Note: Bonjour à tous! Voici la suite des péripéties du club des cinq de Shinjuku! En espérant que cela vous plaise! Pour la traduction du tigre d'argent en japonais, je ne suis pas vraiment sûre de mon coup, mais bon... ;) Bonne lecture!

Chapitre 1

_ Foutue veste! Le col est encore trop serré!

Hideyuki pestait contre sa veste d'uniforme, noire et au col montant qui l'étranglait. Il avait grandi de dix centimètres en un mois et ses vêtements le lui faisaient savoir, mais son nouvel uniforme n'était pas encore arrivé, la boutique étant en rupture de stock.

_ Détends-toi, Hide, lui dit calmement Masao, les bras derrière la tête et marchant d'un pas décontracté, son cartable dans son dos. Plus que deux jours à attendre. Et tu peux ouvrir ton col le long du chemin, ce sera toujours ça de gagné.

_ Tu parles! Si je fais ça, je ne pourrai jamais le refermer, et je me prendrai encore une heure de colle. Et j'ai déjà donné, à cause de toi, je te rappelle!

_ Oh, ça va! Ça valait le coup, non? La prof de japonais a eu ce qu'elle méritait!

_ Vous n'êtes que des gamins immatures, grogna Genzo derrière eux, les dominant de toute sa taille. Vous feriez mieux d'être un peu sérieux dans vos études.

_ Pas besoin, Gen, répliqua Hideyuki d'un ton mordant. Pour mon futur métier, mes études à l'école ne me sont d'aucune utilité.

_ Que tu crois! Être nettoyeur demande un minimum de cervelle, figure-toi. Je pensais que ton père te l'aurait dit. Même s'il n'est pas toujours une lumière, il sait faire fonctionner sa matière grise parfois.

_ Tu l'auras voulu, Gen! rugit Hideyuki, furieux, qui jeta au loin son cartable et dégrafa son col d'un air rageur avant de se jeter sur son cousin. Je t'ai déjà dit de ne pas dire du mal de mon père!

_ Ça suffit! hurla une petite voix fluette qui, aussi incroyable que cela puisse paraître, stoppa net le jeune homme dans son attaque.

La voix en question appartenait à une petite fille, haute comme trois pommes, qui pourtant avait l'air extrêmement menaçante, au point de faire se recroqueviller les trois garçons lorsqu'elle s'approcha d'eux, suivie par sa cousine Rumiko, la petite soeur de Genzo. Natsumi, la soeur de Hideyuki, lui rendait trente centimètres et trente kilos, mais c'était elle la force herculéenne de la famille. Même Genzo, du haut de son mètre quatre-vingt-dix et ses cent kilos, recula d'un pas, méfiant. La petite Saeba avait de qui tenir, et savait manier les massues aussi bien, sinon mieux, que sa mère. Et présentement, elle n'était visiblement pas loin d'en sortir une.

_ Non mais ça va pas! Vous voulez vous battre en pleine rue? Sur le chemin de l'école? Hide, tu te calmes immédiatement et tu te réajustes, sinon le directeur va t'allumer! Et toi, Genzo, tu nous présentes tes excuses! Nous on ne se permet pas d'insulter ton père, alors je te prie de nous retourner la politesse!

_ Pardon, Hide, Natsumi, dit le géant, rougissant violemment et fumant par les oreilles, ressemblant de façon frappante à son colosse de père.

Hideyuki, n'en menant pas large, alla récupérer son cartable ramassé par Rumiko puis essaya de reboutonner son col, mais sans succès.

_ Approche, lui dit sa cousine, tendant la main vers lui.

Il rougit, pas autant que Genzo mais pas loin, et se laissa faire. Rumiko n'était qu'à quelques centimètres de lui tandis qu'elle s'escrimait sur son col, et sa proximité le rendait tout chose. Depuis leur mission sur les docks et au château contre les dealers de drogue quatre ans auparavant, mission qui avait créé leur club des cinq nettoyeurs, ou plutôt aspirants nettoyeurs, elle l'avait frappé par sa détermination et son sang-froid.

Il la revoyait, tranquille comme Baptiste, tirer au lance-roquette sur leurs ennemis et s'occuper de son frère blessé sans tiquer. Elle lui avait paru si forte à ce moment-là, et si belle. Mais il avait eu d'autres chats à fouetter pour alors, et il était lui-même sonné. Mais depuis il la voyait d'un autre oeil, il se sentait étrangement gauche et mal à l'aise en sa présence, qu'il recherchait pourtant par tous les moyens.

Sa soeur lui lança un regard amusé et complice tandis que les doigts de Rumiko, s'escrimant toujours sur son agrafe de col, lui frôlaient le cou et le menton, le faisant rougir de plus belle et sa température interne grimpant dangereusement. Natsumi savait, évidemment, ils n'avaient aucun secret l'un pour l'autre, même si ce secret-là, il aurait bien voulu le garder pour lui. Mais ils étaient plus que frère et soeur, ils étaient véritablement deux âmes soeurs, et elle avait tout deviné au premier regard qu'elle lui avait jeté une fois de retour au Cat's Eye après leur mission.

_ Voilà, ça y est, dit Rumiko, s'écartant enfin de lui et lui adressant un petit sourire. Tu es parfait, Hide!

_ Je ne dirai pas ça, Rumiko, se moqua Masao, avisant son cousin passant encore une fois le doigt dans son col. On dirait un chat de gouttière auquel on a passé un collier pour la première fois.

_ La ferme, Masa! Je ne t'ai pas sonné!

_ On va être en retard, commenta Genzo d'un ton neutre, ayant retrouvé son impassibilité.

Les deux filles reprirent la tête du convoi et se dirigèrent vers leur collège. Elles étaient toutes deux en première année, ayant toutes deux douze ans, tandis que les trois garçons, âgés de quinze ans, étaient en dernière année. Ils se retrouvaient tous au même endroit, ce qui inquiétait quelque peu les parents des enfants terribles, et en particulier les trois pères, qui savaient de quoi leurs rejetons étaient capables ensemble.

Mais depuis ce fameux jour, le calme plat, ou tout du moins aussi plat que puisse être une vie dans une famille de nettoyeurs. Chez les Saeba, se remémora Hideyuki, il n'y avait eu que cinq enlèvements de leur mère, trois de Natsumi et un pour lui. Leur père avait été blessé deux fois mais des égratignures à chaque fois, et ils avaient dû affronter sept têtes brûlées et deux petits clans de yakuzas sans envergure. Bref, pas de quoi fouetter un chat, même de gouttière.

Mais il n'était pas tranquille. Il sentait que quelque chose se profilait, et son père également. Ryo Saeba avait beau avoir quarante-sept ans, il était toujours aussi affûté et son instinct le trompait rarement. Et Hideyuki savait que leur mission sur les docks, là où ils avaient détruit une grosse quantité de drogue, n'avait été que le début. Le réseau n'était pas démantelé, leur tante Saeko n'avait pas pu remonter jusqu'au grand patron, et ce dernier était certainement en train de peaufiner sa vengeance.

Devant lui Natsumi se retourna et ils échangèrent un regard. Elle pouvait voir les auras des gens, et il supposa qu'elle avait noté son changement d'humeur. Son aura habituelle était bleu nuit selon elle, car depuis qu'il avait causé la mort d'autres hommes elle avait changé de couleur, mais quand il était préoccupé elle virait au violet, et il savait que Natsumi s'en inquiétait.

Il lui adressa un sourire rassurant et essaya de se concentrer sur autre chose. Devant lui également il voyait Rumiko, son balancement de hanches, sa jupe au-dessus du genou qui lui dévoilait un galbe qui...

Stop! se morigéna-t-il tandis qu'il sentait le rouge qui lui montait aux joues. Rumiko n'a que douze ans! Elle ne pense pas encore à ce genre de choses! Alors arrête, espèce de pervers lolicom!

Natsumi se retourna de nouveau, mais cette fois elle pouffait de rire. Il lui adressa un regard noir, car il savait que son aura avait dû encore virer, mais cette fois elle devait être rose bonbon. Maudite Natsumi! Son don était bien utile, mais parfois extrêmement embarrassant, comme à cet instant précis.

_ Eh, grommela Masao à ses côtés, le tirant de ses pensées. Qu'est-ce que c'est que cet attroupement?

Hideyuki regarda au-delà des filles devant lui et vit qu'en effet, une foule compacte d'élèves était agglutinée devant le portail de leur collège. Genzo les renseigna, lui voyait au-dessus de toutes les têtes.

_ Ils regardent une énorme affiche, à droite de l'entrée.

Hideyuki avait la vue la plus perçante. Arrivé à dix mètres du portail, derrière les derniers élèves se bousculant, hystériques, il avisa l'affiche et la lut à haute voix:

_ Avis à tous les élèves! Une grande compétition sportive sera organisée au collège dans trois jours, dans toutes les disciplines sportives. Les meilleurs de chaque discipline se verront offrir une récompense de 250 000 yens chacun (environ 2000 €, NdA), une bourse d'études et un weekend dans un palace privé de Tokyo, offerts par notre généreux mécène. Bonne chance à tous!

_ Eh bé, commenta Masao, ceci explique cela. Rien que pour la bourse d'études ça vaut le coup. Tu m'étonnes que tout le monde soit dingue!

_ Moi ça ne me plaît pas, dit Hideyuki, échangeant de nouveau un regard, sombre cette fois, avec sa soeur. C'est trop beau. Qui est ce fameux mécène?

_ Torakin Ltd, lut Genzo. Jamais entendu parler.

_ Le tigre d'argent? s'étonna Rumiko. Drôle de nom pour une entreprise.

_ Je ne te le fais pas dire, dit Natsumi, l'air grave. Ça sonne plutôt comme une organisation criminelle.

_ Et alors? dit Masao, fronçant les sourcils. Qu'est-ce qu'on peut faire? On ne va quand même pas laisser de stupides spéculations nous empêcher de participer, non?

_ Je n'ai pas dit ça, dit Hideyuki, son humeur s'assombrissant et vérifiant que personne ne pouvait les entendre. Mais avoue que la coïncidence est étrange. Comme par hasard, une compétition inédite financée par un mécène inconnu au nom d'organisation mafieuse se déroule dans le collège où comme par hasard cinq enfants de nettoyeurs effectuent leur scolarité.

_ D'autant plus que les cinq enfants en question sont réputés pour être les meilleurs dans leurs disciplines sportives respectives, renchérit Natsumi, la mine grave. Je n'aime pas ça du tout.

_ La cloche va sonner, dit Rumiko, consultant sa montre. Rendez-vous à l'endroit habituel pour déjeuner, on en reparlera à ce moment-là.

Tous hochèrent la tête, et les adolescents pénétrèrent dans l'enceinte de leur établissement. Les filles, qui étaient dans la même classe, se dirigèrent vers le premier bâtiment. Les garçons se séparèrent devant le deuxième. Hideyuki et Masao, également dans la même classe, avaient cours d'anglais, tandis que Genzo commençait par le sport. Comme d'habitude il laisserait ses adversaires sur place à la course, sourit Hideyuki, voyant les têtes des camarades de classe de son géant de cousin. Il faisait une foulée quand les autres en faisaient trois.

Lui et Masao grimpèrent les deux étages quatre à quatre, la cloche sonnait et ils allaient être en retard s'ils ne se dépêchaient pas. Ils s'engouffrèrent dans la classe juste avant que Monsieur Nakazawa ne ferme la porte, et ce dernier les tança vertement. Mais Hideyuki n'en avait cure. Il réfléchissait.

À l'heure du déjeuner, les cinq compères se retrouvèrent dans le coin le plus éloigné de la cour, sous un cerisier rabougri. Personne n'aimait se rendre dans ce coin de cour car le bâtiment derrière eux était abandonné et tombait en ruines, donnant à l'endroit un aspect sinistre à souhait, mais ils y étaient tranquilles, et c'est ce qu'ils recherchaient. Ils n'étaient pas asociaux, mais ils évitaient les autres élèves, trop immatures et innocents pour leur monde obscur. Eux avaient déjà vu la mort en face et se battaient au quotidien pour la survie de leur famille, alors parler de Pokémon ou de mangas ou d'idoles éphémères à longueur de journée n'avait aucun intérêt pour eux.

Sortant leur bento, ils commencèrent par manger en silence, comme à leur habitude. Il valait mieux manger avant toute chose, reprendre des forces pour parer à toute éventualité. Encore une déformation familiale que les autres ados normaux ne pouvaient pas comprendre. Une fois les en-cas avalés, Rumiko attaqua.

_ J'ai entendu les filles de ma classe. Le patron de Torakin est le père d'un garçon de deuxième année, Taro Iwagaki. Son père, Tetsuo Iwagaki, est dans l'import-export.

_ Comme par hasard, souffla Hideyuki, pas plus surpris que ça. Natsumi?

_ J'ai repéré ce Taro Iwagaki en passant, dit-elle avec une grimace de dégoût. Un sale petit rat avec une aura couleur de boue, un caïd des bacs à sable. Mais il ignore tout de ce que son père fait, j'en mettrais ma main au feu.

_ Genzo?

_ Tout le monde ne jure que par cette compétition. Ça va être dur de faire annuler ça.

_ Masao?

_ Tu l'as entendu comme moi, Hide, répondit le blond, agacé. Tous les élèves veulent briller pour la bourse, et la plupart ne cracheraient pas sur l'argent non plus.

_ Et le weekend, alors? s'enquit Rumiko.

Toutes les têtes se tournèrent vers elle. Elle haussa les épaules, pas déstabilisée pour deux sous.

_ Vous ne trouvez pas ça étrange? Un weekend dans un palace. On offre ça à des couples, non? Pourquoi à des élèves?

_ Tu as raison, Rumi, dit Hideyuki, se rendant à l'évidence. La bourse, c'est pour appâter, l'argent pour ferrer. Et le weekend...

_ C'est pour tuer, compléta Masao, perdant son air insouciant. Tu crois que nous sommes spécifiquement visés?

_ J'aimerais me tromper, avoua le jeune homme, inquiet. Mais j'ai cette intuition...

Personne ne remit en question son jugement. Ils le connaissaient trop bien. Genzo résuma la situation, roulant en boule sa serviette en papier:

_ Bon, qu'est-ce qu'on fait?

_ On participe, dit Masao immédiatement. Il faut tirer cette histoire au clair.

_ Mais si nous sommes visés... commença Rumiko, fronçant les sourcils.

_ On n'a pas le choix de toute façon, soupira Natsumi, triturant un brin d'herbe à ses pieds. Si aucun de nous ne participe, alors que nous sommes les meilleurs en sport de tout le collège, on attirera forcément l'attention sur nous.

_ Donc on est coincés, dit Genzo calmement. Hors de question d'attirer l'attention sur nous. Déjà qu'on est sous surveillance du directeur...

_ Et la faute à qui? s'énerva Masao, piquant un fard. À cause de toi le prof nous a grillés dans la salle de repos! C'est à cause de toi que Hide et moi sommes collés pendant trois mois!

_ Si vous n'aviez pas décidé de fixer au sol les chaises de la salle de repos des profs, vous ne seriez pas collés, répondit dédaigneusement le géant. Ce n'est pas ma faute si vous n'avez pas été foutus de détecter l'aura du directeur. Et la prof de japonais s'est fait mal au coccyx. Tout ça pour un pari idiot avec cet âne de Takahara.

_ Tu étais censé faire le guet!

_ J'avais dit non! Alors ne viens pas te plaindre, Angel!

_ Genzo Ijuin, je me vengerai, d'une manière ou d'une autre! Et si...

_ Assez! intervint Hideyuki, lassé. Masa, on a été stupides, on s'est fait griller, on assume. Ça n'est pas la faute de Gen. Concentrons-nous plutôt sur le problème devant nous.

_ Il n'y a pas de problème, dit Masao, piqué au vif. Le club des cinq va reprendre du service, c'est tout.

_ Et nos pères? demanda Rumiko, sceptique. Tu crois qu'ils nous laisseront faire?

_ Il est temps de toute façon, Rumi, dit Hideyuki gentiment, la fixant droit dans les yeux et ravi de la voir rougir quelque peu. On arrive à la fin du collège, Masa, Gen et moi. Je ne vais pas aller au lycée pour chauffer les bancs, d'autant plus que mes parents n'auront pas les moyens de m'y envoyer. Il est temps.

_ Mais Papa ne...

_ Je verrai ça avec lui, Natsumi, coupa-t-il sa soeur doucement mais fermement. On en parlera ce soir.

_ Ça va être coton, ronchonna Masao, dépité. Maman ne veut pas en entendre parler, et Papa s'écrase devant elle. Je ne sais pas comment je vais faire. Moi non plus je n'irai pas au lycée.

_ Et moi non plus, dit à son tour Genzo. Mais pour moi mes parents se sont fait une raison. Ils sont ex-mercenaires tous les deux, ils peuvent difficilement me dire de faire autre chose de ma vie que nettoyeur.

_ Tant mieux pour toi, Gen, émit doucement Hideyuki, se levant, imité par ses cousins et sa soeur. On verra demain ce qu'il en sera. En attendant, on a cours de japonais.

_ Et nous mathématiques, dit Natsumi avec un sourire.

_ Et moi géographie, dit Genzo avec indifférence.

_ On se retrouve à la sortie des cours, le club des cinq, dit Hideyuki. En attendant, vigilance constante.

Tous sourirent à la référence, ce qui détendit quelque peu l'atmosphère. Mais lui était plus inquiet qu'il ne voulait le montrer. La confrontation avec son père s'annonçait houleuse.