateur commun à cette magie qui survient chez des personnes qui n'ont apparemment pas de généalogie commune. Je crois que les sang-pur se trompent en pensant que l'ascendance a tant d'importance que ça dans la naissance des petits sorciers et petites sorcières. Je crois que c'est plutôt comme si il y avait un facteur commun aux sorciers, quels que soient leurs ancêtres. Comme quelque chose qui s'activerait – ou non. Au début, je voulais juste savoir pourquoi ça ne s'était pas activé en moi, puis j'ai compris que le sujet dépassait complètement ma petite histoire... »
« LILY ! »
Fascinée par le récit de Darren, Lily se sentit rattrapée par la réalité. Elle tourna la tête et vit débouler, à grandes enjambées, Marlene Mc Kinnon. Celle-ci traversa la terrasse avec un sourire rayonnant. Lily se leva et les deux sorcières se serrèrent dans leurs bras.
« Je suis trop contente de te voir ! » lui dit Marlene, et ses yeux boucles brunes et soyeuses envahirent le champs de vision de Lily. « Moi aussi » lui assura Lily d'un ton affectueux. Les deux filles se séparèrent, et Lily se tourna vers Darren. « Voici Marlene Mc Kinnon, ma meilleure amie et également élève de septième année à Gryffondor. Ainsi qu'Arnav Patil. » ajouta-t-elle en voyant arriver le jeune homme derrière son amie, les bras chargés de sacs et l'air épuisé, mais heureux. « Et Sam Willis, tous deux à Serdaigle... » précisa la sorcière en voyant émerger à son tour le meilleur ami d'Arnav. « Voici Darren... Darren comment d'ailleurs ? » s'enquit-elle en se tournant vers le jeune homme. « Juste Darren. » dit-il en se levant et en sortant son portefeuille. Il déposa quelques mornilles sur la table. « Ravi de vous rencontrer mais il faut que je file ! C'était un plaisir de discuter avec toi, Lily. »
« On ne voudrait pas te faire fuir » lui dit Marlene avec un sourire en coin. « Je ne sais pas ce que vous avez prévu mais tu peux rester avec nous si tu le souhaites... »
Lily lui donna un petit coup de coude.
« C'est très aimable, Marlene, mais je dois vraiment y aller. C'était juste le temps d'un jus de citrouille. »
« C'était une bonne rencontre ! Je veux dire, malgré le début d'incendie et la presque-bagarre... » fit Lily. Darren lui sourit avec malice.
« Je n'aurais pas mieux résumé. Amusez-vous bien et à un de ces jours ! »
Il sortit de la terrasse et s'éloigna dans la rue, en direction du Chaudron Baveur. « Tu n'as pas mentionné de Darren dans tes lettres » remarqua Marlene en haussant un sourcil.
« Parce que je l'ai rencontré aujourd'hui. » rectifia la rousse.
« Un incendie ET une bagarre ? Tu es devenue une Auror sans m'en parler ou… ? »
« Je te raconterai » coupa Lily en se tournant vers les deux Serdaigle qui accompagnaient son amie. « Arnav, on dirait que tu portes une valise de fournitures scolaires à toi tout seul... »
« On en est pas loin ! » déplora le jeune homme en s'étirant et massant ses muscles endoloris. Sam lui tapa sur l'épaule avec compassion.
« J'ai promis des glaces pour me faire pardonner » précisa Marlene. « Si le jus de citrouille ne t'a pas coupé l'appétit... »
« Je n'ai pas déjeuné et il y a toujours de la place pour une glace. »
Marlene passa son bras sous celui de son amie et le petit groupe se dirigea vers le stand de Florian Fortarôme après que Sam eut proposé à Lily de lui porter une partie de ses sacs. Ils rejoignirent la longue file d'attente : par cette chaleur et à quatorze heures passées, les amateurs de glace se faisaient nombreux. Lily aperçut un petit sorcier d'environs cinq ans quitter le stand en tenant fièrement un cône de biscuit vert surmonté d'une boule de sorbet jaune fluo clairsemée de petits vifs d'or d'un bleu brillant.
Pendant qu'ils patientaient, Marlene se lança dans la description des vacances qu'elle avait passé aux États-Unis avec sa famille. Les McKinnon était une célèbre famille de sorciers dont la partie britannique était installée depuis des siècles à Godric's Hollow, et les parents de Marlene occupaient des postes importants au Ministère. Le père de Marlene, Edward McKinnon, travaillait à la Direction de la Régulation des créatures magiques tandis que sa mère, Catherine McKinnon, était encore plus haut placée, en tant que Directrice du service de Coopération Internationale de la Magie. Mais une partie de la famille s'était également installée à New-York un siècle auparavant, et les parents de Marlene avaient décidé de profiter de l'été pour organiser un véritable tour des hauts lieu de sorcellerie aux Etats-Unis. Institut de Salem, Congrès magique, cimetières indiens, Ilvermorny, le voyage avait apparemment été dense. Arnav Patil regardait sa petite amie bavarder avec des coups d'œil attendris tandis que Sam semblait absent : il avait déjà dû entendre une partie du récit et semblait fatiguer un peu. Quand Marlene acheva de résumer « les grandes lignes » de son voyage tout en promettant à Lily de lui en raconter plus dans le Poudlard Express, Lily se tourna vers lui :
« Et toi Arnav, comment as-tu occupé ton temps pendant que Marlene se livrait à la chasse aux fantômes dans les steppes américaines ? »
« J'en ai profité pour faire un stage au service des Transports magiques du Ministère. Je suis devenu incollable sur les horaires des Portoloins collectifs.» ajouta-t-il avec une pointe de désespoir dans la voix. « Mon frère Rishab y travaille depuis quatre ans, alors c'était une bonne opportunité pour moi de voir un peu les coulisses de mes propres yeux. »
« Et d'être pistonné... » ajouta Marlene d'un ton amusé.
« Parce que bien sûr, toi, quand tu postuleras, personne ne prendra la petite Marlene fraîchement diplômée pour faire plaisir aux parents McKinnon, bien sûr que non... » ironisa Arnav en levant les yeux au ciel.
« De toute façon, je ne pense pas forcément vouloir entrer au Ministère. », déclara Marlene d'un ton détaché.
« Pourtant, ton chemin y serait tout tracé. » fit remarquer Sam. C'était un garçon plutôt en retrait, aux cheveux couleur paille et au joues rapidement empourprées, que Lily ne s'était mise à côtoyer que quelques mois auparavant, pendant le rapprochement stratégique d'Arnav dans sa conquête de Marlene.
« C'est bien une remarque de Serdaigle ça… je plaisante. » précisa Marlene en voyant Sam hausser un sourcil. « Qu'est-ce que tu as fait de ton été, toi, d'ailleurs ? »
« Moi aussi j'ai fait un stage, figure-toi. » rétorqua le jeune homme. « J'ai assisté un chercheur en sortilèges : il travaille sur le mouvement transversal des éléments unicellulaires qui se produit lors des sortilèges de transferts… Oui, je sais, Marlene, dit comme ça, ça a pas l'air passionnant, mais il faut bien que certains s'y collent, figure-toi.»
« J'ai lu un article qui parlait des études menées sur les sortilèges de transfert, ils pensent pouvoir augmenter la puissance de certains sorts d'une vingtaine de pourcents d'ici à dix ans. » approuva Lily d'un ton encourageant. Celui-ci fit un signe éloquent à Marlene en montrant Lily.
« Ah, tu vois ! »
« Mais ça c'est parce que Lily est une Serdaigle camouflée dès qu'on parle sortilèges et potions ! » déclara Marlene.
« Et qu'est-ce qu'il y a de mal à ça ? » s'écrièrent en concert les deux garçons et la concernée.
« Okay, je suis en infériorité numérique, mais je n'en pense pas moins ! Il n'y a pas besoin de comprendre en détail ce qui se passe dans ta baguette pour jeter de bons sorts. » objecta Marlene en remettant une mèche de cheveux bruns derrière son oreille.
Avec son teint hâlé, ses magnifiques boucles et son regard malicieux, son amie était vraiment jolie et Lily comprenait aisément pourquoi Arnav Patil avait insisté pendant tout le dernier trimestre pour sortir avec la Gryffondor. Celle-ci avait fait mariner le garçon pendant quelques semaines à grand renforce de flirts platoniques pendant les cours pratiques d'Enchantements auxquels assistaient les Gryffondor et les Serdaigle de sixième année. Puis elle avait rendu les armes, charmée par l'abnégation du jeune homme qui avait développé tant de ruses pour la séduire qu'elle avait dû se rendre à l'évidence : il ne s'agissait pas d'un ennuyeux Serdaigle qui la délaisserait bientôt pour ses devoirs et ses révisions. Lily devait reconnaître qu'Arnav dégageait une force tranquille qui n'amenuisait en rien sa joie de vivre et sa bonne humeur.
Sam Willys, l'acolyte d'Arnav, était plus discret que son ami, plus studieux encore, peut-être un peu plus Serdaigle dans son comportement. Sam et Lily se côtoyaient comme préfets depuis la cinquième année, mais n'avait rien eu de particulier à se dire jusqu'à ce qu'ils assistent à toutes les étapes qui avaient mené la formation du couple de leurs deux meilleurs amis. Ils avaient donc partagé les moments de tension, de gêne, de sous-entendus, de non-dits et de chuchotements à peine perceptibles. Ils avaient dû donner des coups de pieds sous les tables, joué les entremetteurs lors de sorties à Pré-au-lard et s'enquérir auprès de l'autre des goûts de leurs amis respectifs en matière de nourriture, de petits cadeaux et d'activités préférées. Pourtant, malgré ces moments qui auraient pu tisser une véritable complicité, Sam demeurait plutôt introverti.
« En plus, je sais que tu as raison au fond » reprit Marlene à l'adresse de Sam, comme pour s'excuser. « Maman dit que l'innovation en matière de sortilèges va jouer un grand rôle dans les temps à venir... »
« Est-ce que la nomination de Parkinson change quelque chose pour elle ? » demanda précipitamment Lily qui brûlait d'aborder le sujet avec sa meilleure amie.
Marlene haussa les épaules. « Elle n'est pas très fan du personnage mais il faut voir. Ce n'est pas comme si qui que ce soit avait trouvé une solution contre les autres crétins, jusqu'à présent... » Un silence s'installa, la mine des quatre jeunes sorciers s'assombrirent. C'était comme si les événements récents venaient de s'incruster soudainement dans la conversation, comme si ils avaient pu raconter leur été passé qui serait survenu dans une dimension parallèle, une dimension qui ne comportait pas de familles traquées et assassinées par pure cruauté. Comme si ces deux dimensions venaient enfin de se rejoindre pour n'en former qu'une seule.
Les articles de la Gazette, et tout ce qu'ils laissaient entrevoir à l'imagination horrifiée de Lily, s'installèrent dans les pérégrinations de Marlene en Amérique, dans les régulations de réseau de Portoloins qu'Arnav avaient dû apprendre au mois de juillet en s'abreuvant de café et dans les compte-rendus de recherche que Sam avait soigneusement recopiés.
Les regards de Lily et Marlene se croisèrent et six ans d'amitié permirent à Lily de comprendre que Marlene lui parlerait, plus tard, de ce qu'elle savait que ses parents savaient, et après un coup d'œil entendu, elles laissèrent Arnav ramener la conversation sur un sujet autrement plus réjouissant.
« Je crois que ce cher Florian a mis au point quelques nouveautés ! » dit-il d'un air alléché en se tordant le cou pour distinguer les parfums. « Tarte réglisse, pêche melba et fizwizbiz au citron vert... » Sam lui fit signe de se détacher de la file et de se rapprocha de la vitrine pour mieux jauger l'offre et les deux garçons s'éloignèrent.
Marlene et Lily se firent face d'un seul mouvement. « Comment ça va, toi ? » demanda la brune d'un air concerné. Lily soupira. « Ce n'était pas vraiment réjouissant, comme tu as pu le deviner dans mes lettres. Et tu sais très bien que j'ai été obligée de travailler 'à la moldue' parce que j'ai encore la Trace. Impossible de les aider si je ne veux pas être dans les dossiers judiciaires du Ministère et vu l'actualité, je préférerais éviter… Donc, on n'est pas parti en vacances à cause des travaux, et j'ai juste... attendu la Gazette tous les jours, et ce n'est pas comme si je pouvais en parler à quelqu'un là-bas. Pas depuis que Severus s'est révélé être le roi des abrutis, en tout cas… D'ailleurs, c'est à cause de lui et ses petits copains qu'il y a failli avoir une bagarre chez Fleury & Bott ! » se rappela-t-elle soudainement.
« Qui ? Quoi ? Quand ? Comment ?» demanda Marlene qui aimait aller à l'essentiel. Elle se tourna par réflexe vers la librairie comme si la bataille avait pu se dérouler à ce moment encore.
« Il y a une demi-heure environs. Mulciber, Avery, Lestrange et Rogue d'un côté, moi et Darren de l'autre. Je le connaissais pas mais ils nous ont provoqué alors on s'est retrouvé du même côté… bref, ça s'est terminé par un jus de citrouille mais on a frôlé le duel très déloyal – quatre contre deux dont un Cracmol, merci bien. »
« Attends – Darren est un Cracmol ? » Lily acquiesca de la tête.
« Heureusement que les autres n'ont pas compris tout de suite, ça aurait été une catastrophe. »
« La pire bande possible » commenta Marlene avec dégoût. « Je suis sûre qu'ils ont dû faire la fête tout l'été vu la tournure des événements... » Puis, plantant ses yeux noirs dans ceux de Lily : « Tu leur as dit ? »
« Quoi ? »
« A tes parents » insista Marlene. « Pour la… situation politique en cours. »
« ... »
« Lily, on en a déjà parlé, ce serait vraiment bien de les mettre au courant. »
« Et les laisser s'inquiéter pendant deux semestres entiers ? Pas possible. » La sorcière secoua la tête. « Que je le veuille ou non, mon monde – notre monde – est complètement séparé du leur. Je suis – avec toi – bon, d'accord, et il y a longtemps, Severus – la seule sorcière qu'ils connaissent vraiment. Ils ne comprendraient pas bien et ils seraient morts de peur et on en a déjà parlé et ce n'est pas une bonne idée... » Tous les arguments se précipitaient en même temps.
« Mais ce sont tes parents. » l'interrompit Marlene. « Ma mère te dirait que s'il faut protéger le Secret Magique, il faut aussi renforcer les liens avec les Moldus avec qui nous interagissons, pour qu'ils ne soient pas pris au dépourvu. »
« Et tu sais que théoriquement, je suis d'accord. Mais toi, tu viens d'une famille uniquement sorcière depuis des générations et c'est difficile pour vous d'imaginer comment c'est, concrètement, de jongler entre deux univers complètement cloisonnés en temps normal... »
« Ce qui ne veut pas dire que nous n'avons pas nos propres dilemmes. Oh, à ce propos, écoute, il faut que je te dise... »
« McKinnon ! Evans ! Mais quelle bonne surprise ! »
Marlene et Lily se retournèrent d'un même mouvement. De nouveaux clients venaient de rejoindre la file d'attente juste derrière eux, et tout comme Severus, c'était deux élèves que Lily aurait été ravie de ne croiser que le plus tard possible (à la fin du premier semestre, par exemple)(voir, le dernier jour des ASPICS, pourquoi pas)(ou même dans le trajet du Poudlard Express qui les ramènerait chez eux à la fin de l'année, bonne option).
S'il était toujours plus petit que son meilleur ami, qui l'avait toujours dépassé – et le dépasserait toujours – d'une bonne tête, James Potter avait grandi pendant l'été. En fait, il semblait même avoir rattrapé en deux mois ce que la plupart des adolescents gagnent en hauteur sur trois ans. A part son jean noir, il était habillé aux couleurs de sa maison : t-shirt pourpre, lion d'or cousu à même le cuir du sac en bandoulière d'où dépassait sa baguette magique. Derrière lui, Sirius Black semblait plus insolent que jamais, tirant sur sa cigarette, chemise en jean légèrement déboutonnée et manches nonchalamment relevées. Tous deux arboraient un teint particulièrement bronzé et souriaient de cette manière qui avait le don de charmer ou d'irriter leurs interlocuteurs – sans entre-deux. Lily savait à quelle catégorie elle appartenait. Elle leur fit un placide signe de tête.
« Black, Potter. » répondit Marlene avec un léger sourire. Marlene avait toujours hésité entre les deux catégories.
« Bonnes vacances ? » demanda Potter, d'un œil inquisiteur.
« Plutôt sympa. » admit Marlene. « Visite de l'Amérique sorcière pendant deux mois, repas de famille, New-York, Salem, tout le toutim. »
« Inspirant ! » reconnut Potter. « Godric's Hollow de notre côté, puis trois semaines à Saint-Solaire. » prononça-t-il avec un accent français. « La mer, le soleil, la bouffe française, de quoi se ressourcer en préparation du dur labeur qui nous attend, pas vrai ? » ajouta-t-il en se tournant vers Black.
Les deux sorcières échangèrent un sourire ironique.
« Car le labeur, c'est ce qui vous caractérise en premier lieu, bien sûr. » se moqua Marlene.
« Tu n'imagines pas l'énergie que ça demande d'être nous. » répondit le garçon avec une simplicité qui contredisait complètement la fatuité du propos.
« L'énergie déployée à vos plaisanteries serait tellement mieux appropriée à nous faire gagner des points… » déplora Lily qui commençait déjà à s'agacer.
« Pertinente remarque. » admit Black.
« Très juste. » renchérit Potter.
« Nous en sommes venus à la même conclusion au printemps dernier et nous avons depuis agi en conséquence – et d'ailleurs, comme tu es préfète, je m'avoue un peu vexé que tu ne l'aies pas remarqué plus tôt .» constata Black entre deux bouffées de cigarette.
Lily croisa les bras. « Parce qu'il y a eu une différence qui s'est opérée dans votre sabotage organisé de la Coupe des Quatre Maisons ? »
« Notable différence ! » se scandalisa Potter. « Comme Sirius l'a fait remarquer, c'est intolérable que tu ne t'en sois pas rendue compte plus tôt, mais nous avions mis au point un système hyper élaboré ces six dernières années. Admettons que McGonagall me retire quinze points pour avoir ensorcelé son tableau – un petit sort de Régurgitation modifié, le tableau est pris de quintes de toux et recrache tout l'excédent de craie absorbé pendant dix ans de cours de métamorphoses. Dans ce cas, je dois m'arranger pour gagner vingt points chez Flitwick en maîtrisant un Sortilège d'Apparition dans les cinq premières minutes de pratique... Tu ensorcelles les lacets de Mulciber et Avery pour qu'ils se prennent les pieds dedans toute la journée, mais derrière, tu gagnes un match de Quidditch. Si tu fais quelques petites soustractions, tu te rends vite ce type d'opération combinées rapportent finalement des points à Gryffondor, ce dont – en ta qualité de préfète – tu devrais nous féliciter. »
« Certes, il y a de la casse au passage, mais au final, nous avons aussi contribué à remporter la Coupe plusieurs années d'affilée. » fit remarquer Black.
« C'est plutôt la technique que j'appelle 'un pas en avant, deux pas en arrière' mais... » commenta Marlene, perplexe.
« Quid de la quatrième année où l'implosion du bureau de Rusard nous a retiré deux cent points en juin et où nous avons perdu la coupe ? » répliqua froidement Lily. « Quid du mois d'avril l'année dernière où Sirius nous a fait perdre cent cinquante points à lui tout seul pour une raison que le directeur lui-même a préféré garder pour lui ? »
Potter croisa les bras et leva les yeux au ciel, Black expira sa fumée en regardant ailleurs.
« Y'a prescription pour la quatrième année, ce que tu peux être rancunière! Et j'admets que notre erreur a été de ne pas s'y prendre assez tôt pour pouvoir amortir les coûts... »
« Toujours amortir les coûts, Evans. » (Lily lança un regard noir à Black)
« Quant à l'erreur de jugement de Sirius, l'année dernière... » James lança un regard en coin à son meilleur ami dont le visage prit une expression de gravité qui lui était peu habituelle. « Il a fait amende honorable depuis. Mais c'est justement cet incident qui nous a amenés à réévaluer ce système qui avait pourtant été très effectif jusqu'à présent – oui, bon, à part la quatrième année, mais tu sais, me fusiller du regard ne suffira pas à nous la faire gagner rétrospectivement – on t'a jamais dit que ça ne servait à rien de vivre dans le passé ? »
« Potter. »
« Donc, je disais, nous avons réévalué notre système et si tu avais prêté plus attention, tu aurais vu que nous n'avons pas fait perdre plus de quarante points à Gryffondor entre avril et juin. Alors que j'ai fait gagner l'équipe de Quidditch en finale et que Remus nous a fait gagner au moins un trilliard de points en sacrifiant toutes ses soirées libres pour organiser de l'aide au devoir. Allez les Lions. »
« Potter. »
« Donc, nous avons cette nouvelle version du système où nous ne faisons simplement plus prendre. Pas de prises en flag', pas de retrait de points. Pas de retrait de points… pas de retraits de points. C'est logique : puisqu'on ne fait qu'en gagner – si tu as bien suivi, et je sais que tu as suivi car tu es une sorcière intelligente. Mais tous nos efforts ne valent rien si tu ne prends pas la peine de les remarquer ! » s'offusqua le sorcier qui partait dans un des monologues dont il avait le secret. « C'est très dévalorisant pour nos égos fragiles et il se pourrait que nous revenions à l'ancienne tactique dans l'unique but de regagner ton attention ! »
« POTTER. Ca suffit, j'ai compris, merci pour le mal de crâne ! » parvint à s'exclamer la jeune sorcière en se massant entre les deux yeux. « Et bien continuez à nous faire gagner plus des points, parce qu'avec les ASPICS et mes devoirs de Préfète-en-chef qui vont se rajouter à tous mon travail, je refuse de vous faire la guerre cette année encore ! » prévint-elle d'un ton ferme.
James Potter se fendit alors d'un large sourire.
« Ooooh, ce sera toi 'mon homologue féminine' ? » Il glissa alors la main de la poche de son jean. « Moi aussi, j'ai reçu le badge! » dit-il en ouvrant la paume où brillait une insigne rouge et or. Lily et Marlene n'auraient pas eu l'air plus hébétées si elles avaient reçu un coup de massue de troll sur le crâne. « Hey ! Black, Potter, salut ! »
Arnav et Sam réapparurent et se penchèrent avec curiosité sur la main tendue du Gryffondor.
« C'est à qui ? » demanda Arnav avec bonhomie.
« A moi. »
« Oh. Hein ? »
« Ce n'est pas possible. » parvint à articuler Lily qui venait de retrouver l'usage de la parole. « Tu n'étais pas préfet. Ce sont les préfets qui sont nommés Préfet-en-chef. Remus Lupin aurait pu être nommé Préfet-en-chef. Tu ne peux pas pas avoir reçu l'insigne de Préfet-en-chef. » répéta-t-elle de façon robotique.
« Ca fait beaucoup trop de 'Préfet-en-chef ' dans tes phrases. Ne sois pas obsédée comme ça par la fonction, Evans. Et figure-toi que c'est apparemment possible de nommer quelqu'un qui n'a jamais eu l'occasion d'exercer la fonction de Préfet auparavant. Sabrina Prewett – Poufsouffle, présidente du club des Plantus – est la première dont on peut trouver la trace dans les archives de l'école en 1887. Mais dès 1905, le cas s'est répété avec Tom Forseel – Gryffondor, jamais Préfet, mais Préfet-en-chef et Capitaine de l'équipe de Quidditch pendant sa septième année. »
« Dumbledore t'aurait nommé Préfet-en-chef de Poudlard ? » insista Marlene, incrédule. « Tu es sûr qu'il n'y a pas eu erreur de hibou postal ? »
« Ma chère Marlene, je crois que c'est officiel. Mais hauts les coeurs ! Je me réjouis de toutes ces réunions de préfets à venir ! »
Lily eut un haut le coeur.
« Mais tu es toujours Capitaine de l'équipe de Gryffondor, alors ? » interrogea Arnav, perplexe.
Potter fit un signe de dénégation de la tête. « Je reste poursuiveur mais j'ai passé la main à Aileas Barrow. Je n'ai pas le courage de Tom Forseel, il semblerait – je pense que le type n'a pas pu se libérer pour la moindre petite Bièraubeurre pendant un an. Or, j'ai l'intention de profiter un peu de ma dernière année à Poudlard, et il se trouve que les retourneurs de temps coûtent vraiment trop cher. »
« Tu es sûr que c'est un vrai ? » demanda encore Sam en désignant l'insigne du doigt. Potter se contenta de refermer la paume et rangea le pins dans sa poche de jean en souriant.
« McKinnon, je crois que c'est ton tour. » dit Black à la sorcière qui les regardait toujours avec une certaine sidération tandis que Florian Fortarôme s'impatientait pour prendre sa commande. La file avait progressé mais le petit groupe avait été trop absorbé par la nouvelle de l'improbable promotion de James Potter pour s'en rendre compte.
Marlene s'empressa de passer commande, suivi d'Arnav et de Sam.
« Et McGonagall ne s'est pas interposée face à cette décision… controversée ? » insista Lily d'un air inquisiteur.
« Elle a raison. » reconnut Black. « Tu devrais acheter un petit cadeau à Minnie pour ménager ses nerfs, juste en prévision…»
« J'ignorerai la désapprobation manifeste qui se cache derrière cette remarque. » répondit Potter d'un air digne, à l'adresse de la préfète-en-chef. « Je suppose que Dumbledore a su percevoir en moi ce leadership naturel et cette facilité de contact qui comptent parmi mes principaux atouts… »
Derrière l'air prétentieux, il y avait bien sûr de l'auto-dérision à percevoir, mais trop d'années avaient opposé les deux jeunes gens pour que Lily lui fasse grâce d'un sourire.
« Alors, quels parfums pour la demoiselle ? »
Lily se tourna vers Fortarôme. « Heu… citronnelle et tarte aux myrtilles. » dit-elle en choisissant ses parfums à la hâte.
« La parfaite alliance de l'acidité et de la douceur ! » commenta le marchand de glace en empilant les deux boules dans un cornet. « Ça vous fera trois mornilles et huit noises ! »
« 'La parfaite alliance de l'acidité et de la douceur…' Florian, je ne l'aurai pas mieux décrite et pourtant ça fait six ans qu'on va à l'école ensemble ! »
C'était trop d'émotions d'un coup pour la patience de Lily Evans – James Potter ayant déjà utilisé tout le stock qui lui était dédié ces six dernières années. Elle tendit la monnaie à Fortarôme et se tourna vers le sorcier, plantant ses yeux dans les siens.
« Potter, je sais que tu es la lourdeur faite homme mais on a encore deux semestres à tenir et beaucoup, beaucoup de réunions ensemble qui nous attendent alors par pitié, en attendant l'inévitable réunion des préfets dans le Poudlard Express, prends une douche froide et oublie-moi. »
Elle s'apprêtait à tourner les talons sur cette réplique cinglante quand James Potter fit encore quelque chose de surprenant et d'inédit. Il laissa tomber son habituel sourire exaspérant pour un air plus sobre et dit : « Je ne voulais pas te vexer. Je te prie de m'excuser. » Il la regardait en face, ses yeux noisette plongés dans les yeux verts de la sorcière. Décontenancée par cette attitude nouvelle et se sentant prise de court, Lily remarqua néanmoins le sourire de Black. Elle acquiesça donc d'un signe de tête pour enterrer momentanément la hache de guerre et tourna les talons, pour rejoindre ses amis qui s'étaient installés sur un banc un peu plus loin.
Elle se laissa tomber aux côtés de Marlene.
« Tu sais » dit soudainement Lily. « Je crois que ma confiance en McGonagall vient d'en prendre un coup. Comment est-ce qu'elle a pu laisser faire? » Marlene haussa les épaules. « J'ai une admiration infinie pour Dumbledore mais la vieillesse est un naufrage, qu'est-ce que tu veux que je te dise ? »
« Moi, je trouve ça plutôt drôle… étant donné que Potter ne fait pas partie de ma maison, bien sûr. » s'empressa d'ajouter Sam Willys.
« On va tellement gagner la coupe, cette année. » approuva Arnav en se délectant de sa glace.
Les deux sorcières échangèrent un regard sombre et se plongèrent silencieusement dans leurs glaces caramel épicé/banana split, citronnelle/tarte aux myrtilles respectives.
Avec Arnav et Sam dans les parages, les discussions s'axaient avant tout sur des sujets futiles et amusants : les futurs cours, les anciens et les nouveaux profs, quelques potins reçue de leurs camarades pendant l'été, et le commentaire des nouveaux articles proposés en vitrines. Lily partit reprendre le Magicobus en fin d'après-midi alors que ses amis s'apprêtaient à rentrer par le réseau de Cheminette relié au Chemin de Traverse. « On se revoit dans deux jours sur le quai ! » promit-elle à Marlene en se faufilant à travers le pub, chargée de tous ses achats. Elle les déposa sur le trottoir et leva sa baguette pour appeler le bus qui apparut dans une explosion sonore avant même qu'elle l'ait vraiment levée. Surprise de la rapidité avec laquelle le bus était arrivé, elle s'avança vers les portes du véhicule et… réalisa qu'elle n'était pas vraiment celle qui avait appelé le bus depuis le trottoir. Tout aussi chargé qu'elle, Severus Rogue avait avancé pour y entrer. Les deux sorciers arrêtèrent leur mouvement en se dévisageant silencieusement.
« Allez les grands, on monte ! » s'impatienta Ellen, la contrôleuse.
« Heu… non, c'est bon, je vais attendre le prochain… passage. » se recula Lily. Elle se sentait trop mal à l'aise pour faire face à Severus tout un voyage après l'apothicaire, après la librairie, après l'avoir revu aux côtés de Mulciber le Malfaisant, passif, silencieux...
Mais Ellen fronça les sourcils.
« Ne dis pas de bêtises, vous venez tous deux des Midlands, non ? Vous appelez le bus depuis le croisement entre Grantstreet et Caldonpark à Cokeworth ? Alors allez, en route. »
« Je crois que j'ai oublié de, heu, acheter… un chaudron. »
« Tu as besoin d'un nouveau chaudron ? » répéta Rogue en haussant son sourcil droit.
« Oui. Le mien commence à… rouiller. »
« Ton Luxetouilleur90 commence à rouiller ? »
« Un peu. Au fond. De rouille. »
« Ton Luxetouilleur90 – que tu as acheté à prix d'or avec toutes tes économies – le Luxetouilleur90 – commandé i peine un an spécialement pour tes BUSES – ton Luxetouilleur90 garanti 10 ans et que tu polis après chaque cours avec l'enduit anti-oxydant de la Mère Bulleuse – commence à rouiller et tu veux le changer ? »
Lily se sentit rougir mais pas prête à abdiquer pour autant.
« Oui, ce Luxetouilleur90. Je pense à le remplacer. Un problème ? »
« Lily. Monte dans le bus. »
« Ne me donne pas d'ordre. Et de toute façon, je repars au magasin de chaudrons. »
« Tu ne vas pas acheter de nouveau chaudron. »
« Si je veux, je vais acheter un nouveau chaudron. »
« Pour votre information, c'est un jour de retour de vacances et on ne repassera pas avant trois bonnes heures sur Londres, il faut encore qu'on dépose une bonne vingtaine de passagers aux quatre coins du pays. Mais si vous préférez rester là à vous disputer à propos des fonds de chaudrons, c'est votre affaire. » Ellen s'apprêta à refermer la porte mais Severus passa le bras dans l'entrebâillement pour l'en empêcher.
« Je monte. » dit-il à l'adresse de la contrôleuse. Puis se tournant vers Lily : « j'espère pour toi que la cheminée de tes parents est reliée au réseau de Cheminette… et qu'ils la laissent allumée malgré la canicule... » et il monta dans le bus.
Lily pesta mentalement mais dut se résoudre à le suivre. Elle paya son ticket, passa devant Severus en lui présentant l'air le plus hautain qu'elle eut en réserve (celui qu'elle réservait d'ordinaire à James Potter), monta à l'étage pour ne pas avoir à sentir sa présence à quelques mètres d'elle, sortit un livre de mythologie grecque et se plongea dedans en essayant de rayer Severus Rogue de son esprit. La stratégie était peu efficace mais, trop absorbée par sa rengaine ou par ses tentatives de se concentrer sur la fuite de Léto, elle souffrit beaucoup moins des tressautements habituels de l'engin.
Quand le Magicobus marqua enfin l'arrêt à Cokeworth, le soleil déclinait vraiment. Les deux adolescents sortirent. Lily salua Ellen et Juliet mais Severus ne s'embarrassa d'aucune politesse. Il frôla son ancienne amie, la bousculant presque, et partit directement vers l'impasse du Tisseur qui était à l'opposé de Lightsee House. Pendant un instant, Lily hésita à l'interpeller…
… mais pour se dire quoi ?
Elle rentra chez elle sans plus se retourner.
« Attends un peu ! » cria Mrs Evans à sa cadette. « Pas de trajet à vide ! » Elle ouvrit un placard, saisit un plateau et le mit presque de force dans les mains de sa fille. Puis, elle entreprit de le charger de bols remplis de pickles et de petits feuilletés décongelés à la hâte. Lily ploya un peu sous le poids qui se rajoutait puis laissa échapper un soupir.
« Ne fais pas cette tête. » la rabroua doucement Mrs Evans tout en continuant de fouiller le réfrigérateur. « Ta sœur vient d'être demandée en mariage et tu tires une tête d'enterrement... »
« Je ne fais pas une tête d'enterrement, j'accuse le choc. Enfin, je suis surprise. Mince, quoi, il était pas juste censé venir la chercher pour aller dîner ? »
« Et à la place, il a mis genou à terre, et Pétunia a dit oui – j'étais là. Nous allons donc tous fêter ce jour spécial. Ensemble. Parce que c'est un grand jour pour ta sœur. »
« Maman, ne prétends pas que tu approuves ce qui se passe, je vous ai entendus parler de Vernon avec Papa l'autre jour et c'était pas joli-joli... »
« Ssssshh ! » lui intima sa mère en fronçant les sourcils. « Et je n'apprécie pas que tu nous espionnes comme ça. »
« Maman, on vit dans la même maison pendant l'été, tu te rappelles ? Et la cloison entre la salle d'eau et votre chambre est beaucoup trop fine. »
« De toute façon » coupa la mère, « il ne s'agit pas d'approuver ou de désapprouver… Pétunia a l'air heureuse avec lui. Elle a l'air de… savoir où elle va, d'avoir trouvé sa place. Et c'est tout ce que je demande pour mes deux filles. Si différents que puissent être les chemins qu'elles empruntent. Tu verras, quand tu auras des enfants ! Bon sang, j'étais pourtant certaine qu'il y avait une bouteille de champagne au frais quelque part... » marmonna Mrs Evans en soulevant les fruits qui s'entassaient dans le bac à légumes.
« Mais si elle croit que c'est bien pour elle alors qu'en fait, ça ne fait que… l'enfermer ? »
« Et l'enfermer où exactement ? »
Lily roula les yeux. « Dans la routine, les préjugés, la mort par ennui mortel... »
« Shhhhh ! » répéta Mrs Evans. « Tais-toi un peu, et s'ils t'entendaient ?! Ah, voilà cette fichue bouteille ! » La porte du frigo claqua. « Écoute, Lily. Nous avons fait deux filles très différentes. Bien sûr, j'aurais aimé que vous vous entendiez toujours bien – comme quand vous étiez petites… et si c'était à refaire… Mais avec des 'si', on mettrait Buckingham en bouteille. Petunia est ce qu'elle est, il nous faut l'accepter. Et toi aussi, tu as tes défauts. Et Vernon aussi. Mais il prendra soin d'elle. Il a l'air de sincèrement l'aimer – et il a une carrière prometteuse et Pétunia se sent rassurée par ce qu'il a à lui offrir… Un couple, c'est une équipe, et si c'est l'équipier que Pétunia a choisi pour être heureuse, alors c'est comme ça. »
« Mais... »
« Je t'en prie, ne fais rien qui puisse entacher le bonheur de Tunie ce soir. Ça lui briserait le cœur… et à moi aussi. »
Le ton était pressant et ému, Lily sentit sa poitrine se serrer. Elle sourit à sa mère qui lui caressa brièvement la joue du bout des doigts.
« Bien sûr. »
« C'est bien, ma fille ! » lui répondit affectueusement Mrs Evans.
Dans le salon, Pétunia admirait sa bague assortir d'un gros diamant rose et sa sœur lui reconnut des traits plus détendus et chaleureux qu'à l'ordinaire.
« Champagne pour les futurs mariés ! » s'exclama Jane Evans en ouvrant la bouteille dans un 'pop' sonore.
« Et bienvenue dans la famille, Vernon ! » assura Mr Evans avec une jovialité que Lily trouva un peu forcée. Mais ce fut comme si elle avait été la seule à s'en rendre compte.
« Je vous remercie pour cet honneur. » déclara pompeusement Vernon Dursley.
Ses yeux bruns croisèrent ceux de Lily et elle sut que cette déclaration ne la prenait pas en compte. Elle détourna le regard et afficha un sourire de convenance – au moins, pour sa mère, elle pouvait faire un effort…
« A Vernon et Pétunia ! » s'exclama Mr Evans en levant sa coupe et tout le monde l'imita.
« Que l'avenir vous réserve de nombreuses joies ! » leur souhaita Mrs Evans.
Lily ne se fit pas attendre pour boire : elle ressentait le besoin d'un verre. Pétunia en revanche trempa à peine ses lèvres dans sa coupe : la main posée sur le cœur et les yeux brillants, elle s'était lancée dans une interminable logorrhée au sujet des préparatifs pour la cérémonie.
« Juin prochain pourrait être une bonne date ! Juillet est toujours trop chaud, et Mai trop incertain… je n'aimerais pas que la pluie gâche la fête – comme au mariage de la cousine Sandra, vous vous souvenez ? … Je pense au blanc – beaucoup de blanc partout, un joli blanc crème, avec des perles… des fruits de mer en plat principal… pas de couronnes, des fleurs dans des vases, c'est plus chic… et les demoiselles d'honneur… certainement pas Sarah, avec sa scoliose, elle n'arrive plus à se tenir correctement et ça ruinerait la procession… dragées… tulle et soie... »
'Juste Darren'. Étrange jeune homme. Lily n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer d'autres Cracmols que Rusard jusqu'à présent et ça l'avait beaucoup intéressée de voir qu'ailleurs, des enfants faisaient le chemin inverse d'elle. Avoir passé ses jeunes années à prendre la poudre de Cheminette et devoir consulter les horaires du train local – en expliquant à ses parents ce qu'était un train local. Avoir assisté à des matchs de Quidditch et devoir s'inscrire à un club de rugby – et savoir que ses parents ne comprendront pas forcément l'intérêt des règles du rugby. Dommage qu'il n'ait pas donné son nom, ç'aurait été intéressant de garder contact…
« Mais ma chérie, si c'est en juin, il faut s'assurer que ta sœur puisse s'absenter de Sainte-Clothilde. »
Lily ne releva pas. Sainte-Clothilde. Sa sœur allait se marier avec un homme qui ne serait jamais au courant pour les sorciers et à qui elle devrait mentir quand elle aurait trouvé du travail. Une fois, petites, elles avaient organisé le mariage de Pétunia. La petite Tunie de 9 ans avait cueilli des fleurs dans les jardins des voisins et la petite Lily de 6 ans avait risqué sa vie (et d'être punie de bonbons pendant une bonne semaine) en allant piquer le voile de mariée de sa mère. Celui-ci était soigneusement mis à l'abri dans une caisse rangée tout en haut du placard-des-affaires-qu-on-a-pas-le-droit-de-toucher. Il avait fallu grimper sur la commode et là, Lily s'était un peu aidée en flottant bizarrement au-dessus du meuble, pour réussir à atteindre la fameuse boîte où était rangé le voile tant convoité… Elles avaient couru jusqu'au square – qui était toujours désert, car le quartier qu'elles habitaient alors était beaucoup moins résidentiel que celui de Lightsee House et presque aucun enfant ne venait y jouer. Mais elles s'était quand même cachées dans le petit bosquet du parc. Et elles avaient coiffé Pétunia du voile, et Lily avait entonné la marche nuptiale car elle était demoiselle d'honneur, et elles avaient fait les voix du prêtre et du futur mari de Pétunia (qui était particulièrement riche et beau et à sa merci) et imaginé le banquet en faisant toutes les voix de tous les invités… elles étaient rentrées tout doucement à la maison, et Lily avait rangé le voile sans se faire prendre en flottant de nouveau au-dessus de la commode et c'était comme avoir un secret qui ne leur appartenait qu'à elles pendant toute la semaine qui avait suivi, car Pétunia était « une femme mariée, maintenant » comme elles se le répétaient en chuchotant d'un ton surexcité.
Il y avait fort à parier que le vrai mariage de Pétunia ne ressemblerait pas à ça.
Dommage.
« Lily chérie, tu as pensé à mes chocogrenouilles ? » chuchota son père en se penchant par dessus le bras de son fauteuil. Elle lui sourit et chuchota en retour : « Un sachet premium t'attend dans ma chambre, et j'ai rajouté des fizwizbiz à la fraise : ils te feront voler dix bons centimètres au-dessus du sol, j'ai pensé que ça te plairait. »
Mr Evans lui sourit et lui tapota l'épaule en signe de remerciement avant de se replonger dans le canapé.
« Il faudra trouver une robe qui ne jure pas avec les cheveux de Lily. »
« Le blanc crème ne jure pas avec le roux » objecta la sorcière d'une voix absente.
Pétunia fronça les sourcils. « Mais je me marie en blanc crème, tu ne peux pas être en blanc comme la mariée. » Lily haussa les épaules. « Il y a plein de couleurs qui peuvent aller avec mes cheveux, Pétunia. »
« Mais tu ne pourras pas porter de vert – je ne veux pas qu'on porte de vert à mon mariage, c'est une couleur tellement peu sûre, ce serait de très mauvais goût... »
« C'est vrai. », approuva Vernon. « C'est une couleur inappropriée pour un mariage. »
« Mais le bleu et le rose poudré peuvent très bien aller à Lily… On trouvera une solution. » préféra intervenir Mrs Evans d'un ton rassurant. Pétunia fit la moue.
« Ça dépend quelles teintes. Avec une peau aussi pâle et ses tâches de rousseur qui apparaissent parfois de manière imprévue, il va falloir y réfléchir... »
« Mais non Tuny, rappelle-toi, sa robe bleu mer pour le mariage de Sandra, justement, ça lui allait très bien… Ma chérie, tu peux aller chercher ta robe bleue, pour rassurer ta sœur ? »
« Maintenant , Maman ? Tu veux que j'aille maintenant fouiller dans le placard où on entasse les vêtements d'hiver et les vêtements de cérémonie pour tout défaire et finalement mettre la main sur cette robe bleue ? »
Vernon toussa de désapprobation, Pétunia la fusilla du regard, Mrs Evans roula des yeux, Mr Evans contempla son verre sans aucune expression, et Lily soupira encore. « Si tu veux que j'y aille, j'y vais... »
Elle vida sa coupe et se leva. A ce moment précis, il se passa deux choses en même temps. Tout d'abord, une chouette tachetée de noir – que Lily ne reconnut pas – entra par la fenêtre du salon qui donnait sur la rue et vint atterrir sur le bras du canapé qui se dressait entre Lily et son père. Au même moment, une lettre pliée comme un origami entra par la fenêtre du salon qui donnait sur le petit jardin des Evans et vint s'ouvrir devant la jeune fille. Pendant un instant, Lily crut que c'était une Beuglante car la lettre se dépliait de la même manière, mais le papier était d'un violet clair et marqué d'un M doré. Le courrier se transforma en une bouche qui s'adressa directement à elle :
« Ceci est un message du Ministère de la Magie à l'attention de l'ensemble de la Communauté Magique. Nous sommes dans l'obligation de vous informer que cet après-midi vers 17h45, une attaque a été perpétrée sur le Chemin de Traverse. Des sorciers se présentant sous le nom de 'Mangemorts' ont revendiqué l'attaque. Notre brigade d'intervention agit présentement sur place. NOUS VOUS DEMANDONS DE VOUS METTRE A L'ABRIS SI VOUS LE POUVEZ ET DE PROTEGER VOTRE HABITAT GRACE AUX ENCHANTEMENTS DE BASE PRESENTES DANS LA BROCHURE OFFICIELLE DU MINISTERE. NOUS VOUS DEMANDONS DE NE PAS VOUS RENDRE SUR LE CHEMIN DE TRAVERSE ET DE LIMITER VOS DEPLACEMENTS AUTANT QUE POSSIBLE. UN NOUVEAU MESSAGE VOUS SERA TRANSMIS DES LA FIN DE NOTRE INTERVENTION. »
Le courrier s'évapora dans une petite pétarade qui projeta la dite brochure officielle dans les mains de Lily. C'était un feuillet de deux pages récapitulant des sortilèges anti-effraction élémentaires.
« Marlene ! » murmura la sorcière, et elle se précipita sur la chouette et déroula fébrilement le parchemin.
« Lily,
Je suis chez Arnav. Nous sommes en sécurité. Ils ont commencé à attaquer quand nous attendions au Chaudron Baveur pour prendre la Cheminette. S'il te plaît, confirme-moi que tu es en sécurité chez toi.
Marlene »
L'indescriptible soulagement.
Lily ferma les yeux. Quand elle les rouvrit, quatre personnes la fixaient avec des yeux en ronds de soucoupes.
L'un d'eux, particulièrement, avait considérablement pâli.
Vernon se leva et dévisagea sa future belle-sœur.
« Qu'est-ce… qu'est-ce que c'était ? »
« Vernon ! » l'appela Pétunia en se levant à son tour. « Ce n'est pas ce que tu crois ! »
« C'est… c'est de la sorcellerie ! »
« Non, c'est... » commença Pétunia. Mais elle était sur le point de fondre en larmes.
« Vernon, rassure-toi, tout va bien » commença Lily. Mais sa tête était sur le Chemin de Traverse, avec ceux qu'elle avait croisés aujourd'hui, avec l'apothicaire, la caissière de Fleury & Bott, Florian Fortarôme, les petits frères et sœurs de ses camarades de classe qui couraient jeter un œil au dernier balai à la mode, et les mots se ruaient dans son cerveau et sa gorge sans qu'elle parvienne à les ordonner...
« Je suis une bonne sorcière. » fut tout ce qu'elle parvint à articuler.
Vernon Dursley la dévisagea et petit à petit, l'horreur s'immisça dans ses traits, faisant frémir sa moustache, trembler son torse proéminent, déformant son visage de révulsion et d'effroi.
« Il faut que je sorte. » déclara-t-il en prenant sa veste posée sur le bord de son fauteuil.
« Vernon ! » s'écria Pétunia dans un sanglot. Il se dirigea d'un pas lourd vers la porte du pavillon et elle le suivit du haut de ses talons. Lily entendit leurs pas sur le gravier de l'allée, les exclamations de sa sœur, une porte de voiture qui claque et le véhicule démarrant en trombe.
Quelques instants plus tard, Pétunia rentra, défaite. La porte se ferma dans un doux cliquetis derrière elle et elle entra dans le salon, les bras croisés contre sa poitrine comme pour se rassurer… les larmes roulaient sur ses joues, emportant avec elles le mascara et le fard à joue.
Mrs Evans fit quelques pas vers elle mais Pétunia l'arrêta d'un geste. Elle fixa sa sœur et la tristesse resta sur son visage, mais s'y ajouta autant – sinon plus encore – de colère…
« JE TE HAIS ! » hurla-t-elle. « JE TE HAIS ! JE TE HAIS ! TU AS TOUT GÂCHE ! … TU AS TOUT… GÂCHE... »
Mrs Evans parvint à s'approcher de sa fille aînée et à la prendre dans ses bras. Pétunia s'effondra et sa mère l'emmena jusqu'à sa chambre.
« Lily... »
Son père tenait la brochure du Ministère de la Magie dans la main droite. Il dévisagea sa fille comme si il la voyait pour la première fois, sous un autre jour…
« Qu'est-ce que c'est que ça ? »
Des pas se firent entendre dans l'escalier et le couloir, et Mrs Evans ré-apparut.
Elle aussi scruta sa fille du regard.
« Nous allons nous asseoir. » dit-elle calmement. « Nous allons nous asseoir et tu vas tout nous expliquer. »
« Maman... »
« Nous sommes tes parents. Nous avons le droit de savoir... » Elle inspira et expira profondément. « Même si c'est horrible et que tu veux nous épargner… nous voulons savoir. »
Les yeux flamboyants, Mrs Evans reprit sa place dans le fauteuil qu'elle occupait avant que l'impensable ne se produise. Mr Evans se rassit dans le canapé. Tous deux fixaient leur fille.
Lily se rassit également.
Les lampes restèrent longtemps allumées à Lightsee House cette nuit-là.
Merci d'avoir lu et à vendredi pour le chapitre 2 !
N'hésitez pas à reviewer :)