NdA: Bonjour à tous! De retour avec cette suite indépendante du Club des cinq et le tigre d'argent, dans un registre plus léger! Bonne lecture, et n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez!


Chapitre 1

_ Comment ça, ce n'était pas le plus beau jour de ta vie?

Natsumi, estomaquée, fixait sa mère d'un air effaré. Elle ne pouvait en croire ses oreilles. Kaori venait de lui pourrir la journée en onze mots. Elle balbutia:

_ Mais... mais pourtant... toi et Papa...

_ Ryo et moi sommes bien mariés, ma chérie, dit l'ex-nettoyeuse d'un air à la fois serein et triste, rassemblant les cartons d'invitation éparpillés sur la table. Depuis vingt-deux ans, pour être précise. Et je ne le regrette absolument pas. C'est juste que le mariage lui-même n'était pas... comment dire... conforme à ce que j'en attendais. Et pourtant mes aspirations n'étaient pas très compliquées... Bref, c'est comme ça.

Autour de la table, Natsumi vit les regards de compassion et de solidarité de ses tantes, et celui abasourdi de Rumiko. Elle ne comprenait pas.

_ Maman, que... que veux-tu dire? Tu... tu n'as pas aimé ton mariage?

Kaori soupira, puis lui sourit.

_ Demande donc à Miki et Kazue si elles ont apprécié le leur.

Natsumi regarda tour à tour la mère de sa future belle-sœur qui baissa la tête d'un air gêné puis sa future belle-mère qui rougit violemment. Oh là là, se dit-elle en voyant les auras perturbées autour d'elle. Danger, ici. Pas étonnant que le mot "mariage" soit tabou depuis toujours.

Elle et Rumiko avaient eu l'impression de lancer une bombe au milieu d'un gâteau d'anniversaire lorsqu'elles avaient enfin pris leur courage à deux mains la veille pour annoncer à leur famille que les deux couples qu'elles formaient respectivement avec Masao Angel et Hideyuki Saeba voulaient convoler en justes noces. Après tout, ils étaient ensemble depuis six ans, ce qui était plus que raisonnable comme délai pour apprendre à se connaître. Et elle et Rumiko étaient enfin majeures, ce qui leur permettait de se libérer d'un hypothétique veto paternel.

Leurs hommes, qui formaient le nouveau duo City Hunter depuis la retraite de son père cinq ans auparavant, étaient aussi présents au Cat's Eye à ce moment-là. Même Genzo, accompagné de son compagnon Hisei, le fils d'un client de City Hunter au physique de lutteur et qui n'avait pas eu peur de se retrouver au milieu d'une famille de nettoyeurs un peu barge, était là. Natsumi se remémora la scène toute récente...


_ Vous... voulez vous... marier?

Kaori chancela sur son tabouret, bafouillant de surprise et de crainte. Accoudés au comptoir, Ryo avala son café de travers tandis que Mick recrachait le sien, et tous deux toussèrent violemment. À côté de son mari, Kazue les regarda d'un air apeuré. Derrière le comptoir, Falcon se figea, brisant l'assiette qu'il essuyait en mille morceaux, tandis qu'à ses côtés Miki lâcha son plateau chargé de verres qui se fracassa au sol. Même Kasumi laissa échapper son balai, les yeux remplis de terreur.

_ Mais... commença Natsumi, sentant l'incompréhension la gagner en voyant leurs auras agitées et leur comportement anormal. Que... Qu'est-ce qu'il y a? Pourquoi... on ne pourrait pas se marier?

Elle échangea un regard perdu avec son fiancé Masao, puis avec Rumiko et son frère Hideyuki, tout aussi perplexes qu'eux, et enfin avec Genzo qui resta impassible et Hisei qui haussa les épaules, éberlué. Seule la petite Mitsuki, qui jouait aux poupées dans un coin, ne réagit pas, se fichant comme d'une guigne des "affaires de grands".

_ Ma chérie, dit enfin Kaori au bout d'une très longue minute de silence, alors que Natsumi se sentait de plus en plus mal devant les regards effrayés des femmes et ceux fuyants des hommes, vous pouvez vous marier, bien sûr. Quand... Ce serait pour quand?

_ Eh bien... dans un mois, dit Hideyuki, les sourcils froncés et soutenant sa fiancée Rumiko qui vacillait sur ses jambes. Ce serait possible?

_ Vous quatre ensemble? demanda Miki, la voix tremblante.

_ On aurait bien voulu, oui, acquiesça sa fille, perdue. Comme ça on partage les frais, et surtout ça fera moins de risques. On n'aura qu'une seule cérémonie à sécuriser.

D'un seul coup, Ryo bondit et se précipita hors du café, repoussant son tabouret qui tomba lourdement au sol, et se volatilisa dans l'air du soir, l'air bouleversé et n'ayant pas jeté un regard à ses enfants stupéfaits. Mick, le teint verdâtre, accepta le verre de saké que lui versa sans un mot Falcon et le vida d'un trait avant de sortir à son tour, ne croisant aucun de leurs regards. Et Falcon lui-même retira son tablier puis s'éclipsa par la porte de derrière, la refermant calmement après son passage.

Le silence régna pendant quelques instants, jusqu'à ce que Masao craque:

_ Okay, là j'avoue que c'est glauque. Bon, quelqu'un aurait-il la bonté de nous expliquer ce qui se passe ici avant que je ne devienne dingue?

_ Mon chéri, dit Kazue, les larmes aux yeux, ce n'est rien. Je suis ravie que vous vous décidiez enfin! Si vous voulez faire ça pour dans un mois, il ne faut pas qu'on tarde! Vous avez déjà décidé du lieu? Des robes et costumes? Du repas?

_ Rien de tout ça, lui répondit Natsumi, dont la tête tournait comme une toupie. On voulait... juste vous l'annoncer...

_ Nat! s'écria Masao alors que ses genoux se dérobaient sous elle.

Heureusement il la rattrapa avant qu'elle ne touche le sol. Et tandis qu'il la conduisait à la table de Mitsuki qui leva les yeux de ses jeux enfantins pour enfin s'intéresser à eux, l'air inquiet, du coin de l'œil elle vit Hideyuki qui soutenait Rumiko, aussi faible qu'elle. Décidément, elles étaient de vrais miroirs, se dit-elle en trempant ses lèvres dans le jus d'orange que lui ramena sa mère.

_ Natsumi, comment tu te sens? s'enquit Kaori, livide. Que t'arrive-t-il?

_ Un coup de fatigue, Maman, dit-elle d'un ton qui se voulait rassurant, observant sa future belle-sœur avoir un haut-le-cœur après sa gorgée de jus d'orange. Ce n'est rien.

Mais elle intercepta le regard de connivence que se lancèrent les femmes du café, et vit dans les yeux noisette de sa mère, identiques aux siens, qu'elle, Miki, Kazue et Kasumi n'étaient pas dupes. Surtout lorsque Rumiko, portée par un Hideyuki bouleversé, dut aller rendre le jus d'orange aux toilettes du café.

_ Dans un mois, tu dis? fit Miki d'un air désolé. Ça va aller pour vous deux?

_ Que...? commença Natsumi, complètement déboussolée et nauséeuse.

_ On en reparle demain, la coupa Kaori avec un regard éloquent pour Miki et Kazue. Rendez-vous chez moi à quatorze heures. Ça vous va, les jeunes?

_ D'accord, acquiesça Masao, agacé. Bonne soirée à tous.

Il porta Natsumi à l'extérieur du café, et lui demanda alors que l'air frais du soir lui faisait un bien fou:

_ Mais qu'est-ce qui s'est passé, bon sang?

_ Je n'en sais rien, lui répondit-elle faiblement, mais j'ai besoin de rentrer, Masa.

_ On est venus à pied, ragea-t-il. Tant pis, je vais te porter, ma belle.

_ Non, ne...

_ Venez, j'ai pris ma voiture, dit Hideyuki dans son dos de sa voix calme. Je vous ramène. Après tout, c'est pas comme si on n'habitait pas dans le même immeuble.

_ Merci, Hide, souffla sa sœur, reconnaissante.

Pendant que Masao l'aidait à prendre place sur la banquette arrière de la Nissan, elle nota avec compassion que Rumiko, installée avec douceur par Hideyuki sur le siège passager, n'était vraiment pas bien. Cette soirée n'était décidément pas des plus passionnantes.

_ Bon, vous pouvez éclairer ma lanterne? lança Masao, un brin furieux. En quoi une annonce de mariage est-elle si désastreuse? C'est quoi le problème avec les vieux?

_ Aucune idée, admit Hideyuki, le visage sombre. Apparemment le mariage n'est pas une bonne nouvelle pour tous.

_ Pour nos pères surtout, émit doucement Rumiko, roulée en boule et la tête sur l'épaule de son futur mari. Je comprends mieux pourquoi Maman n'a jamais voulu nous en parler avant. Si c'était pour avoir une telle réaction...

_ Je ne suis pas sûre que ce soit lié à notre mariage, spécifiquement, dit Natsumi, songeuse et se sentant un peu mieux, lovée dans les bras de son homme. Ils étaient tous extrêmement perturbés. Et Maman non plus ne nous a jamais parlé de leur mariage auparavant. Elle n'a jamais voulu, disant que ça portait malheur.

_ Mouais, fit Masao, tout ça pue les problèmes à plein nez. Ils devaient pourtant s'en douter, qu'on voudrait se marier, non? Et en plus, on veut faire ça tous les quatre pour leur simplifier les choses! Ils devraient être contents, non?

_ Ne le prends pas mal, Masa, dit Hideyuki, ralentissant puis pénétrant dans le garage de leur immeuble. Je ne pense pas, comme le dit Nat, que ce soit nous le problème. Un mariage n'est pas censé terrifier nos parents. Or, c'est bien ce qu'ils ont ressenti. De la terreur.

_ Je n'avais jamais vu mon père comme ça, dit Rumiko, songeuse, alors qu'ils descendaient tous de voiture. Partir comme ça, ça ne lui ressemble pas.

_ Et le nôtre? dit Hideyuki, l'air sombre. Il s'est carrément enfui!

_ Comme le mien, dit Masao, pensif. Mais qu'est-ce qui peut leur faire si peur?

_ On le saura demain, dit Natsumi tranquillement, moins sereine qu'elle ne voulait le laisser paraître. Demain à quatorze heures.

Ils montèrent les escaliers, puis se séparèrent au premier étage, où Natsumi et Masao habitaient un duplex aménagé par Ryo lorsque Hideyuki et Masao étaient revenus d'Amérique centrale. Hideyuki et Rumiko habitaient eux aussi un duplex aux troisième et quatrième étage, et ils continuèrent leur ascension.

Natsumi, éreintée, se débarrassa de ses chaussures puis alla s'écrouler sur le canapé. Masao, sans un mot, se dirigea vers la cuisine et prépara un repas rapide, qu'ils partagèrent devant la télé. Au moment d'aller se coucher, il la prit dans ses bras.

_ Masa, non! protesta-t-elle faiblement. Tu es rincé avec votre dernière mission, et je peux marcher, je t'assure!

_ Chut, ma belle, murmura-t-il, la faisant taire d'un baiser tout en grimpant l'escalier menant à leur chambre. Laisse-moi profiter de ton poids plume encore un peu.

Un nœud dans l'estomac, elle se tut et enfouit son visage dans sa chemise. Tout comme son père il était souvent bien habillé, mais là où Mick Angel ne pouvait sortir sans costume, lui sortait avec une veste décontractée et un jean foncé sobre. Elle sentait son Colt Anaconda sous son bras, mais n'en était pas gênée pour deux sous. Après tout, il était un nettoyeur de tout premier plan, l'un des trois meilleurs au monde, avec ses cousins Hideyuki et Genzo. Et les fils Saeba et Angel maintenaient l'excellente réputation de City Hunter, qui n'avait jamais eu autant de succès.

Masao la déposa sur leur lit, mettant fin à ses pensées, et l'embrassa doucement.

_ J'ai besoin d'une douche. Je reviens.

Mais elle en voulait plus, et tout de suite. Alors elle le retint par les pans de sa veste qu'elle lui retira habilement, avant de dégrafer son holster et de le laisser tomber à ses pieds, tout en l'embrassant passionnément.

_ Nat, grogna-t-il vaguement, ne pouvant s'empêcher de la caresser sur puis sous ses vêtements, la mettant dans un état d'excitation palpable. Je dois vraiment...

_ J'adore quand tu sens la sueur et la poudre, mon chéri, le coupa-t-elle d'un baiser avant de s'attaquer à sa chemise. Ne me dis pas que tu n'as pas envie?

_ Tu sais bien que j'ai envie, dit-il en lui enlevant prestement sa robe et en s'appliquant à caresser sa poitrine par-dessus son soutien-gorge en dentelle noire. J'ai toujours envie de toi, ma belle. C'est juste que...

_ Masa, autant prendre une douche lorsque tu seras bien sale, sourit-elle malicieusement en posant les mains sur la ceinture de son pantalon. Et comme ça je te frotterai le dos...

_ J'adore tes hormones qui bouillonnent, ma chérie, capitula-t-il en déposant des baisers légers le long de son cou, la faisant frémir.

Bientôt le lit fut dévasté par leurs ébats passionnés, et la douche n'eut lieu que le lendemain, se prolongeant délicieusement à deux une nouvelle fois.

Mais le matin même, Masao et Hideyuki furent appelés pour une mission urgente par Saeko, qui ne leur dit pas grand-chose. C'est donc seule que Natsumi alla toquer à la porte de sa cousine et future belle-sœur, et qu'elles montèrent chez les Saeba première génération, où Kaori, Miki et Kazue les attendaient.

Elles s'attablèrent très rapidement, une tasse de thé fumante à leur côté, et Miki attaqua la première:

_ D'abord, félicitations à vous! Nous sommes vraiment contentes pour vous! C'est super que vous vous mariiez!

Natsumi avait échangé un regard surpris avec Rumiko, mais elle avait vu la sincérité de sa tante. Alors elle avait souri.

_ Donc c'est pour dans un mois, dit Kazue, un peu moins à l'aise mais tout aussi ravie. Vous avez réfléchi à une date?

_ Non, dit Rumiko. On voudrait inviter juste la famille, donc on le dira au dernier moment. Ça dépend de nos hommes et de leur mission.

_ Ils ne pouvaient pas venir? demanda gentiment Kaori.

_ Saeko les a appelés. Ils s'excusent.

Elles avaient commencé la rédaction des peu nombreux cartons d'invitation lorsque Natsumi se décida enfin à poser la question qui la taraudait.

_ Maman, pourquoi cette réaction bizarre hier soir?

Elle vit sa mère lancer un regard attristé vers Miki et Kazue, aussi perturbées qu'elle, puis avoua:

_ On est tous très contents pour vous quatre, ma chérie, n'en doutez pas. C'est juste que ça a fait remonter des souvenirs... disons pas toujours très heureux.

Natsumi savait qu'elle n'était pas au bout de ses peines lorsqu'elle demanda:

_ Maman, comment c'était, ton mariage?

Kaori la regarda avec commisération, puis son regard se voila et elle dit:

_ Spécial.

_ Mais encore? insista-t-elle. Ne dit-on pas que le mariage est le plus beau jour de sa vie?

_ Ce n'était pas le plus beau jour de ma vie.

_ Quoi?

Natsumi eut l'impression qu'une boule de pétanque lui était tombée sur la tête. Comment...? Pourquoi...?

_ Comment ça, ce n'était pas le plus beau jour de ta vie? Mais... mais pourtant... toi et Papa...

_ Ryo et moi sommes bien mariés, ma chérie, confirma Kaori. Depuis vingt-deux ans, pour être précise. Et je ne le regrette absolument pas. C'est juste que le mariage lui-même n'était pas... comment dire... conforme à ce que j'en attendais. Et pourtant mes aspirations n'étaient pas très compliquées... Bref, c'est comme ça.

_ Maman, que... que veux-tu dire? Tu... tu n'as pas aimé ton mariage?

_ Demande donc à Miki et Kazue si elles ont apprécié le leur.

Natsumi vit la gêne de ses tantes, l'effarement de Rumiko, et songea à l'attitude des trois hommes et de Kasumi la veille au Cat's Eye. De la terreur, avait dit son frère, très intuitif. Alors elle demanda à sa mère:

_ Que s'est-il passé?

Kaori invita du regard Miki à prendre la parole, et celle-ci avoua, les yeux obscurcis par des réminiscences visiblement douloureuses:

_ On m'a tiré dessus juste à la sortie de l'église. Les hommes du général Kreutz. J'ai bien failli y rester. Heureusement que le Professeur était invité. Lui et Kazue m'ont sauvé la vie.

Elle eut un sourire de reconnaissance pour la scientifique puis se tourna vers sa fille peinée.

_ Je te demande pardon de ne pas t'en avoir parlé avant, ma puce. Mais l'amour que je ressens pour ton père est plus fort que ces mauvais souvenirs. Alors on a avancé, sans jamais reparler de cette journée funeste.

_ Mais, ajouta-t-elle avec un petit sourire après quelques secondes d'un épais silence, il en est tout de même ressorti quelque chose de bon. À cause de cette attaque, Ryo s'est enfin décidé à avouer à Kaori qu'il l'aimait. Et depuis ils sont officiellement en couple.

_ C'est... terrible, dit Rumiko, fondant en larmes. Maman... ton mariage... tu as failli mourir!

_ Ce n'est rien, ma chérie, dit Miki en se levant et en enlaçant sa fille bouleversée. C'est du passé. Je suis très heureuse de ma vie actuelle, et Genzo, ton père et toi êtes tout ce que je souhaite dans ma vie. Peu m'importe le passé.

_ Et toi, tante Kazue? osa demander Natsumi après une minute, le temps que Rumiko se calme, apaisée par sa mère.

_ Oh, pour moi rien de dramatique de cet ordre-là, soupira la scientifique, soudain mélancolique. C'est juste que j'ai vu rouge, ce jour-là, et que j'ai failli quitter Mick et lui demander le divorce le soir même.

_ Quoi? s'étrangla Natsumi avec son thé, Kaori lui tapant vigoureusement dans le dos. Tu... oncle Mick...?

_ Tu le connais, expliqua Kazue d'un air triste. Même s'il m'aime du plus profond de son cœur, il ne peut pas s'empêcher de reluquer toutes les femmes qui passent à sa portée, et parfois ses vieilles habitudes reprennent le dessus, et il les drague. Bien sûr, il se fait souvent jeter, avec sa face de pervers, comme Ryo d'ailleurs, mais il a quand même un certain succès quand il garde son air sérieux. Ce jour-là, donc, on a été mariés par une femme pasteur américaine, car Mick est protestant et moi athée. Et après l'échange des vœux...

Les traits de Kazue se peignirent d'une expression douloureuse, et Natsumi fit la grimace. Elle devina sans peine ce qui avait dû se passer.

_ Je l'ai assommé sous une massue, continua difficilement sa future belle-mère, mais j'étais vraiment blessée. Qu'il ait osé faire ça le jour de notre mariage, devant tous nos amis, juste après qu'il m'ait passé la bague au doigt...

«Je me suis enfuie. Je pleurais toutes les larmes de mon corps, et mon cœur était en vrac. J'ai passé la journée à tourner en rond dans le parc de Shinjuku, avec ma robe de mariée, à pleurer et hurler ma rage. J'ai effrayé pas mal de monde ce jour-là. Finalement un policier m'a pris en pitié et m'a ramené les papiers pour demander le divorce en me demandant de ne plus faire de tapage. Alors je suis allée à la clinique du Professeur pour réfléchir.

«Et c'est là que Kaori et Miki m'ont trouvée. Elles m'ont conjuré de ne pas divorcer, que Mick m'aimait et s'en voulait à mort, qu'il me cherchait partout et qu'il était prêt à tout pour me demander pardon. Alors j'ai décidé de lui parler, pour pouvoir prendre une décision. Quand il est arrivé, il n'en menait pas large. On a longuement parlé, et j'ai décidé de passer l'éponge une dernière fois. Et depuis il ne drague plus personne, sauf Kaori et Miki par jeu, mais il m'est resté fidèle. Bien entendu le repas a été annulé, et la fête n'a pas eu lieu. Donc pour moi, le jour de mon mariage est un jour à oublier, même s'il a eu comme effet positif de rendre un dragueur invétéré aussi fidèle qu'un toutou.

Le silence s'installa encore quelques secondes. Natsumi, qui n'aurait jamais pu s'attendre à ça, se demanda si elle devait vraiment continuer à savoir. Mais Kaori la devança.

_ Je suppose que tu aimerais savoir ce qui s'est passé pour le mariage de ton père et moi?

_ Je... enfin, je... hésita-t-elle.

_ Non, il faut que tu saches, ma chérie, dit résolument Kaori en la fixant droit dans les yeux, un petit sourire jouant sur ses lèvres. Tout ce que j'espère, c'est que ton mariage avec Masao et celui de Rumiko avec Hideyuki se passera mieux que le mien.

Elle détourna le regard, le laissant errer par la fenêtre, puis se rappela...