L'histoire se répète

Chapitre 1

Les Lannister en galère

« Drakarys ! »

Le sort en était jeté. La tête de Missandei, de l'Île de Naath, avait roulé sur le chemin de ronde de Port-Réal. A ce moment-là, Daenerys Targaryen avait juré de détruire ses ennemis. Tous. Hommes, femmes, enfants, tous ceux qui oseraient se mettre en travers de sa route. Elle avait passé six saisons à espérer reconquérir le Trône de ses ancêtres, qui lui revenait de droit, et deux à déchanter : non seulement plus personne ne l'attendait, mais voilà que, malgré tous ses efforts pour s'imposer, elle se faisait sans cesse rejeter. Elle avait détruit ses ennemis sur le champ de bataille, sauver le Nord de la Mort en marche, mais Cersei s'obstinait à lui barrer l'accès au trône.

Son premier mari avait tué Rhaegar, le second avait tué Rhaegal, et maintenant, elle lui prenait Missandei. Cette fois, c'en était trop. Drakarys, coupe is plenis, ennemis morghulis, elle allait les détruire jusqu'au dernier.

Daenerys monta son fier destrier, Drogon, le dernier de ses dragons, et s'éleva dans les airs. Désormais perdue dans les nuées, loin des hommes et de leur petite échelle, du son des cloches qui sonnaient la reddition, elle laissa libre cours à sa fureur meurtrière.

La Compagnie Dorée fut incendiée, la porte de la ville aussi, les armées du Nord et d'Essos s'y engouffrèrent, se livrant à toutes les atrocités, et Daenerys fit souffler le feu de son dragon sur les bâtiments de la ville, faisant flamber les dernières réserves de feu grégeois qui s'y cachaient en-dessous.


Cersei contemplait le désastre du haut de sa fenêtre. Là, pour le coup, elle aurait bien eu besoin d'un petit remontant. Tout s'effondrait. La ville s'écroulait, le peuple crevait, le règne des Lannsiter s'achevait… Mais tout cela n'avait aucune importance.

La vie de Cersei allait s'achever, et, pire que tout, la vie de son enfant allait disparaître avec elle. Cette pensée était insupportable.

Cersei laissa alors le monde à son effondrement et s'enfuit. Dans le patio du Donjon Rouge, elle vit apparaître une silhouette qu'elle reconnut aussitôt : Jaime.

Elle eut du mal à y croire. Après toutes leurs disputes, leurs coups de canifs dans le contrat, leurs tentatives d'assassinats, leurs trois enfants morts et incinérés, il était encore là, fidèle et loyal.

Elle se jeta dans ses bras en pleurant.

« Là… là… Tout va aller, petite sœur, je suis là... », murmura-t-il, en lui tapotant le crâne de sa main dorée, ce qui manqua de l'assommer.

« Tu plaisantes ou quoi ? Tout est fini ! La race de Tywin va s'éteindre, notre maison va disparaître, rien ne va ! En plus, tu es blessé ! »

« C'est rien, ça… Tyrion est de notre côté : il nous attend dans une barque à destination de Pentos. »

« Qu'est-ce que tu veux qu'on aille faire à Pentos ? »

« Baiser, vivre… Avec notre enfant. »

Elle le regarda, incrédule. Jaime se dit que ses paroles prêtaient à confusion.

« Oui, enfin… on va baiser tous les deux et vivre avec notre enfant, hein ? »

« J'avais compris, merci ! »

« ça ne veut pas dire que je suis convaincue, mais bon… Tentons le tout pour le tout ! », songea-t-elle.

Prenant sa sœur par la main, Jaime l'entraîna avec elle dans les souterrains. Ils passèrent dans la salle où étaient entreposés les crânes des dragons. Autour d'eux, le plafond s'effondrait.

« Mais qu'est-ce qui se passe, là-haut ? »

« La folle est en train de détruire le Donjon Rouge... »

« Attention ! »

Le toit manqua de leur tomber dessus.

« Dire que j'ai passé huit saisons à tenter de préserver l'héritage de notre père, et l'autre débarque et fiche en l'air celui de ses ancêtres ! », pesta Cersei.

La reine vaincue enrageait : ils allaient finir broyer par une fin de race antédiluvienne, une pyromane qui se promenait à dos de dragon…

Jaime, pour sa part, avait l'esprit ailleurs : là où, normalement, ils auraient du s'enfuir, un amas de pierres leur barrait la sortie.

« Jaime ! Il faut que tu dégages ce passage, et vite ! »

Confus, son frère lui montra son gant doré.

Cersei craqua : « Je m'en fiche, que tu sois manchot, le ventre ouvert ! Nous allons avoir un enfant, Jaime, un dernier ! Il faut tout faire pour le sauver ! »

Elle hurlait, empoignant son frère et le secouant comme un prunier.

« Je veux bien, fit celui-ci, mais tu es la seule à avoir deux mains ! »

« Je veux vivre, Jaime ! Je veux que notre enfant voit la lumière du jour ! »

Jaime regarda sa sœur : rien à faire, il allait d'abord falloir qu'il la calme.

Au loin, le plafond s'effondra.

« Vite, Jaime, souffla sa conscience, dis quelque chose, apaise-la, n'importe quoi ! »

Il prit sa sœur dans ses bras, qui pleurait de désespoir.

« Nous seuls comptons, Cersei. Le reste n'a pas d'importance. »

Boum ! Une brique tomba juste derrière eux.

« T'es sûr ? », demanda Cersei en reniflant. « Un toit qui choit, c'est à prendre en compte. »

Jaime regarda autour d'eux. Les ruines obstruaient le couloir, et lui, avec sa main en moins, n'allait pas pouvoir les dégager.

Soudain, il vit les pierres bouger. Un visage en surgit, qu'il reconnut aussitôt.

« Tyrion ! »

Leur frère avait dégagé une voie. Il était recouvert de poussière, mais c'était bien lui.

« Jaime ! Cersei ! Par ici ! »

« Tyrion ? Je n'en reviens pas : c'est toi qui a déblayé le passage ? »

« Il faut bien : Bronn a refusé de m'aider, il a dit que ça n'était pas dans ses intérêts, et qu'il en avait marre de servir des Lannister qui ne le payaient jamais. »

« L'ingrat ! », pesta Jaime.

Les trois enfants de Tywin ne perdirent pas leur temps en embrassades et gagnèrent une petite barque sur la plage.

« Vite, dit Tyrion, on embarque, et on rame, droit chez Illyrio Mopatis ! »

« Pourquoi ce type nous aiderait-il ? »

« Parce que c'est sa seule fonction de toute la série : recueillir les fugitifs. »

« En vérité, maugréa Cersei, je le soupçonne de garder un roi de rechange pour servir les intrigues de la Banque de Fer ! »

« Peu importe, fit Tyrion, du moment que c'est nous qu'il aide... »

Tyrion prit les rames, et regarda son frère. Jaime, l'air navré, leva à nouveau sa main gantée.

« Pfffff ! », soupira le cadet, qui se retrouva seul à ramer.

Les pierres du Donjon Rouge tombaient dans l'eau, soulevant des vagues qui menaçaient de retourner l'esquif. Les flammes dégageaient une fumée noire. On entendait des cris, des explosions. Cersei pleurait dans les bras de Jaime, et Tyrion, héroïquement, ramait.