A/N: Bonne lecture! N'hésitez pas à laisser une review car c'est un peu le désert! lol
Chapitre 4
Hideyuki émergea lentement de sa torpeur. Il avait la tête lourde, la nausée, et son corps semblait fait de plomb. La surface sur laquelle il était allongé était dure et froide, et il frissonnait. Il essaya de bouger, mais il se rendit compte que des cordes lui enserraient les membres. Il était ligoté!
D'un coup il ouvrit les yeux. La pénombre régnait, mais il pouvait voir la lueur des étoiles à travers une étroite fenêtre située à trois mètres de hauteur. Autour de lui, diverses masses saucissonnées comme lui le rassurèrent sur l'état de ses compagnons d'armes. Il s'assit tant bien que mal et chercha du regard un objet ou une aspérité qui pourrait l'aider à trancher ses liens. Mais la cellule dans laquelle ils étaient, faite de béton au sol et aux murs, ne recelait aucune possibilité.
Sans se décourager, il prêta attention à ce qui l'entourait. Les respirations régulières de sa soeur à côté de lui et de Masao derrière lui indiquèrent qu'ils dormaient profondément. Le gaz, certainement. Ils avaient été surpris alors que le bâtiment commençait à prendre feu. La grenade était venue de l'intérieur, et les hommes qui n'avaient pas été blessés par leurs pièges les avaient emmenés et jetés à l'arrière d'un camion alors qu'ils étaient au sol. Après ça, il ne se souvenait plus de rien.
La porte de leur cellule était en bois et avait l'air épaisse, mais la serrure, rouillée, présentait des signes de faiblesse. Mais avant la porte, il fallait s'occuper des liens! Tout en se tortillant pour essayer de desserrer les cordes qui lui coupaient la peau, il vérifia qu'aucune caméra n'épiait leurs mouvements. Rien. Et en plus, se dit-il avec un petit sourire, ces truands avaient commis une belle erreur en les enfermant ensemble.
De l'autre côté de Natsumi, la silhouette imposante de Genzo remuait, et Hideyuki lui parla.
_ Ça va, Gen?
_ Ouais, ça va. Je suis ligoté.
_ Pareil. Et c'est bien serré. Mais il faut qu'on se tire d'ici. Tu as quelque chose pour te libérer?
_ J'ai laissé ma montre dans la chambre, pesta le fils d'Umibozu. J'ai une lame de rasoir cachée dedans, mais là, tout de suite, ça me fait une belle jambe!
_ Rien non plus, dit Masao, la voix encore ensommeillée. Mon père va me tuer. Depuis le temps qu'il me rebat les oreilles avec sa lime à ongles dans la doublure d'un pantalon!
_ J'ai un câble d'acier dans mon bracelet de poignet, se rappela Hideyuki, mais je l'ai enlevé pour jouer à Call of! Mais quel crétin je fais!
_ Je ne vous félicite pas, les garçons, s'éleva la voix de Rumiko. Heureusement que moi j'écoute tante Kasumi!
_ C'est-à-dire? s'enquit son frère.
Rumiko ne répondit pas, mais Hideyuki la voyait se contorsionner sur le sol, et au bout d'une minute, les liens de la jeune fille s'affaissèrent. Elle se redressa, frotta ses articulations, libéra ses chevilles, et se leva. Dans sa main, Hideyuki vit briller une lame de canif.
_ Super, Rumiko? Où est-ce que tu planquais ça?
_ Dans la gourmette que tante Kasumi m'a offerte. C'est elle qui m'a montré comment m'en servir. J'ai fait cet exercice plusieurs fois avec elle.
_ Et pourquoi ce traitement de faveur? demanda Masao, quelque peu jaloux.
_ Parce que c'est ma marraine, dit Rumiko, s'attaquant aux liens de Natsumi après avoir libéré son frère. Natsumi, tu m'entends?
_ Hmmmmh, émit la soeur de Hideyuki qui commença à s'inquiéter.
Natsumi était beaucoup plus petite qu'eux en termes de morphologie, et Hideyuki redoutait qu'elle n'ait inspiré trop de gaz par rapport à sa taille comparé à eux. Mais il s'inquiétait pour rien. Dès qu'il fut libre à son tour, il se précipita à ses côtés pour constater qu'elle émergeait doucement. Il ne put s'empêcher de lui caresser la joue, rassuré par son état.
_ Ça va, Natsumi? Comment tu te sens?
_ Fatiguée et nauséeuse, répondit-elle faiblement. Mais je veux rentrer à la maison.
_ Et c'est ce qu'on va faire, lui assura-t-il avec un sourire pour la rassurer. Rumiko, peux-tu crocheter la serrure de la porte avec ta lame?
_ Je vais essayer.
La fille Ijuin se planta devant la lourde porte et s'escrima pendant quelques minutes, puis elle finit par jurer.
_ Rien à faire, ma lame est trop courte. Je n'arrive pas à atteindre le pêne!
_ Quelqu'un a une idée? demanda Masao, l'air sombre.
Hideyuki réfléchissait. Il n'entendait aucun garde de l'autre côté de la porte, donc impossible de ruser. Pas d'instrument assez long pour la serrure. Aucune arme sur eux, évidemment. Et aucun bélier. Sauf peut-être...
_ Natsumi? lui demanda-t-il d'une voix mal assurée. Est-ce que... tu... pourrais te servir... d'une massue?
Natsumi le regarda un long moment. Il savait que le mystère des massues demeurerait entier pour lui, c'était quelque chose qui était réservé à leur mère et à sa soeur. Mais si seulement elle pouvait en faire apparaître une, alors ils pourraient sortir d'ici.
_ C'est un cas de force majeure, se justifia-t-il. Si tu sors une massue, Genzo pourra s'en servir pour défoncer la porte, et...
_ Ça ne marche pas comme ça.
Il se tut. Natsumi s'était relevée et examinait la serrure rouillée d'un air pensif. Elle poursuivit:
_ Je ne te dirai pas comment ça fonctionne, mais seules les femmes peuvent se servir de massues. Rumiko n'en a jamais eu besoin, donc elle ne peut pas non plus. Je suis la seule à pouvoir le faire.
_ Mais, Natsumi... commença Genzo. Tu n'as que sept ans! Comment pourrais-tu défoncer une porte aussi épaisse? Même moi, j'aurais du mal!
_ N'oublie pas que ma mère peut défoncer des murs très épais, lui rappela-t-elle, se concentrant visiblement. Je peux y arriver. Si j'arrive à mater mon père, alors cette porte ne pourra pas me résister.
Hideyuki garda le silence. Il doutait encore que sa soeur puisse réaliser pareil exploit, mais en même temps il la connaissait très bien, mieux que leurs parents, même. Car Natsumi, timide comme leur mère, ne se confiait qu'à lui, et pas à Rumiko, pourtant sa meilleure amie. Et quand elle voulait vraiment quelque chose...
_ Alors pense à Papa et Maman, lui souffla-t-il d'un coup. Pense à eux!
Natsumi ne lui jeta pas un regard, mais à son froncement de sourcils il vit qu'elle avait entendu. Elle ferma les yeux, et lorsqu'elle les rouvrit, son regard était devenu glaçant. D'un seul coup, une énorme massue 1 000 tonnes estampillée "Libérée Délivrée" apparut dans ses mains, et elle l'abattit violemment contre la serrure de la porte.
Un grondement de tonnerre résonna dans la cellule, le bois de la porte éclata, et la serrure fut projetée vers l'extérieur. Hideyuki l'entendit rebondir contre un mur et tomber au sol. Natsumi fit disparaître sa massue et poussa la porte d'une main tremblante. Celle-ci s'ouvrit en grinçant.
_ Tu... tu as... réussi... balbutia-t-il, sous le choc.
Natsumi lui sourit, puis ses yeux se révulsèrent. Elle s'affaissa sur elle-même et allait s'écrouler au sol quand Genzo la rattrapa habilement.
_ Natsumi! s'écria son frère, très inquiet.
_ Ne t'en fais pas, lui dit Masao qui examinait sa cousine. Elle a simplement perdu connaissance. C'était un sacré coup, ce qu'elle nous a fait là. Après le gaz, c'est normal qu'elle tombe dans les pommes.
_ C'est vrai, admit Hideyuki.
Il se tut. Au loin il entendait du remue-ménage, la cavalerie allait bientôt débarquer.
_ Les amis, je propose de lever le camp. Ils ne vont pas tarder.
_ On te suit, dit Rumiko.
Il se dirigea aussi silencieusement que possible vers le bout du couloir, où il apercevait un escalier qui montait, et grimpa les marches comme un félin, trois ombres aussi silencieuses que lui sur ses talons. Genzo portait Natsumi sur ses épaules comme un fétu de paille, il ne paraissait pas en être le moins du monde gêné.
Ils arrivèrent dans un grand hall sans fenêtres aux murs de pierre, comme dans un vieux château. Sur leur gauche, Hideyuki vit une sorte de salle de contrôle bourrée d'ordinateurs, et sur leur droite ce qui ressemblait à une armurerie. Les bruits de pas provenaient du couloir devant eux. Il prit sa décision en un éclair.
_ Rumiko et Masao, vous êtes les geeks du club! À gauche, allez récupérer ce que vous pouvez pour tante Saeko. Gen et moi, on va à l'armurerie et on vous prendra de quoi jouer. Camouflez-vous et pas un bruit! Ils passeront tout droit.
Trois hochements de tête lui répondirent, puis il suivit Genzo dans la salle de droite. Il repoussa la porte derrière lui et attrapa la première arme qui lui tombait sous la main. Un Glock. La poisse, pensa-t-il. Un pistolet, ça s'enrayait facilement, contrairement à un revolver.
Quelques secondes plus tard, une demi-douzaine d'hommes passèrent dans le couloir, se dirigeant vers leur cellule. Ils n'avaient qu'une ou deux minutes devant eux. Genzo vint à ses côtés et lui tendit trois autres Glock.
_ Il n'y a que ça, dit-il sombrement. Mais j'ai pris un truc sympa pour Rumiko. Et Masao va pouvoir faire joujou. Allons-y.
Hideyuki le suit, armant son pistolet, et ils se retrouvèrent nez à nez avec leurs cousins.
_ On a pris de quoi occuper tante Saeko jusqu'à la fin de l'année, sourit Masao en empoignant ses deux Glock.
_ Tiens, Masao, dit Genzo, lui tendant un sac de toile. Cadeau.
_ Des grenades, chouette! se réjouit le fils de Mick, un sourire carnassier aux lèvres. Et si j'en balançais une tout de suite?
_ Non, intervint Rumiko, l'oeil brillant. On ne peut pas se permettre de faire s'écrouler le bâtiment, pas tant qu'on est encore à l'intérieur. Laisse-moi faire.
Elle se posta en haut des marches, visa l'endroit d'où ils étaient venus avec le lance-roquettes que lui avait remis son frère, et tira. Les jurons de rage qui provenaient d'en bas se transformèrent en cris de panique quand les murs tremblèrent et quer les pierres commencèrent à pleuvoir.
_ On bouge! cria Hideyuki.
Ils continuèrent à courir vers ce qu'ils espéraient être la sortie, et après avoir franchi une nouvelle porte, ils déboulèrent dans un vaste hall élégant, couvert de tapis brodés et parés de meubles anciens et d'antiquités en tout genre. Tout suintait le fric pourri, se dit Hideyuki, regardant autour de lui. En face d'eux, deux autres portes fermées. À gauche, une grande porte qui devait donner sur l'extérieur. À droite, un escalier monumental en marbre, conduisant à l'étage entouré d'une galerie. Et sur la galerie...
_ À couvert!
Tous les enfants se jetèrent derrière des meubles épais, des statues ou des pièces d'armure, juste à temps. Un feu nourri provenant d'au-dessus les accueillit, et Hideyuki se dit qu'avec leurs Glock, ils ne jouaient pas dans la même cour que ces vauriens armés de fusils mitrailleurs.
_ Alors, les jeunes? se moqua une voix que le garçon reconnut comme étant celle du chef. Vous voulez déjà partir? Mais nos invités ne sont pas encore arrivés! Pas question de vous éclipser avant!
_ Les chiens! ragea Genzo près de lui, déposant Natsumi au sol qui reprenait peu à peu conscience.
_ Il parle de nos pères, réalisa Rumiko d'une voix blanche. Mais qu'est-ce qu'on a fait? À cause de nous, ils vont se faire tuer!
_ On se calme! dit Hideyuki, voulant garder la tête froide. Personne ne se fera tuer, pour la bonne raison qu'on va se barrer avant qu'ils arrivent!
Il se concentra. Il compta cinq hommes. Cinq, un pour chacun. Mais sa soeur n'était pas armée. Alors il en prendrait deux. Il jeta un coup d'oeil en biais vers Masao et Genzo qui approuvèrent de la tête. Mais une soudaine déflagration les fit basculer vers l'arrière.
La pièce se remplit de poussière et de gravats. Toussant, Hideyuki se redressa. Sa tête lui tournait, et il sentait un liquide poisseux couler le long de sa joue. Mais il n'avait pas le temps de s'en soucier. Il tira sa soeur à l'abri derrière une statue de taureau qui avait perdu sa tête, et vit ses cousins faire de même derrière une statue équestre d'un roi occidental quelconque, à trois mètres d'eux.
_ Natsumi, ça va? s'inquiéta-t-il.
_ Je n'ai rien, répondit-elle en tournant son regard vers lui. Mais... Hide, tu es blessé!
_ Ce n'est rien, lui assura-t-il, repoussant sa main qui avait déjà sorti un mouchoir. Que s'est-il passé?
_ Regarde, lui indiqua Masao en pointant son doigt vers l'escalier.
Un énorme trou était apparu dans le sol, soufflant les marches et une bonne partie de la pièce. Apparemment, un demeuré congénital avait réussi le tour de force de se faire sauter avec un bazooka, sûrement en essayant de les viser, car au milieu des ruines il pouvait distinguer le canon de l'arme et ce qu'il restait des jambes du type.
À l'étage, les quatre hommes restants se relevaient en grognant. Il fallait agir vite.
_ Hide! appela Rumiko avec angoisse.
Ce dernier se tourna vers elle, et son coeur s'arrêta de battre un instant. Appuyé contre le socle de la statue, Genzo était pâle, tandis que Masao lui faisait un garrot autour de la cuisse avec un pan de sa chemise. Rumiko appuyait de toutes ses forces avec son gilet rougi de sang sur la blessure de son frère, qui avait l'air sérieuse. Hideyuki, très inquiet, fut heureux que Masao ait une infirmière pour mère et sache pratiquer des soins d'urgence. Genzo ne mourrait pas ce soir. Pas question!
_ Toujours en vie, les enfants? retentit la voix du chef, un poil moins assurée qu'auparavant. Ne mourez pas tout de suite, ce serait dommage. Attendez que vos géniteurs soient là. Ce sera un beau cadeau de notre part. Hahahahahaha!
Hideyuki sentit une rage inconnue et immense le balayer, emportant sa peur et sa raison. Ce type allait morfler! Il se pencha vers sa soeur et lui dit:
_ Va avec Rumiko, et faites sortir Genzo. Cachez-vous et prenez soin de lui.
_ Et toi, grand frère? lui demanda Natsumi avec angoisse.
Il échangea un regard lourd de sens avec Masao qui lui fit un clin d'oeil, et dit d'une voix qui ne souffrait aucune réplique:
_ Masao et moi, on a du nettoyage à faire.