Chapitre 21
Natsumi tournait en rond comme un lion en cage. Depuis son réveil, elle se sentait fébrile et agitée, comme si quelque chose se préparait. Bien sûr, c'était l'anniversaire de sa mère, mais ce qu'elle ressentait n'y était pas lié. En plus on était samedi, donc pas de collège pour se changer les idées. Elle devait réviser pour les examens de fin d'année et les concours d'entrée aux lycées auxquels elle avait postulé, mais aujourd'hui elle était tout bonnement incapable de se concentrer.
_ Arrête un peu de t'agiter comme ça, Natsumi, lui dit gentiment Kaori, tout en dépoussiérant le téléviseur. Que t'arrive-t-il?
_ Je ne sais pas, Maman, admit-elle, sourcils froncés. Mais je me sens... je ne pourrais pas te dire, mais...
_ C'est la fête de ce soir qui te rend si nerveuse?
_ Non, Maman. C'est autre chose. Au fait, tu as reçu le cadeau de Papa?
_ Oui, il y a une demi-heure. J'ai eu vraiment peur qu'il n'arrive pas à temps. J'espère que Ryo va aimer.
_ Il râle toujours pour la forme, mais il adore ses cadeaux. Surtout les tiens, Maman.
_ Là, c'est particulier, dit Kaori, l'air un peu préoccupée. Ton père a eu cinquante ans il y a cinq jours, ce n'est pas rien. Et il ne le vit pas très bien.
_ Je sais, soupira Natsumi. Vivement que Hide revienne.
_ Je n'aurais jamais pensé que Ryo puisse vouloir se retirer du milieu de lui-même, fit la nettoyeuse d'un air songeur. C'est quand même ironique, non? Il ne voulait pas que Hideyuki devienne comme lui, et au final il n'a qu'une hâte: que ton frère revienne et prenne sa place!
_ Oui, il a bien changé en trois ans, approuva la jeune femme de quinze ans. En mieux. Et le fait que Hide, Masa et Gen aient acquis une très bonne réputation aide beaucoup, également.
_ Mais je n'aime pas son surnom, dit Kaori en frissonnant. Le tigre de glace. Tu ne trouves pas ça bizarre, toi? De la glace pour quoi?
_ Tu sais, Maman, Masao est le tigre de feu et Genzo le tigre de fer. Je ne suis pas sûre que ce soit mieux. Et à mon avis, il est le tigre de glace à cause de son tempérament calme et impassible. Tout l'opposé du bouillant Masao, en somme.
_ Tu as sans doute raison, concéda la nettoyeuse en esquissant un sourire. J'aimerais tellement qu'il revienne!
Natsumi surprit le regard brillant de sa mère. Elle savait que cette dernière, pourtant peu habituée à dévoiler ses sentiments, souffrait en silence de l'absence de son fils, et l'entendre l'exprimer à haute voix lui disait à quel point l'attente presque sans nouvelles était difficile pour elle.
_ Allons, Maman, courage! Hide va certainement t'appeler tout à l'heure. Et puis on va bientôt recevoir une nouvelle carte, normalement. Il en poste une à chaque fin de mois.
_ Oui, c'est vrai, dit Kaori en essuyant une furtive larme. J'espère juste qu'il va bien.
_ Aucune raison d'en douter, fit Natsumi d'un ton léger qui masquait son propre souci. Il est bien accompagné, enfin a priori.
Elle fit une grimace qui ne trompa pas sa mère, très perspicace.
_ Ma chérie, je sais que tu es amoureuse de Masao et que tu attends son retour avec beaucoup d'impatience. Alors ne me la fais pas à moi. Tu n'as pas le talent de ton père pour l'esquive et les faux-semblants.
_ Je le prends comme un compliment! s'exclama Natsumi, ce qui fit rire Kaori.
Elle se dirigea vers l'entrée, enfila ses chaussures et son manteau et dit:
_ Je vais faire un tour, Maman.
_ Tu as la bougeotte? Pourquoi n'irais-tu pas à la clinique? Kazue apprécie beaucoup que tu lui donnes un coup de main quand tu le peux.
_ Pas aujourd'hui, Maman, déclina Natsumi avec un petit sourire. Je veux juste prendre l'air.
_ N'oublie pas d'être à dix-huit heures au Cat's, lui rappela la nettoyeuse, soucieuse pour sa fille mais retournant à ses tâches ménagères. Et fais attention à toi, ma puce.
_ Promis, Maman.
La jeune femme sortit de l'appartement, descendit les cinq étages et émergea à l'air libre, respirant à fond. Elle se sentait vraiment patraque et nerveuse en même temps, une drôle de sensation qui ne lui plaisait pas du tout. Et au final, songea-t-elle avec amusement, elle avait quand même esquivé les questions de sa mère.
Elle se mit en marche, saluant les quelques commerçants qui se tenaient devant leur boutique, essayant de faire le point sur ses sentiments. Kaori avait vu juste, bien entendu. Elle se languissait de son frère et de Genzo, bien sûr, mais surtout de Masao.
Elle avait passé les trois dernières années à l'attendre, et elle savait désormais qu'elle éprouvait de l'amour pour lui. Un amour naissant, encore loin de celui intense et fusionnel de Rumiko et Hideyuki, et loin derrière celui d'une intensité exceptionnelle entre ses deux parents, mais elle mettait du temps à analyser, assimiler et faire grandir ses sentiments. Et elle savait que Masao serait patient avec elle, si toutefois il ne l'avait pas oubliée.
Son humeur s'assombrit quelque peu. Il n'avait pas écrit, pas une seule fois, contrairement à Hideyuki qui donnait des nouvelles, certes sommaires, mais régulières. Même pour la naissance de sa petite sœur Mitsuki, il n'avait pas appelé ses parents. Hideyuki le lui avait annoncé à l'occasion de son coup de fil pour l'anniversaire de sa mère. Et elle se demandait s'il ne voulait pas couper les ponts d'avec sa famille. Peut-être voulait-il faire sa vie quelque part, loin d'eux, maintenant qu'il vivait en Amérique du Sud?
Cette pensée lui fit mal, et elle serra les poings. Autant il lui avait fallu du temps pour réaliser son amour pour lui et le voir grandir, autant elle savait d'instinct qu'il était irrémédiable. Elle était comme sa mère, entière et passionnée, et elle n'aimait et n'aimerait que lui. Alors si lui ne l'aimait plus...
Elle se rabroua mentalement, chassant ces sombres pensées, et regarda autour d'elle. Ses pas l'avaient conduite dans le quartier des hôtels d'affaires, là où elle aimait bien déambuler au milieu des cadres, hommes et femmes, pressés, ce qui la faisait relativiser sur le stress de sa vie semi-clandestine. Elle jeta un regard circulaire alentour, et son cœur rata un battement. Masao! Il était là! Avec Genzo, sortant d'un hôtel moyen.
_ Masa! s'écria-t-elle involontairement, son cœur prenant le pas sur sa raison.
Le jeune homme blond l'entendit et se tourna vers elle, apparemment aussi surpris qu'elle.
_ Nat?
Ce fut plus fort qu'elle. Elle se précipita vers ses deux cousins et se jeta dans les bras de Masao qui la rattrapa. Elle ne pouvait y croire. Il était là, à Tokyo, en chair et en os!
Elle s'écarta légèrement, ses joues la brûlant mais ravie de sentir la chaleur de ses bras, et le détailla. Il avait encore grandi et atteignait le mètre quatre-vingt. Ses cheveux étaient longs et ramassés en catogan, ce qui lui allait très bien, songea-t-elle en rougissant davantage. Ses traits s'étaient affinés et son teint était hâlé. Et elle pouvait sentir ses muscles puissants l'enserrer.
_ Je n'arrive pas à y croire, murmura-t-elle, sentant les larmes s'accumuler derrière ses paupières. Tu es là! Vous êtes revenus!
_ On est arrivés ce matin, dit Masao en la serrant un peu plus contre lui, la dévorant des yeux avec une avidité parfaitement visible. Je suis si heureux de te voir, Nat!
_ Moi... moi aussi, Masa, bégaya-t-elle, les larmes forçant le barrage et s'écoulant le long de ses joues.
_ Content de te voir, Nat, finit par dire Genzo d'une voix de basse qui lui allait comme un gant.
_ Oh, bonjour, Gen, dit-elle, honteuse et s'écartant à regret de Masao en essuyant ses larmes. Excuse-moi, je t'en prie. Je suis très contente de te voir, moi aussi.
_ Ne t'inquiète pas, la rassura le géant qui était à présent aussi grand que son colosse de père. Quand deux tourtereaux se retrouvent, celui qui tient la chandelle a le mauvais rôle.
_ Gen! lui reprocha Masao, rouge de confusion, tandis que Natsumi avait le feu aux joues. Ne commence pas, s'il te plaît!
_ Je m'en vais, de toute façon, sourit le fils Ijuin avec un ton moqueur. Je vais chercher Hide. Rendez-vous au Cat's.
_ Hide n'est pas avec vous? s'inquiéta Natsumi, notant l'absence de son frère.
_ On a voyagé séparément par sécurité, expliqua Masao. Je suis arrivé le premier, et j'ai été chercher Gen. On a loué une chambre dans cet hôtel pour se doucher et se changer, histoire d'être présentables pour ce soir. Et Hide arrive dans trois heures. Tu as le temps, Gen! ajouta-t-il en direction de son cousin qui s'éloignait déjà.
_ J'échappe à la corvée, comme ça! dit ce dernier en se retournant brièvement, souriant de toutes ses dents. Et puis tu as besoin d'un moment seul avec Nat. Vous avez beaucoup de choses à vous dire. Je serai mieux à l'aéroport, crois-moi.
Natsumi surprit le regard de connivence entre les deux cousins et rougit encore. Apparemment Masao ne l'avait pas oubliée, en fin de compte.
_ Mais quel imbécile, grogna ce dernier, la ramenant à l'instant présent. Et merci pour la corvée!
_ Quelle corvée? voulut-elle savoir, intriguée.
Il la fixa avec un sérieux qui tranchait avec son air débonnaire habituel.
_ Je dois raconter nos trois ans de traque à toi, Rumi et nos parents. J'ai pas mal de choses à vous dire. Mais ça va attendre un peu. D'abord, j'aimerais te parler à toi, si tu veux bien.
_ D'ac... d'accord, hésita-t-elle, partagée entre l'espoir et l'anxiété.
_ On va dans notre chambre d'hôtel? proposa-t-il gentiment. On pourra discuter tranquillement.
_ D'accord, répéta-t-elle, le cœur battant à tout rompre.
Elle le suivit dans le hall de réception, puis dans l'ascenseur qui les mena au douzième étage. Là ils parcoururent une dizaine de mètres avant d'arriver devant la porte 1235. Il la déverrouilla, et l'invita à entrer.
La chambre était petite mais fonctionnelle, nota-t-elle, et à la demande de son cousin elle prit place dans l'unique fauteuil, tandis qu'il s'asseyait sur le lit juste en face d'elle.
Elle attendait qu'il parle le premier, intimidée par le fait qu'ils étaient seuls après trois ans de séparation, mais ravie à la fois. Peut-être tenait-elle enfin l'occasion de lui parler à cœur ouvert?
_ Tu as changé en trois ans, remarqua-t-il paisiblement, la fixant avec une intensité qui lui fit une nouvelle fois monter le rouge aux joues. Tu es encore plus belle qu'avant. Et plus grande aussi.
_ J'ai gagné vingt centimètres, sourit-elle, un peu troublée par son compliment. Tu ne pourras plus m'appeler Minipouss.
_ Qui sait? fit-il, amusé.
_ Toi aussi tu as changé. Tu as grandi, bien sûr, et tes cheveux ont bien poussé. Tu ressembles beaucoup à ton père, comme ça, avec ton catogan.
_ Ah, je n'avais pas pensé à ça, grimaça-t-il. C'est vrai que Papa ramène ses cheveux en arrière. Je vais peut-être me faire couper les cheveux courts, alors.
_ S'il te plaît, non, lui demanda-t-elle avec un pincement au cœur. Je t'aime beaucoup comme ça.
_ C'est vrai?
L'atmosphère de la petite pièce se chargea soudain d'électricité. Elle voyait clairement l'aura bleu nuit de Masao se teinter d'indigo, et sa beauté intérieure et extérieure lui coupa le souffle. Elle sentait que le moment crucial approchait.
_ Tu sais, Nat, finit-il par dire d'une voix rauque, pendant ces trois longues années je n'ai fait que penser à toi, en ne me posant qu'une seule question. Et j'avais tellement peur de la réponse que je n'ai jamais osé t'écrire ou te parler au téléphone. Mais maintenant que tu es devant moi, que j'ai le bonheur d'être seul ici avec toi, je vais te la poser.
Il fit une brève pause, son regard rivé au sien, et murmura:
_ Est-ce que tu m'aimes? Parce que moi, je t'aime comme un fou, et il n'y a que toi dans mon cœur.
La gorge nouée d'émotion, les larmes menaçant de déborder sa fragile digue mentale, elle inspira un grand coup. Il avait fait un grand pas vers elle et attendait son verdict avec appréhension, elle le voyait bien. Alors elle se jeta à l'eau.
_ Oui, je t'aime, Masa. Quand tu es parti, tu as laissé un grand vide dans mon cœur, que j'ai mis du temps à comprendre. Mais je t'aime de toute mon âme, Masao Angel.
Un peu éberlué, le jeune homme blond mit trois secondes à réaliser, puis un immense sourire fendit son visage, ses yeux se mirent à pétiller et il se pencha vers elle, son visage à trois centimètres du sien, en lui prenant la main.
_ Est-ce que je peux t'embrasser?
Perdue dans son chaud et intense regard bleu, elle dit dans un souffle:
_ Oui.
Alors il vint s'asseoir juste à côté d'elle, se pencha davantage, et posa délicatement ses lèvres sur les siennes. Un frisson de plaisir la parcourut des pieds à la tête, et elle tressaillit. C'était étrange, bien entendu, car elle vivait son tout premier baiser, mais tellement bon et normal à la fois! Il s'écarta légèrement et dit, d'un ton chargé d'émotion:
_ Trois ans que j'attends ce moment. Qu'est-ce que le temps m'a paru long! Pardon de t'avoir fait attendre, Nat.
_ Tu reviens en vie et entier, dit-elle en serrant sa main plus fort. C'est tout ce qui compte.
Cette fois, ce fut elle qui se pencha, et ils échangèrent un nouveau baiser tout aussi bon et intense que le premier. Puis ils s'enlacèrent, se caressèrent très pudiquement le visage et les épaules, et s'embrassèrent encore. Natsumi était au paradis, dans les bras d'un ange.
Une heure passa ainsi, avec peu de mots échangés, mais une heure chargée d'amour, de tendresse et de découverte. La jeune fille savait que Masao se contrôlait, et elle lui en était très reconnaissante. Si elle éprouvait déjà un peu de désir pour son cousin, cette émotion nouvelle qui lui pinçait agréablement les muscles de son bas-ventre, elle n'était absolument pas prête à en arriver là. Ils avaient le temps d'apprendre à se connaître, à se côtoyer bien davantage et à se dévoiler petit à petit.
Finalement il s'écarta d'elle, se levant du lit sur lequel ils avaient fini par basculer pour se câliner tranquillement, et dit avec un grand soupir mais en gardant sa main dans la sienne:
_ Il faut qu'on y aille, Nat. On doit retrouver les parents et Rumi.
_ D'accord, acquiesça-t-elle avec un léger soupçon de déception dans sa voix.
Mais son cousin le décela et sourit:
_ Ne t'inquiète pas, ma chérie. J'ai dix-huit ans. Dans deux ans je serai majeur, et je pourrai vivre dans mon propre appartement. Et en attendant, on trouvera bien des moments où on pourra être seuls.
_ Je... je ne... mais... bredouilla-t-elle, les joues brûlantes.
Il se mit à rire doucement et lui caressa lentement la joue, murmurant:
_ J'adore quand tu ris, ma chérie. C'est un tel bonheur pour moi. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis heureux d'être rentré au pays et de t'avoir près de moi.
Pour toute réponse, émue par ses mots doux et la sincérité vibrant dans sa voix, elle le serra dans ses bras de nouveau et l'embrassa avec un peu plus de fougue. Ses lèvres, gonflées et pas encore habituées aux mouvements du baiser, lui faisaient un peu mal, mais elle s'en fichait. Elle l'aimait, et lui l'aimait. Rien ne pouvait ternir son bonheur.
Cinq autres minutes passèrent, puis Masao se dégagea de nouveau d'un geste souple et dit, les yeux brillants d'amusement:
_ Je passerais volontiers les deux prochaines semaines dans cette chambre avec toi sans sortir, rien qu'à t'embrasser, mais Hide et Gen vont arriver dans moins de deux heures, et il faut qu'on aille au Cat's.
_ Dommage, soupira-t-elle en se levant, l'entraînant à sa suite. Mais on va revivre ça, n'est-ce pas?
Même si elle pouvait voir très nettement la joie dans l'aura violette de son petit ami, elle avait toujours un doute dans un coin reculé de sa tête. Est-ce qu'il l'aimait vraiment? Est-ce qu'il serait là pour elle tous les jours?
_ Quand tu voudras, où tu voudras et aussi longtemps que tu voudras, lui assura-t-il en lui volant un nouveau baiser. Je t'aime, Nat, et ça n'est pas près de changer. J'ai attendu trois ans ta réponse, ce n'est pas pour me carapater maintenant. Si j'avais voulu...
Il s'interrompit, soudain gêné, et elle ressentit une pointe de jalousie qui l'étonna. Elle, jalouse? Il faut croire, songea-t-elle, j'ai dû hériter ça de Maman.
_ Des opportunités en Amérique Centrale?
_ Une Guatémaltèque m'a tourné autour un petit moment, avoua-t-il, rouge tomate. Heureusement on est partis assez vite, alors elle a forcément lâché l'affaire. Une fille du Nicaragua aussi m'a regardé avec convoitise, mais j'ai décliné. Et une autre fois...
_ J'en ai assez entendu, le coupa-t-elle, un brin énervée. S'il te plaît, je...
_ Nat, fit-il en la prenant encore dans ses bras. Si je te raconte ça, c'est pour te dire que je n'ai rien à cacher. Je suis à toi, à présent. Toutes les filles du monde peuvent me tourner autour, je m'en fous. Car la seule qui compte, la seule que je vois, c'est toi. Tu es la plus belle, la plus intelligente et la plus adorable jeune femme que je puisse trouver en ce bas-monde. Et je ne remercierai jamais assez mon père de s'être installé au Japon pour ça. Car grâce à lui, j'ai pu te rencontrer, et dorénavant je peux t'aimer. Je t'aime, Natsumi Saeba.
La digue céda, et elle sanglota dans son pull. Elle était si heureuse d'entendre tout ça! Après trois ans d'espoir, d'inquiétude, d'angoisse à l'idée de ne jamais le revoir, elle laissait ses émotions s'évacuer.
Il la cajola pendant quelques minutes, jusqu'à ce que ses sanglots s'apaisent, puis lui tendit un mouchoir glané dans la boîte posée sur le bureau.
_ Ça va mieux? l'interrogea-t-il gentiment, essuyant précautionneusement ses larmes.
_ Beaucoup mieux, admit-elle. Je suis désolée, Masa, j'ai...
_ Chut, lui dit-il en posant l'index sur sa bouche, son regard tendre posé sur elle et la réchauffant de l'intérieur. Tu peux tout me montrer, ou rien si tu ne le souhaites pas. Je prendrai ce que tu me donneras, et j'en serai plus qu'heureux. Je suis là pour toi, Nat. Toujours.
Elle hocha la tête, reconnaissante, et grappilla quelques secondes de plus enveloppée de sa chaleur. Puis il finit par soupirer à regret:
_ Tu es prête à y aller?
_ Oui, tant que je suis avec toi, sourit-elle faiblement, un peu rassérénée.
_ Alors on y va.