Soif Insatiable de Vice - Partie Une
Longueur : Five-shots, Ficlet.
Univers : UA.
Pairing : Yaoi – NaruShika, NaruSasu.
Personnages : IC.
Genres : Angst. / Romance. / Hurt-Comfort. / Darkfic.
Rating : M (PG16).
Disclaimer : Tous les personnages appartiennent exclusivement à Masashi Kishimoto.
Résumé : Konoha est divisée en deux gangs, dirigés par deux clans ennemis, les Senju et les Uchiwa. Et dans cette ville de débauche, tout le monde a un lien avec l'un ou l'autre gang. Tout le monde.
Note : À l'origine, cette ficlet devait être un OS, cependant j'ai vite remarqué qu'il prenait bien plus d'ampleur que je ne l'aurais cru. Donc je l'ai divisé en cinq parties, pour faire passer plus facilement, mais aussi – et surtout – pour le rythme. Vous comprendrez en lisant ! En espérant que ça vous plaise ; bonne lecture !
— Naruto, dois-je te rappeler ta place au sein du gang ?
Konoha est une ville gangrenée par la corruption et les conflits en tous genres qui l'assaillent depuis des décennies. Ses rues sombres regorgent de trafics de toutes sortes, de dealers, de voleurs, de putains et de tout ce que l'on peut trouver de pire venant de l'humanité. Elle fait partie de la « triade sombre », ces trois villes qui alimentent le reste du pays en armes, en drogue, même en organes. Je suis né et j'ai toujours grandi ici. Pourtant, allez savoir pourquoi, je m'y sens parfaitement bien. Cela fait bien longtemps que j'ai appris à ignorer les mauvais côtés de ma ville natale pour apprécier ma vie un peu bancale de personne peu fréquentable.
— Non, je la connais très bien.
Je ne quitte pas ma supérieure des yeux quand je lui lâche ces quelques mots que je sais insolents. Je sais qu'elle ne supporte pas quand je lui parle comme cela, mais j'adore faire ce que l'on m'interdit de faire. Quand j'y pense, je dois avoir un côté masochiste, ce n'est pas possible autrement…
— Parfait. Ne recommence pas une telle erreur, ou tu en paieras le prix fort.
Je sais parfaitement que les lois du gang passent au-dessus de toutes les autres. Je sais également qu'elle s'attend à ce que je les respecte, moi qui lui dois tout puisqu'elle m'a recueilli alors que j'étais au plus mal. Mais parfois j'ai aussi envie de n'en faire qu'à ma tête, même si cela ne plaît pas à tout le monde. Il faut croire que les quelques semaines que j'ai passées dans la rue avant d'intégrer le gang m'ont forgé un caractère bien trempé qui ne fait pas l'unanimité.
— Oui mamie… euh, madame Senju.
Je m'incline de mauvaise grâce et fais volte-face pour ne plus voir le visage de Tsunade. Je comprends qu'elle n'apprécie pas le fait que je fasse tourner en bourrique le petit-fils de son prédécesseur, mais ce n'est tout de même pas de ma faute si ce gosse m'insupporte ! Et comme si ce n'était pas assez, il passe son temps à me chercher. Alors j'ai laissé parler mon instinct… Je savais qu'en faisant cela je m'exposais à un de ces savons dont elle a le secret, le genre d'entrevue où tout passe par le regard, où l'on se sent rabaissé plus bas que terre, rien qu'avec une œillade bien placée. Tsunade a un secret indéchiffrable pour asseoir son autorité et cela m'insupporte quand j'en fais les frais. Néanmoins j'estime que parfois le jeu en vaut la chandelle, et je me risque à faire une connerie même en sachant que je vais m'en prendre plein la figure par la suite. C'était le cas ce matin avec Konohamaru, qui m'a harcelé pendant deux heures pour pouvoir prendre mon arme pour jouer avec, et que j'ai dû… remettre à sa place dirons-nous.
Je hausse les épaules et commence à descendre les escaliers en me disant que finalement, ce n'était pas si terrible. Un savon de plus ou de moins, ce n'est pas dramatique. Je me demande juste ce qu'elle a voulu dire par « tu en paieras le prix fort »… Ce petit a beau avoir le sang du vieux Sarutobi dans les veines, ce n'est qu'un pleurnicheur qui nous traîne dans les pattes à longueur de journée. Tsunade ne céderait tout de même pas à un caprice de sa part du genre « Je ne veux plus le voir ! », si ? Je n'essaie même pas de chercher une quelconque réponse à cette question stupide, j'ai d'autres chats à fouetter. Je dois me rendre à l'Entrepôt pour trouver celui qui distribue les ordres de mission, Jiraya. Le problème, c'est que cet homme a dû être champion du monde de cache-cache dans sa jeunesse, car je mets une bonne heure à chaque fois pour le trouver quand j'ai besoin de lui. A contrario, quand je veux être seul, ce satané grand-père prend un malin plaisir à apparaître sans préavis, à mon grand dam.
Je soupire, tout à mes pensées, en déboulant au rez-de-chaussée, quand je me retrouve nez-à-nez – ou plutôt nez-à-fesses – avec le postérieur de quelqu'un en train de récupérer un trousseau de clefs par terre. Stoppé dans mon élan par cette vision pour le moins surprenante, je redresse mes lunettes sur mon nez pour m'assurer que je ne me suis pas trompé mais dois me rendre à l'évidence ; mes yeux ne me jouent pas de tour. Je reste pantois, ne sachant que faire, et regarde la personne se retourner lentement, me remarquer et me fixer d'un regard inquisiteur. Il doit sûrement se demander ce que je suis en train de faire, mais pour le moment ce n'est certainement pas cela ma principale préoccupation. Je ne parviens plus à détacher mes yeux de ce mec. Je ne sais pas de qui il s'agit, je suis certain de ne l'avoir jamais vu ici. Mais bon sang, ce qu'il est désirable ! D'abord, il a les cheveux noirs. Et j'ai beau être fier comme un paon de ma toison blonde, je n'ai jamais aimé d'autres mecs que les bruns. Ensuite, il a des yeux qui me donnent l'impression de me déshabiller. Sans déconner, ce type doit avoir des lasers au fond de ses pupilles, parce qu'avoir un regard aussi profond et engloutissant, ce n'est pas humainement possible ! Et puis il y a sa bouche – tout son visage en fait. Sa peau si parfaite me donne envie de l'embrasser dans ses moindres recoins. Et enfin, il a un corps qui ferait bander le plus hétéro de tous les hétéros – enfin, ce n'est que mon avis. Longiligne, sculpté, sensiblement de la même taille que moi, je peux facilement deviner ses muscles discrets mais bien concrets au travers de sa chemise et de son jean slim.
Et voilà qu'il se met à arborer un sourire en coin à en faire pâlir de jalousie Cupidon lui-même. Mon pauvre cerveau en ébullition a bien du mal à suivre ce qu'il se passe dans mon cœur. Les aventures douteuses avec des mecs de ce genre, cela fait un certain temps que je les collectionne. Mais c'est bien la première fois qu'un homme me fait cet effet-là. Un sourire à en tomber en pâmoison et une paire de fesses à s'en damner, conjugués avec toutes ces petites qualités qu'il semble avoir, c'est assez pour me décider. Je le veux dans mon lit.
Mais alors que j'allais m'approcher de lui pour me présenter avec un de ces airs enjôleurs dont j'ai le secret – ce n'est pas moi qui le dit, c'est Shikamaru – je suis instamment interrompu par Jiraya et son art de toujours tomber au mauvais moment, qui m'interpelle depuis l'autre bout du couloir.
— Naruto ! J'ai à te parler sérieusement, arrête de rêver !
Je le fusille du regard. Il n'a pas intérêt à trop en dire devant ma cible du moment ! Si jamais ce gars en apprend trop sur ma vie amoureuse rocambolesque, il risque de prendre peur… J'incite donc mon supérieur à ne pas en dire plus en fronçant les sourcils. Il me répond par un simple clin d'œil, et, arrivé à ma hauteur, m'adresse une tape amicale sur l'épaule avant de dévier son regard vers le nouveau venu.
— Ah, parfait, tu es là aussi. On va se mettre dans mon bureau, on sera plus à l'aise.
Interloqué, je suis tout de même Jiraya qui s'engouffre dans la pièce s'ouvrant à gauche du couloir. Il veut nous parler à tous les deux en même temps ? Mais qui est donc ce type ? Si j'en crois son physique, il doit avoir environ mon âge, la vingtaine. C'est un peu tard pour intégrer le gang.
— Bien, Naruto, je te présente…
En regardant plus en détail, je me dis soudain que ses yeux me disent quelque chose. Que ce visage si droit et fier, je l'ai déjà vu quelque part.
— Sasuke Uchiwa. Sasuke, voici Naruto Uzumaki.
Mon sang ne fait qu'un tour. L'attirance que je ressentais jusque-là à son égard se mue en une aversion difficilement qualifiable si je veux rester poli. Un Uchiwa, un membre de la famille-même qui tient les rênes du clan Uchiwa, notre gang rival ? Et il se tient comme si tout allait parfaitement bien dans le meilleur des mondes, en territoire ennemi, au beau milieu du bureau de l'un des dirigeants de l'ancien clan Senju ? Ma parole, il doit être fou à lier. Quoique, à bien y réfléchir, c'est plutôt Jiraya que je devrais qualifier de fou à lier. C'est lui qui vient de me le présenter comme s'il s'agissait d'un collègue.
— Naruto, arrête de me fixer comme si je n'étais qu'un vieillard sénile, et attends que je t'explique. m'interrompt le vieux.
Soit, je veux bien écouter ce qu'il a à me dire, mais son explication a intérêt à tenir la route. Je tire à moi une chaise qui traîne dans un coin du bureau, chasse la poussière accumulée sur l'assise et prends place en croisant les bras, sans accorder un seul regard à Uchiwa.
— Avant tout, il faut que tu saches que Sasuke n'est pas un ennemi, bien au contraire. Depuis qu'il a seize ans, il est de notre côté et il est infiltré pour notre compte au sein de son clan.
Je tourne un regard curieux vers ce soi-disant infiltré. Lui, un Uchiwa pur-sang, travaillerait pour nous, à l'échec de sa propre famille ? J'ai bien du mal à y croire. Il transpire par toutes les pores de son corps qu'il fait partie de cette satanée lignée ! Dans le quartier, ça fait mauvais genre. Avec un air dubitatif, je me retourne vers Jiraya en lui demandant ce qu'il a bien pu faire pour nous durant tout ce temps. Mais Uchiwa ne lui laisse pas le temps d'en placer une et prend la parole à sa place.
— Dis-toi bien que si vous aviez toujours un coup d'avance ces derniers temps, c'était en grande partie grâce à moi, imbécile.
Sa voix est… ensorcelante.
Fronçant les sourcils, je chasse aussitôt cette pensée ridicule et stérile de mon esprit et lance un regard assassin à l'importun.
— T'as des cases en moins ou quoi ? C'est pas à toi que je parlais, connard.
Aucun rictus ne vient déformer son visage parfait. C'est bien la première fois que je rencontre quelqu'un qui ne tique pas le moins du monde quand on l'insulte ! Au lieu de s'insurger, il reste à observer placidement le mur du fond que seules viennent décorer quelques fissures parées de toiles d'araignée. Il m'ignore royalement, lui, son profil de dieu grec et son corps posé telle une statue de l'Antiquité. Son attitude désinvolte au possible me ferait presque sortir de mes gonds !
— Bon sang, Naruto, garde tes accès de colère pour tes missions s'il te plaît. souffle Jiraya d'un air désespéré. C'est trop te demander de rester un minimum poli ?
J'allais répliquer avec véhémence en lui rappelant que c'est moi qui me suis fait insulter en premier mais il continue sur sa lancée en me coupant purement et simplement la parole.
— Je connais ta réponse, pas besoin de l'entendre. Bref, avant que tu t'en ailles en pestant contre le monde entier, sache que Sasuke pense s'être fait repérer donc il travaillera directement avec nous à partir d'aujourd'hui. Je t'ai convoqué pour ta première mission avec lui : lui faire visiter les locaux et l'Entrepôt. Pour sa sécurité il n'est jamais venu ici alors il ne connaît pas le QG.
Et dans une conclusion qui ne souffre aucune réplique, Jiraya se lève de son fauteuil en cuir, se dirige vers la porte et sort de son bureau en la claquant dans notre dos. Je suis estomaqué. Déjà que cette journée n'avait pas spécialement bien commencé – merci Konohamaru ! – voilà que je dois me farcir un insupportable mais ô combien sexy nouveau partenaire. Je dois avoir un karma de merde en ce moment… C'est donc avec une mauvaise humeur incontestable que j'envoie valser la porte du bureau contre le mur du couloir et que, grognant, je fais signe à Sasuke de me suivre. Sans faire le moindre effort sur ma politesse, je l'entraîne de mauvaise grâce à travers notre minuscule Quartier Général. Le rez-de-chaussée ne compte guère que le bureau de Jiraya où l'on reçoit les ordres de missions et une grande salle où s'entassent des chaises et des tables oubliées là par l'ancien propriétaire. À l'étage, se trouvent les quartiers de Tsunade, la principale dirigeante, et Orochimaru, responsables respectivement de la partie médicale et des stocks en tous genres. Le deuxième étage a été condamné il y a longtemps pour son insalubrité. Quant à la cave, rien ne sert de la lui montrer maintenant, il verra bien assez tôt qu'elle sert de temps à autres de bar, de salle à manger ou de salle de réunion.
Nous quittons ensuite le petit bâtiment qui donne l'air de tomber en ruine pour rejoindre quelques rues plus loin une maison perdue au milieu d'un lotissement où toutes les habitations se ressemblent. Une parfaite couverture pour l'entrée principale de l'Entrepôt, où s'emmêlent des couloirs sans fin ouvrant sur des dizaines de petites pièces abritant à peu près tout ce que dont nous pouvons avoir besoin. Sasuke me suit telle une ombre, glissant son regard d'analyste sur tout ce qu'il voit. Il ne pose pas une seule question, se contente d'écouter en silence comme un bon élève. C'en est presque oppressant d'être suivi par ce qui s'apparente à un fantôme. Ou bien cela veut-il dire que je suis un guide parfait ?
Je me retiens de me lancer une baffe à moi-même pour avoir pareilles pensées. La visite de l'Entrepôt touchant à sa fin, je lâche une excuse inaudible à Uchiwa pour me sauver et rejoindre le Quartier Général. C'est bien beau de faire visiter les locaux à un prétendu nouvel allié, mais je préfère de loin travailler à d'autres missions. D'un pas énervé, je rejoins en un temps record le QG, m'engouffre dans la fraîcheur de l'entrée numéro trois et claque bruyamment la porte du bureau de Tsunade en y entrant. Et voilà que je tombe sur notre supposée responsable en train de se servir une énième tasse de saké, si j'en crois les cadavres de bouteilles gisant à côté d'elle. Son regard flou posé sur moi m'évoque celui d'une vache qui passerait son temps à regarder filer les trains. Si elle ne m'avait pas passé un savon tout à l'heure, elle m'aurait presque fait pitié… ! Le souvenir amer de ses remontrances et de l'arrivée inopinée d'Uchiwa me revient alors à l'esprit et la colère me submerge de nouveau. Avec un regard lourd de reproches, je parcours les deux mètres qui me séparent d'elle et tape des poings sur le bois de son bureau sous son regard ahuri.
— Mamie Tsunade, d'habitude je vous respecte, même si vous avez l'air d'en douter. Mais là, vraiment, je comprends pas. Depuis quand vous acceptez parmi nous un Uchiwa ? Il pourrait nous la faire à l'envers en moins de deux !
— Tu peux pas comprendre… commence-t-elle d'une voix pâteuse et hésitante.
C'en est trop. J'ai vingt-deux ans, et je peux comprendre à peu près tout pourvu qu'on me l'explique, surtout si c'est lié au gang. Merde, cela fait bien trop longtemps que l'on me rabroue à chaque fois, que l'on élude mes questions en me répliquant que je ne peux pas comprendre. J'ai intégré le clan Senju il y a dix ans, je l'ai vu péricliter, se retrouver au bord du gouffre à la mort du vieux Sarutobi, et renaître grâce au courage de Tsunade. J'ai exécuté des centaines de missions et fait sûrement autant d'erreurs mais jamais je n'ai agi contre le gang, et j'ai appris depuis longtemps à me montrer responsable. Alors qu'attendent-ils de plus de ma part pour m'expliquer les choses ? Que je meure pour eux ?
En face de moi, Tsunade a l'air relativement surprise de me voir déblatérer autant de choses sérieuses à la fois. Et pour cause… Il est vrai que je suis plutôt du genre à amuser la galerie qu'à faire pleurer les foules de sincérité. Quoiqu'il en soit, j'exige la vérité, l'entière vérité. Et accessoirement, une nouvelle mission…
J'évite habilement le regard à moitié désespéré, à moitié impressionné, qui me fixe dans le blanc des yeux depuis que j'ai interrompu ma supérieure dans sa beuverie solitaire. En remontant mes lunettes sur mon nez, je fais semblant de prêter une attention toute particulière aux piles de jetons de poker, roulettes, jeux de cartes et autres stupidités qui s'entassent dans le seul placard de la pièce. Mal dissimulées derrière ces objets hétéroclites, des bouteilles de liqueurs et de spiritueux prennent la poussière.
Tsunade soupire bruyamment avant de prendre la parole comme si plus aucune goutte d'alcool ne coulait dans ses veines.
— C'est vrai que tu as bien grandi Naruto, même si je ne suis pas toujours d'accord avec ton comportement. Et je comprends parfaitement que l'arrivée de Sasuke te surprenne et t'agace.
— Qu'elle m'agace ? Elle m'emmerde, oui ! ne puis-je m'empêcher de répliquer.
— Naruto… me reprend-elle avec un regard noir avant de continuer sur sa lancée. Il faut que tu saches que j'ai pleinement confiance en lui, il est en grand désaccord avec son clan depuis bien longtemps et il travaille pour nous depuis plus de six ans. Il n'a jamais failli à la moindre de ses missions, et jamais nous n'avons eu de reproche à lui faire.
Justement, ai-je soudain envie de rétorquer, un mec aussi parfait, c'est à se demander s'il ne cache pas quelque chose… Mais Tsunade ne semble pas s'apercevoir de mon air équivoque, car elle continue son explication sempiternelle. J'apprends donc que Sasuke n'est pas le seul Uchiwa à s'être rangé de notre côté ; qu'il fait partie d'un petit groupe de quelques membres du clan qui ont décidé d'agir pour notre compte tout en restant infiltrés au sein des Uchiwa ; que ce matin-même, alors qu'il était au téléphone avec Jiraya, son père a fait irruption dans sa chambre et qu'il a donc sûrement surpris une partie de la conversation ; qu'il a mis en scène son enlèvement pour pouvoir s'échapper ; que l'on va donc devoir se coltiner son minois fier parmi nous à partir d'aujourd'hui et jusqu'à nouvel ordre ; et que le superviseur de ce joli trafic entre faux ennemis n'est personne d'autre que Kakashi Hatake, lui en qui j'avais pourtant placé une grande confiance et qui ne m'a jamais rien dit de tout cela. Je me jure de lui revaloir ça un jour, puis tente de faire de l'ordre dans tout ce que je viens d'apprendre. Cela fait beaucoup de secrets inattendus dévoilés en peu de temps. J'ai soudain la désagréable impression de ne pas connaître le gang autant que je le souhaiterais, et je ne peux m'empêcher de me sentir déçu par ce sentiment. Comme si l'on ne me faisait pas assez confiance pour me mettre au courant de tout cela.
Évidemment, si je demande des comptes à Tsunade, elle va me répondre que la confidentialité est clef dans ce que nous faisons et que ce genre d'information ne doit pas être accessible à n'importe qui, mais tout de même, je ne suis plus n'importe qui ! J'estime avoir fait mes preuves ! Ravalant ma frustration, je laisse ma supérieure changer de sujet de conversation pour me parler de mon prochain ordre de mission. À l'Université Publique de Konoha, en deuxième année de droit, se pavane un certain Rock Lee qui a emprunté une belle somme d'argent au gang sans jamais la rendre. Il n'a pas tenu compte des deux premiers avertissements ; je suis donc l'avant-dernière ombre, celui qui en terminera définitivement avec lui s'il ne fait pas ce qu'il faut dans les plus brefs délais. Parfait. J'aime ce genre de petit boulot tranquille pour finir une journée, ils maintiennent la forme et défoulent les nerfs.
Avec un air satisfait collé sur le visage, je fais volte-face en saluant rapidement Tsunade. Mais alors que je pensais m'en sortir remarquablement bien, la main sur la poignée de la porte et un après-midi comme je les aime en perspective, j'entends dans mon dos s'élever la voix de ma supérieure.
— Tu profiteras de cet ordre pour aller en cours, n'est-ce pas Naruto ? Je crois savoir que tu as trois heures de littérature aujourd'hui…
Le venin de sa réplique se distille dans mes veines, refroidissant immédiatement ma bonne humeur. Et comme si cela ne suffisait pas, en ouvrant la porte du bureau de Tsunade, je découvre Sasuke Uchiwa qui me fixe de son air supérieur, affichant un rictus satisfait.
— T'as oublié ton emploi du temps, Uzumaki ?
Il ose ne serait-ce que me parler, ce parfait connard ? Il n'a aucune conscience de ce qu'il fait, ma parole ! Mais juste à l'instant où je jure en mon for intérieur de pourrir sa petite existence tranquille à la première occasion, mamie Tsunade décide de s'en mêler.
— C'est valable pour toi aussi, Sasuke. Je te rappelle que tu as cours de quinze à dix-sept heures.
J'en grincerais des dents de jubilation si je n'avais pas autant de fierté. Le léger tremblement de lèvres qui déforme imperceptiblement le masque de marbre d'Uchiwa durant une fraction de seconde me suffit pour me sentir mieux. Il a beau jouer presque à la perfection son rôle d'imperturbable héritier d'un clan ancestral, ce n'est pas pour autant qu'il est vide d'émotions. Et il ne les cache pas si bien que cela… !
Avec un ricanement de satisfaction, je passe à côté de lui en le bousculant, tout en ayant parfaitement conscience de la formidable puérilité de mon geste.
— Je n'avais pas oublié, Madame Senju. commence-t-il alors d'une voix sucrée. Et j'avais bien l'intention d'y aller.
Sasuke me dépasse avec un froissement léger de tissus, et termine sa phrase en me regardant par-dessus son épaule d'un air narquois.
— Pas comme d'autres…
Sa voix va me rendre dingue. Il va me rendre dingue. Je jure sur mon ego surdimensionné que je fais tout ce qui est humainement possible pour tenter de me contrôler, mais je vais finir par craquer ! La démarche avec laquelle il s'éloigne dans ce couloir, ses mains fines qu'il a jointes derrière sa tête en un geste nonchalant, ses expressions à croquer, tout chez lui me crie de lui sauter dessus. Je le veux, il me fait tourner la tête, perdre mes moyens, il est l'interdit si tentant, la perfection du pire. Et je me hais de penser cela.
Les nerfs à vif, ma bonne volonté en compote, j'attrape dans la poche arrière de mon jean délavé mon vieux portable à l'écran fêlé et trouve sans hésiter le numéro qui m'intéresse. À l'autre bout de la ligne, la tonalité d'attente retentit quelques instants avant de laisser entendre une voix endormie.
— Allô ?
— Shika ?
— Ouais, c'est moi.
— On se voit ce soir ?
— T'as envie ?
— Ouais.
— Ok.
Et il raccroche. Nos conversations téléphoniques ne sont jamais alambiquées. Nous savons tous deux que quand l'autre appelle, c'est toujours pour la même chose bien précise : une envie de sexe. On se retrouve le soir chez moi, et le lendemain, quand je me réveille, il est déjà parti. Il finit toujours ses nuits aux alentours de midi, mais toujours chez lui. Je ne connais pas grand-chose de sa vie et il ne connaît quasiment rien de la mienne non plus. Il nous arrive de participer ensemble à une mission importante, mais cela reste rare. C'est pour cela que nous apprécions notre relation telle qu'elle est : nous n'avons guère la possibilité de nous voir souvent, et la situation nous empêche de développer des sentiments trop forts à l'égard de l'autre.
Avec un soupir et un regard désespéré adressé à l'immense voûte céleste, je me décide finalement à rallier l'université. Au détour d'une rue, je m'achète une boulette de riz au thon dans une supérette et la mange sans grande volonté, en marchant d'un pas traînant vers le campus. Tsunade m'a obligé à suivre des cours pour avoir un CV décent au cas où je veuille un jour d'une situation plus normale… J'ai choisi sans réellement le vouloir la faculté de lettres, mais la plupart des professeurs ne savent même pas que j'existe. Je n'assiste qu'à quelques cours quand l'envie m'en prend ou quand Tsunade m'y pousse. Ce n'est tout de même pas de ma faute si j'ai une sainte horreur de la théorie ! J'aime m'emparer d'un vieux crayon et d'un bout de feuille froissé pour y griffonner quelques pensées ou une poignée de vers lorsque l'inspiration se décide à faire irruption dans mon cerveau bizarrement fait. Mais apprendre par cœur ce qu'est un zeugma*, la vie trépidante d'un auteur méconnu ou l'influence de la politique dans les écrits de tel ou tel siècle, tout cela me passe bien au-dessus de la tête.
C'est donc armé d'un flegme monumental que je pousse la porte de la salle 351 du bâtiment Est, sous le regard éberlué de l'intervenant. Ses yeux clairs me fixent un instant par-dessus ses lunettes en demi-lune – qui lui donnent un faux air d'Albus Dumbledore – puis il cligne des paupières pour reprendre ses esprits.
— Monsieur Uzumaki nous fait l'incommensurable honneur d'être parmi nous aujourd'hui, chers étudiants. C'est un grand jour !
Les trois prochaines heures s'annoncent très longues… Je choisis une place près de la fenêtre et pose ma veste sur la chaise à côté de moi pour être sûr de ne pas être dérangé, bien décidé à ne pas paraître sociable en ce jour maussade. C'est pourtant rare que je me renferme ainsi sur moi-même, mais aujourd'hui je n'ai aucune envie de faire le moindre effort. Une profonde lassitude semble s'être emparée de mon être, paralysant mon sourire et annihilant ma bonne humeur. En observant le ciel bleu où courent de rares nuages cotonneux, je ressens une soudaine envie de m'envoler. Comme en suspens au-dessus de mon existence, je ne parviens qu'à éprouver une curieuse amertume. Une seule pensée claire me vient alors à l'esprit : il me manque quelque chose – mais quoi donc ? J'ai beau me creuser la tête, je ne trouve aucune réponse. Je ne suis conscient que de ce petit creux que je ne connaissais pas, caché, là, tout au fond de moi-même.
Tout à mes réflexions, je laisse le temps filer sans m'en rendre vraiment compte. Je ne décroche pas la mâchoire de toute la durée du cours, ressors en ayant uniquement retenu que nous avons parlé de poètes et me dirige immédiatement vers le bâtiment Sud, où vient de se terminer le cours de « droit civil des biens » suivi par les deuxièmes années. D'un pas vif, poussé davantage par un désir mesquin que par mon professionnalisme, je contourne le bâtiment par la gauche et m'adosse contre le mur fissuré, juste à côté de la sortie de secours, puis entreprends de nettoyer les verres de mes lunettes avec ma manche – je tiens à voir la tête de celui à qui je vais peut-être défoncer le crâne. Fort heureusement pour mon impatience, je n'attends pas longtemps ; la porte claque à peine cinq minutes après que je sois arrivé, laissant passer deux amis pliés en deux, à rire de je ne sais quelle blague.
Je me remémore la photo de ce Rock Lee prise à la sauvette la semaine dernière et que mamie Tsunade m'a montrée tout à l'heure. Une coupe au bol ignoblement reluisante de brillantine, des sourcils surdimensionnés et des yeux d'ahuris ; il n'est pas très difficile à reconnaître !
— C'est bien toi, Rock Lee ? demandé-je d'une voix forte qui trahit un peu l'envie malsaine que je sens poindre au fond de moi.
Devant mon regard satisfait, une silhouette tressaille presque imperceptiblement et se retourne en tentant de garder toute sa contenance. S'il essaie de paraître sûr de lui, c'est raté. Cet imbécile donne juste l'impression d'être un trouillard doublé d'un très mauvais acteur.
Ravi de mon effet, j'intime à l'autre personne de se barrer bien gentiment s'il ne veut pas finir sa soirée à l'hôpital, puis me concentre sur ma cible. Un gringalet comme lui, il ose tenir tête au clan Senju ? Je sais qu'il y a des fous et des inconscients partout à Konoha, mais tout de même. En secouant la tête d'un air désapprobateur, mais non moins amusé, je me rapproche de Lee calmement.
— Tu sais quoi, je t'ai mal jugé "Gros-Sourcils". Faut avoir un sacré culot pour emprunter de l'argent aux Senju sans le leur rendre après. T'as eu des couilles, franchement.
En face de moi, je vois cet imbécile heureux retrouver peu à peu une posture sûre et un regard effronté. Mon ton calme le rassure, mes compliments le grisent. Je lui tends une main avec un grand sourire en me présentant. Alors qu'il tend la sienne pour me répondre, je m'empare de son poignet d'un geste habile et le propulse sans ménagement contre le mur que je viens de quitter, avant de lui faire une clef de bras. Sans lui laisser le temps de comprendre ce qu'il se passe, je récupère mon cran d'arrêt dans ma poche de jean et le presse légèrement contre son cou haletant. Sans dissimuler l'exaltation pernicieuse qui s'est emparée de moi, je lui susurre à l'oreille :
— Reste à savoir si t'en as encore. Écoute-moi bien connard, si ton contact ne voit pas la couleur de ce que tu nous dois dans une semaine, t'es mort. Pas la peine de faire de la poésie, je te tuerai, c'est tout. Pigé ?
Un gémissement étrangement proche d'un « oui » étranglé me répond. La pomme d'Adam du pauvre éphèbe effarouché s'affole dans sa gorge… J'ai presque envie d'en rire ! À chaque fois, c'est la même chose. Grand ou petit, maigrelet ou musclé comme un bœuf, homme ou femme, jeune ou vieux, rien ne change : dès qu'on menace un peu, les masques tombent et tous autant qu'ils sont, ils deviennent doux comme des agneaux, acquiesçant à n'importe quel ordre en tremblant. Malgré tout, je ne m'en lasse pas. Cela fait peut-être de moi un être rongé par un semblant de folie, mais je m'en fiche éperdument. Rien ne peut égaler l'enivrement que me procure cette sensation, celle de faire mentir tous ceux qui m'ont un jour traité de faible, d'incapable, de rebus de l'humanité et j'en passe. Quand je réussis une mission, j'ai l'impression follement agréable de donner tort à tous ceux qui ont tenté de me rabaisser. Et c'est indiciblement exquis.
Je replie mon arme et la glisse à nouveau dans ma poche en lâchant Lee. J'esquisse un mouvement pour m'en aller, mais me retourne en plongeant mon regard que j'espère glacial dans ses yeux fuyants.
— Oh, une dernière chose ! Évidemment, tout ceci n'a jamais eu lieu et tu ne me connais pas. Sinon, ce sera le même verdict. Bonne soirée. achevé-je sur un ton sarcastique à souhait.
Satisfait, je fais volte-face et me dirige vers la sortie du campus, pressé de rentrer chez moi au soudain souvenir que je ne vais pas passer la soirée seul. En faisant de nouveau irruption sur l'esplanade, je croise un "collègue" du nom de Chōji, qui improvise un check pour me passer un minuscule morceau de papier que je fourre immédiatement dans ma poche comme si de rien n'était. Ce n'est qu'arrivé dans mon appartement, dans les combles d'un immeuble décrépi, que je le déplie pour le lire. Ce que j'y comprends ne me plaît guère. Demain soir, nous allons attaquer l'une des planques du clan Uchiwa, à la bordure de leur territoire, afin de libérer deux imbéciles qui se sont laissé prendre en embuscade : Kiba Inuzuka et Ino Yamanaka. Je ne les connais que de loin, mais leur réputation les ayant depuis longtemps précédés, je sais pertinemment qu'ils sont assez stupides pour s'aventurer en territoire ennemi juste pour prouver qu'ils en ont le courage. Sombres idiots…
Je n'aime pas les opérations de sauvetage, simplement parce que j'en ai vu trop souvent se solder par la mort de celui que nous étions censés libérer. C'est ce qui est arrivé à Neji, l'un des meilleurs amis que je n'aie jamais eus. Et je ne peux m'empêcher de penser à lui à chaque fois que je me vois confier un ordre de mission de ce genre.
Absorbé par mes sombres réflexions et par la dégustation d'un conséquent bol de ramen, je mets un certain temps avant de comprendre que quelqu'un toque à ma porte. Je me lève pour aller ouvrir, mais mon cerveau ayant soudainement décidé de fonctionner au ralenti, je reste dévisager mon invité d'un air hagard pendant deux ou trois secondes avant de me décider à avaler ce qu'il reste de pâtes dans ma bouche et à le faire entrer.
— Ben dis donc, t'as l'air en forme ! me lâche-t-il d'un ton ironique.
— Mouais, t'as reçu l'ordre pour Kiba et Ino aussi ?
Shikamaru acquiesce en se vautrant dans mon vieux canapé, sans pour autant sortir les mains de ses poches. Je finis pressement mon reste de nouilles en lui expliquant la raison de mes tergiversations. Une opération aussi délicate qu'une libération, d'autant plus qu'elle concerne deux inconscients, risque fort de tourner au vinaigre. Mais à peine m'a-t-il rassuré en m'apprenant que c'est lui qui est chargé du plan d'attaque, voilà qu'il m'apprend que je vais devoir me coltiner Sasuke durant l'opération pour pouvoir le surveiller. Shikamaru non plus n'a pas confiance en lui, on dirait… Il a entièrement raison de le garder à l'œil, mais pourquoi me demande-t-il ça à moi ? Pas qu'épier ce mec soit désagréable, bien au contraire, mais je peux dire adieu à l'idée de l'oublier. Merde alors, pourquoi a-t-il fallu que je jette mon dévolu sur un Uchiwa ? Il ne pouvait pas juste être une personne lambda ? Je l'aurais suivi à l'hôtel pour une nuit de plaisirs et plus si affinités, et tout aurait été parfait ! Mais non, il faut que je tombe sur un mec tout droit issu de la famille que je déteste sûrement le plus au monde. J'ai toujours eu beaucoup de chance…
Une main sur mon épaule me sort de mes réflexions. En levant mon regard perdu, je tombe sur les yeux noirs de Shikamaru. Un air neutre sur le visage, il m'observe sans laisser paraître la moindre émotion.
— Plutôt que de te rendre fou à réfléchir, pourquoi tu ne te laisses pas aller un peu ? propose-t-il d'une voix suave, tandis qu'il jette une œillade désireuse à mes lèvres.
Et puis merde, il a raison ! Au diable les Uchiwa, les doutes et les craintes. Là, tout de suite, j'ai juste envie de sentir le plaisir monter en moi et effacer toute autre pensée. Avec un sourire approbateur, je me lève de ma chaise pour me retrouver à la hauteur de Shikamaru, et m'empare de ses lèvres sauvagement. Le désir annihilant peu à peu ma raison, je ne sais comment nous parvenons à nous retrouver sur mon lit, aussi nus l'un que l'autre. Cependant, à chaque fois que je ferme les yeux, mon esprit me renvoie l'image de Sasuke. Je le vois à la place de Shikamaru, je sens sa peau sous mes doigts fébriles et ses cheveux contre mes joues, j'entends son souffle saccadé se frayer un chemin jusqu'à mes oreilles, je vois son regard fiévreux se promener sur mon corps avide.
J'enlève mes lunettes et les dépose sur la table de nuit – ou bien les lancé-je simplement par terre ? – pour pouvoir pleinement imaginer Sasuke contre moi, aussi bouillant et insatiable que je le suis en ce moment.
Pendant un long moment, je laisse faire mon imagination sans vraiment réfléchir. De caresses en baisers et de baisers en murmures de jouissance, je fais l'amour à un corps que j'imagine être quelqu'un d'autre. Puis vient l'instant de réalisation, inopiné. La douche froide de la réalité. Je n'ai aucune idée de pourquoi cette idée me traverse l'esprit à ce moment précis, mais je ne peux que constater sa véracité. J'utilise Shikamaru pour assouvir mes envies malsaines. Avec un frisson d'horreur, je m'écarte soudain du brun en marmonnant une flopée d'insultes à mon encontre.
— Quoi, tu t'es enfin aperçu que ce n'était que moi ? Pas trop déçu ?
Après avoir cherché à tâtons mes lunettes pour les remettre sur mon nez, je peux enfin voir le regard indifférent de Shikamaru. Il m'énerve, il m'exaspère, il m'horripile ! Il a déjà tout compris depuis belle lurette, mais il s'en tamponne royalement le coquillard ! Mon sang bouillonne dans mes veines, et sans réfléchir, je me mets à crier ce qu'il me passe par la tête.
— Putain, mais pourquoi tu dis rien, aussi ? Pourquoi tu te laisses faire alors que ton intelligence hors du commun sait déjà que je pense à quelqu'un d'autre depuis l'instant-même où t'es rentré chez moi ? Ça t'amuse de servir de faire-valoir ?
Et pendant que je poursuis mon monologue sans queue ni tête, Shikamaru reste à m'observer d'un œil morne, avant de se décider à prendre une clope dans son paquet et à l'allumer. Il ne m'écoute pas. Je saute du lit, les nerfs à vif et les dents serrées à m'en briser la mâchoire. Et le pire, c'est que je ne sais même pas pourquoi je suis si énervé.
— Ça a pourtant toujours été clair entre nous, si je ne m'abuse ? Zéro sentiments. Je ne vois pas en quoi penser à un autre viendrait à l'encontre de ce qu'on a décidé. énonce-t-il avec un ton monocorde digne d'une intelligence artificielle.
Encore une fois, il a raison. Je n'arrive même pas à trouver cela énervant ; je suis uniquement lassé de ne pas parvenir à me comprendre moi-même. Pourquoi donc est-ce que je me suis imaginé faire l'amour avec Sasuke ? Jamais une chose pareille ne m'était arrivée auparavant. Est-ce parce que ma raison m'interdit de ressentir quoi que ce soit de positif à son égard ? Il me semble un jour avoir entendu parler d'une théorie fumeuse à propos de la violence des désirs réprimés, ou quelque chose dans ce genre-là. Cerveau de merde…
Après quelques explications vaseuses, Shikamaru comprend que je préfère rester seul et s'en va sans demander davantage d'explications. Cependant, dès que la porte d'entrée claque dans son dos, ce n'est pas du soulagement que je ressens, mais une profonde culpabilité. Je crois qu'un point sur mes relations sentimentales s'impose, ou je vais finir chez les fous… Mais plus tard. Il est à peine neuf heures, pourtant je suis fatigué comme si j'avais passé ma journée entière à courir. Après avoir pris une douche rapide mais brûlante, je me glisse sous mes draps à moitié défaits, et entreprends de trouver le sommeil.
Un sourire immensément sincère, peint sur un visage doux et bienveillant. C'est la première chose que je vois. Puis je prends conscience de mon corps. Je me sens plus petit que d'habitude, plus faible également. Est-ce normal ? Je n'en ai aucune idée. En jetant un coup d'œil autour de moi, je me rends compte que je suis assis dans le sable. Non loin, quatre tours ont été reliées par un chemin de ronde approximatif, jetant les bases d'un château fort qui attend d'être achevé. Un seau en plastique vert traîne à quelques pas de moi, et une main minuscule tient la pelle qui va avec. Je mets un certain temps à réaliser qu'il s'agit là de ma propre main. Je suis donc retombé en enfance ?
Peut-être bien. Sans vouloir réellement répondre à cette question, je continue d'observer ce qu'il se passe autour de moi. Un homme, à l'air rassurant, me regarde comme si j'étais la prunelle de ses yeux. Ses lèvres bougent doucement mais je n'entends pas le moindre son. On dirait qu'il chante une chanson. Il me tient… le genou ?
Mes yeux tombent sur une écorchure qui saigne légèrement, et tout devient soudain clair – presque trop. J'entends une voix douce fredonner que tout va bien, je perçois les cris d'autres enfants autour de moi, je sens le sable sous mes mains et mon genou qui me pique tandis que mon père désinfecte l'égratignure. Je m'appelle Naruto, j'ai trois ans à peine, et ceci est le dernier jour que j'ai passé en compagnie de mon papa avant qu'il ne soit porté disparu. Cet homme, si affectueux, ne m'a pas uniquement donné la couleur de ses yeux ou celle de ses cheveux, mais également son amour incommensurable. Et il me manque…
* Figure de style. Lie deux éléments différents par un même verbe. Exemple : J'ai perdu mes clefs et vingt euros.
La suite la semaine prochaine, merci d'avoir lu !
Je précise quand même qu'en temps normal, il n'y a pas vraiment de bureau à proprement parler pour les chefs de gangs et que les planques sont généralement éparpillées chez les membres et non réunies en un seul lieu. Mais voilà, il y a des fois où je n'ai pas envie d'être à 100% réaliste !
N'hésitez pas à laisser une review, même petite. Ça fait toujours plaisir, et ça m'encourage à continuer. Sans avis, j'ai l'impression d'écrire pour les murs et ce n'est pas très plaisant. Bonne journée / soirée / ce que vous voulez, à tous !