Bonne lecture !

CHAPITRE 62

Une grande fatigue

Elizabeth n'avait qu'une hâte : que ce voyage interminable prenne fin. Ils étaient partis de Longbourne à la première heure le lendemain du retour de Darcy, et bien que la route se soit faite sans problème majeur, elle n'en pouvait plus d'être enfermée dans la voiture. Épuisée par les évènements des dernières semaines et par les longues heures passées à parcourir les miles, Lizzie avait du mal à ne pas hurler de frustration à la lenteur de leurs progrès. De plus, bien que Bennet eût été exemplaire lors de son premier voyage, il commença à protester dès le troisième jour, ses crises les obligeant parfois à s'arrêter plus longtemps que prévu.

La situation n'était pas aidée par l'atmosphère tendue qui régnait dans la voiture. Darcy avait fait part de ses plans à Kitty et avait été déconcerté lorsque cette dernière n'avait pas exprimé la reconnaissance à laquelle il s'était attendu. Au contraire, Kitty s'obstina à garder le silence en sa présence, démontrant en quelques jours plus de force de charactère que dans sa vie entière. Edwina, comme à son habitude, était exemplaire et ne se plaignit pas une seule fois de l'inconfort, de la faim ou de la fatigue. Elizabeth observa longuement sa nièce, divisée entre les besoins de son époux et ceux de sa sœur. Que pouvait-elle faire pour s'assurer que les décisions de Darcy ne ruinent pas sa relation avec Kitty? Et comment pouvait-elle faire comprendre à sa sœur qu'il n'y avait pas d'autres choix possibles?

Lorsqu'ils arrivèrent enfin dans le Derbyshire, la tension monta. Avec Edwina fermement pressée contre elle, Kitty avait l'air d'une louve protégeant son louveteau. Darcy fit arrêter la voiture devant une modeste maison de ville, située dans un quartier respectable et tranquille. Plus d'un regard curieux se posa sur lui lorsqu'il descendit de la voiture pour aller cogner à la porte, et la femme qui lui ouvrit ne cacha pas non plus sa surprise. Elle semblait âgée d'une soixantaine d'années et ses traits ressemblant à ceux de Mrs Reynolds.

Les yeux de Kitty se remplirent de panique. 'Lizzie? Que faisons-nous ici?'

-'Mme Fox est un choix très respectable, Kitty,' lui répondit-elle, bien qu'Elizabeth ne fût pas convaincue qu'une femme de cet âge soit le meilleur choix pour une enfant aussi jeune qu'Edwina. 'Elle est venue à Pemberley plusieurs fois et nous la savons de confiance.'

-'Elle doit bien avoir cent ans!' s'exclama sa sœur avec horreur.

Mal à l'aise, Lizzie s'accrocha au seul argument qu'elle trouva. 'Mme Fox n'est peut-être pas très jeune, mais elle saura très bien éduquer Edwina. Elle a été gouvernante pendant plus de trente ans.'

La concernée, qui jusque-là avait suivi la conversation en les regardant à tour de rôle, comprit finalement ce qui se passait. Ses yeux s'agrandirent et elle se mit à trembler, complètement terrifiée. Enfouissant son visage dans la robe de Kitty, elle passa ses bras autour de sa taille et serra avec force.

-'Comment peux-tu approuver ce plan, Lizzie?' Kitty gronda farouchement, posant une main protectrice sur le dos de l'enfant. 'De toute la famille, je croyais que toi au moins tu serais de mon côté.'

-'Je veux ce qu'il y a de mieux pour notre famille,' lui répondit-elle, piquée. 'Pour Will, pour Edwina et pour toi aussi.'

-'Alors convainc ton époux de me laisser élever Edwina.' Kitty jeta des coups d'œil à la porte et, pressée par le temps, ses mots sortirent en cascade. 'Si je dois quitter Pemberley, alors je le ferai. Je me trouverai un logis, peu importe où, et je prendrai soin d'elle. Je ferai tout, Lizzie, absolument tout.'

Cette fois, le ton d'Elizabeth se durcit. 'Et comment comptes-tu payer pour ton logis? Pour ta nourriture? Si tu souhaites prendre la charge d'un enfant, tu dois être prête à le faire à tes frais.'

-'Je trouverai du travail.'

-'Et qui s'occupera de l'enfant quand tu seras parti au travail?' lui pointa-t-elle en haussant un sourcil. 'Une autre femme, comme Mme Fox?'

Le visage de Kitty s'effondra. L'idée était tout simplement ridicule et sa sœur ne voulait tout simplement pas le voir. Comment pouvait-elle espérer trouver un travail honnête alors qu'elle n'avait jamais occupé d'emploi auparavant? Savait-elle réellement l'impact que ce genre de vie aurait sur elle et sur leur nièce?

Sensible aux émotions de sa sœur, Lizzie usa d'une voix douce, mais ferme, lorsqu'elle parla à nouveau. 'Tu souhaites donner la meilleure chance à Edwina de grandir et s'épanouir, et je comprends. Mais abaisser ta station pour prendre soin d'elle en travaillant six ou sept jours par semaine, du matin au soir, afin de subvenir à vos besoins n'est pas la solution. Tu priverais notre nièce d'une vie plus confortable que celle à laquelle tu aspires présentement. Avec Mme Fox, elle sera élevée comme la fille d'un gentleman.'

-'Mais…' Désespérée, Kitty secoua la tête. 'Lizzie, elle est de notre famille. Elle a besoin de nous. Je comprends que Mr Darcy ne puisse pas l'accueillir à Pemberley, mais pourquoi ne pas me verser l'allocation qu'il offre à Mme Fox afin que je puisse être celle qui en a la garde?'

Elizabeth détestait le rôle qu'elle devait jouer et la dureté de la réalité qu'elle devait lui présenter. 'Kitty…tu sais bien que c'est impossible. Jamais Darcy ne prendrait une décision qui irait à l'encontre de tes intérêts. Et même s'il acceptait, Père serait le premier à s'objecter à cette décision et tu es encore sous ses ordres. Il aura toujours le dernier mot.' Elle poussa un long soupir. 'Tu n'es pas mariée et sans l'approbation de ton époux pour adopter Edwina, tu n'auras aucun contrôle sur les décisions concernant son futur.'

Les yeux de Kitty se remplirent d'eau. 'Lizzie, je t'en supplie…Je sais que ce qu'il y a de mieux pour Edwina, c'est moi. Elle mérite d'être avec des gens qui l'aiment. Elle mérite de grandir dans une maisonnée remplie d'amour, de rire, de joie. Elle mérite de devenir une femme accomplie et appréciée, de se marier avec un homme qui la respectera également. Ses prospects seront peut-être meilleurs, mais qu'en est-il de son bien-être? Quels amis aura-t-elle? Quelle famille sera là pour elle?'

Elizabeth pinça les lèvres contre la tristesse qui monta en elle, se forçant à être forte pour sa sœur, à être la voix de la raison dans une situation qui lui crevait le cœur.

-'Je suis d'accord qu'elle serait mieux avec toi,' lui répondit-elle doucement, la gorge serrée. 'Elle n'aurait pas meilleure mère. Et j'aimerais tellement pouvoir t'aider, mais il n'y a rien que nous puissions faire, Kitty.'

-'S'il-te-plaît…' la supplia-t-elle à nouveau, ses larmes abondantes maintenant. 'Je lui ai promis de ne plus jamais l'abandonner.'

Lizzie posa une main sur la sienne pour la réconforter. 'Tu pourras venir la visiter très souvent. Beeley n'est pas très loin de Pemberley, à peine dix mille.'

Retirant sa main brusquement, sa cadette lui jeta un regard froid. 'Jamais je ne serai en paix tant et aussi longtemps qu'elle sera loin de moi.' La porte de la maison s'ouvrit et Darcy en sortit, posant son chapeau haut-de-forme sur sa tête. Kitty tourna la tête à nouveau vers Lizzie et s'empressa d'ajouter, avec détermination : 'Je trouverai un moyen, je le jure devant Dieu.'

Les adieux furent douloureux. Edwina pleura longuement dans les bras de Kitty, qui lui murmura des promesses à l'oreille, l'incitant à bien se comporter pendant qu'elle trouvait une solution pour qu'elles soient ensemble à nouveau. Sage et obéissante, l'enfant finit par sécher ses larmes et hocher la tête, avant de rentrer avec Mme Fox. Son air abattu n'échappa à personne et pendant un moment Elizabeth fut tentée d'intervenir et de supplier Darcy de reconsidérer sa position. Malgré son cœur lourd et douloureux, elle ne le fit pas et Edwina fut à nouveau confiée chez des inconnus.

Kitty remonta dans la voiture et, pour les derniers miles les séparant de Pemberley, garda obstinément son regard vers les paysages. Elle ne prononça pas un seul mot, son visage dur et fermé, et Elizabeth n'insista pas auprès d'elle. La vue de leur demeure lui apporta un grand soulagement et c'est avec lassitude qu'elle descendit de la voiture, offrant un sourire fatigué aux domestiques rassemblés pour les accueillir. Kitty ignora la main de Darcy et descendit sans aide, gardant ses distances lorsqu'ils prirent précédence pour rentrer à l'intérieur. Elle se dirigea rapidement vers l'étage dès qu'ils passèrent le seuil et Lizzie la regarda partir sans prendre offense. Elle n'avait aucun doute qu'elle ne reverrait pas sa sœur avant au moins le lendemain et elle jugea préférable de la laisser pleurer dans l'intimité de sa chambre. Seul le temps saurait consoler sa peine.

Dès qu'elle fut dans la sienne, Lizzie tendit Bennet à Abby et se laissa lourdement tomber sur sa chaise devant le miroir. La jeune femme déposa l'enfant endormit dans son berceau et revint vers sa maitresse pour l'aider à se débarrasser des traces de son long voyage.

-'Vous êtes très pâle, Mrs Darcy,' remarqua la femme de chambre avec un froncement de sourcils. 'J'imagine que votre séjour à Longbourne a été éprouvant.'

Elizabeth hocha la tête, fermant les yeux lorsqu'Abby dénoua ses cheveux pour y passer le peigne. Elle lui raconta brièvement les évènements, sans s'attarder sur les détails. Il était encore si étrange pour elle de savoir que sa mère n'était plus de ce monde. 'En vérité, je suis si épuisée que je peine à traverser mes journées.'

-'Il faut être indulgente envers vous-même, Mrs Darcy. Votre état n'est pas étonnant, vu les circonstances.' Échangeant le peigne pour une petite bouteille, Abby déposa quelques gouttes d'huile de rose sur ses doigts, qu'elle passa à travers les longues boucles brunes de sa maitresse. 'Et puis, maitre Bennet est encore très jeune et vos nuits ne sont pas réparatrices. Peut-être serait-ce plus raisonnable de prendre quelques jours pour vous reposer avant de commencer les préparatifs pour la saison de la chasse.'

Lizzie pinça l'arête de son nez, se demandant pourquoi elle avait accepté de recevoir à nouveau quelques mois seulement après la naissance de son fils. Bien sûr, elle n'avait pas prévu le voyage à Longbourne lorsqu'elle avait envoyé les invitations, ni le fait que son mois de septembre serait passé dans le Hertfordshire. Il ne lui restait donc que quatre semaines avant la venue des premiers invités et la liste de tâches s'allongerait de jour en jour.

-'Je vais essayer, mais cela pourrait se prouver être difficile.' Puis, se rappelant un détail, elle ajouta : 'Peut-être devrais-je faire venir le Dr Baker afin de lui demander un de ces toniques dont il m'a parlé après la naissance de Bennet.'

-'Dois-je envoyer la voiture afin qu'il se présente en matinée?' demanda Abby, tournant la tresse qu'elle venait de faire sur elle-même afin de la faire tenir sur le dessus de sa tête avec quelques pinces à cheveux.

-'Rien d'officiel,' l'avertit Elizabeth. Un bain chaud l'attendait et elle ne souhaitait rien de plus que prendre ce moment pour se détendre. 'Si Will apprend que je souhaite rencontrer le médecin, il va s'inquiéter et devenir impossible.'

Abby réfléchit un moment. 'Il pourrait venir sous le prétexte de faire l'examen de routine de maitre Bennet.'

-'Excellente idée,' approuva-t-elle et, satisfaite de cette solution, se dirigea dans la pièce adjacente.

La visite du Dr Baker donna exactement le résultat qu'Elizabeth avait prédit. Il diagnostiqua un surmenage et lui suggéra beaucoup de repos ainsi qu'un tonique, lui promettant qu'elle verrait une différence dans son niveau d'énergie d'ici quelques semaines. Lizzie passa plusieurs jours à remettre la maisonnée en ordre puis s'attaqua aux préparatifs. Une grande mission de nettoyage s'imposa et elle inspecta elle-même toutes les chambres, les fenêtres et les racoins de la maison, n'étant satisfaite que lorsque tout brilla comme un sou neuf. Sans l'aide de Georgiana et Vivianne, encore en visite chez Richard à Greenfield Park, ses journées furent bien remplies. Bien que silencieuse et effacée, Kitty lui offrit son aide, prenant en charge les visites aux villageois. Elizabeth eut l'impression que sa soeur saisissait toutes les opportunités d'éviter sa compagnie et cela l'attrista, mais aucune de ses tentatives d'aborder le sujet d'Edwina avec elle avait trouvé succès. Elle se résolu donc à attendre que sa cadette soit prête à s'ouvrir à elle de nouveau.

Octobre offrit très peu d'occasions de prendre l'air, la pluie étant au rendez-vous presque tous les jours. Pour une fois, Elizabeth ne s'en plaignit pas. Elle profita de la mauvaise température pour suivre les conseils du médecin et se reposer, partageant les heures de sieste de Bennet. Le tonique l'aidait à débuter ses journées, mais ses après-midis étaient longs et ses soirées pénibles. Lizzie n'avoua à personne que sa santé commençait à l'inquiéter. Son corps enflait, que ce soit ses jambes, son ventre, ses bras ou son visage. Elle qui avait rapidement retrouvé sa silhouette après la naissance de Bennet, elle avait maintenant l'impression de s'alourdir de jour en jour. De plus, sa fatigue lui semblait anormale, comme si quelque chose en elle aspirait chaque once d'énergie qu'elle possédait. Monter un simple escalier était suffisant pour l'obliger à reprendre son souffle et les nombreuses heures de sommeil qu'elle se permettait ne suffisaient pas à lui redonner l'abondante énergie qu'elle possédait habituellement. Malgré ses craintes, Elizabeth ne chercha pas à revoir le Dr Baker. Elle avait trop à faire pour être alitée, mais elle se promit de prendre tout le temps dont elle aurait besoin après le départ de ses invités à la mi-novembre.

Georgiana, Vivianne, Anne et Richard arrivèrent à Pemberley un peu avant la fin du mois. Kitty, qui semblait plus heureuse depuis quelques temps, accueillit ses meilleures amies avec une joie qu'elle n'avait pas exhibée depuis son propre retour. La maison sembla soudainement pleine de vie et de rires, et l'atmosphère s'allégea, promettant de beaux moments. Un soir, alors que la pluie battait violemment contre les fenêtres, Elizabeth s'endormit en allaitant Bennet pour la nuit. Déjà habillée pour le repas du soir, elle réalisa qu'elle s'était assoupie seulement lorsque Darcy caressa doucement sa joue du bout de son doigt. Elle ouvrit les yeux avec un petit sursaut et, déroutée, eut du mal à focusser sur le visage de son époux.

-'Je m'inquiétais de ne pas te voir descendre,' murmura-t-il, un sourire aux lèvres. 'Et je vois que j'ai bien fait d'être celui s'étant proposé de s'enquérir de ton état.'

Elizabeth dirigea son regard vers son fils endormi. Bien au chaud contre sa mère, ses joues rebondies arboraient une légère teinte rosée. Réalisant cependant que les yeux de son époux n'étaient pas rivés sur Bennet, mais sur sa poitrine découverte, elle eut un petit rire.

-'Ce n'est pas comme si cette vue ne t'était pas familière maintenant,' lui fit-elle remarquer en tentant de se couvrir, mais Darcy l'arrêta, glissant sa main contre sa peau exposée.

-'Hm, peut-être,' susurra-t-il, posant un baiser sur sa mâchoire, puis dans son cou. 'Mais je ne m'en lasserai jamais.'

Bien qu'elle appréciât ses avances, Lizzie ne se sentait pas la force de lui offrir ce qu'il recherchait. En fait, elle se sentait incapable de faire quoi que ce soit.

-'Will…Nous avons des invités,' protesta-t-elle en le repoussant gentiment.

Il haussa un sourcil moqueur. 'Depuis quand est-ce un obstacle pour nous?' Encore une fois, elle arrêta sa main baladeuse. Confus, il prit un peu de recul pour mieux l'observer. 'Tout va bien?'

-'Je crois que je vais te laisser faire les honneurs seul ce soir,' répondit-t-elle en baillant. Elle voulut se lever pour déposer Bennet dans son berceau, mais retomba contre les oreillers avec un soupir.

-'Laisse, je vais le faire.' Darcy fit le tour du lit et prit délicatement leur fils dans ses bras. Elizabeth observa la scène avec tendresse. Pour un homme qui avait si peur d'être père, il remplissait ce rôle à la perfection. Il était complètement à l'aise avec lui, n'hésitant pas une seconde dans la manière dont il le tenait, ni lorsqu'il finit par le déposer dans son berceau. Remontant la couverture jusqu'à son menton, Darcy déposa un baiser sur son front et revint s'assoir près de sa femme.

-'Je voulais te dire,' commença-t-il avec un sourire, 'O'Shee est venu me voir aujourd'hui pour confirmer que toutes les familles étaient maintenant dans leur maison.'

-'C'est une bonne nouvelle! Et les récoltes?'

Son sourire s'affaissa quelque peu. 'Difficiles. Les sols sont saturés et impraticables, mais quelques jours de beau temps suffiraient pour laisser une chance aux cultures de se débarrasser un peu de l'humidité. Heureusement, une grande partie des champs sont vides et selon les estimations d'O'Shee, il ne devrait pas y avoir de manque.' Son expression prit un air sérieux. 'Il y a autre chose dont j'aimerais te parler.'

L'attention d'Elizabeth fut piquée et elle se redressa sur son coude pour mieux l'observer. 'Cela semble important.'

Il hocha la tête. 'As-tu remarqué que Kitty passait beaucoup de temps avec O'Shee ces derniers jours?'

Fronçant les sourcils, elle secoua la tête. 'Non, je n'ai pas remarqué, mais je sais qu'elle croise souvent son chemin lorsqu'elle visite Mrs Beauchamps.'

-'Ils sont souvent vus ensemble. Seuls,' pointa Darcy, qui visiblement semblait croire qu'une investigation était de mise.

-'Comme escorte, oui. Il est de la famille, après tout.' Elle étudia son époux plus attentivement, essayant de devenir ses pensées. 'Tu crois que Mr O'Shee courtise Kitty?'

-'Que ce soit le cas ou non, il faut que l'on intervienne avant qu'ils aient l'idée de créer un attachement.'

Elizabeth ouvrit la bouche pour protester, puis se ravisa. Elle avait été si occupée dans les dernières semaines qu'elle n'avait pas porté attention aux agissements de sa sœur. Après tout, elle lui faisait confiance de ne pas se mettre les pieds dans les plats. Kitty était certainement consciente que la position dans laquelle Mr O'Shee se trouvait rendait impossible quelconque entente matrimoniale sans lourdes conséquences sociales.

-'Kitty est trop prudente pour donner suite à des attentions de la part d'un homme qu'elle sait sous sa station,' la défendit Lizzie, bien qu'elle sût ses mots sans grande conviction.

-'J'espère seulement qu'elle est aussi prudente avec son cœur qu'elle l'est avec sa réputation,' commenta Darcy. Avec un air résolu, il ajouta : 'Je parlerai à O'Shee, pour mettre les pendules à l'heure.'

-'Je suis certaine que nos inquiétudes sont infondées. Après tout, Mr O'Shee est un homme respectable et je suis convaincue qu'il ne ferait rien pour salir notre famille.'

Darcy approuva d'un bref hochement de tête. 'Tu as probablement raison, mais vaut mieux jouer la prudence que de le regretter plus tard.'

-'Je parlerai à Kitty,' promit-elle, reprenant place contre ses oreillers. 'Mr O'Shee s'est-il encore excusé du repas de ce soir?'

Cette fois, Darcy ne put s'empêcher de rire. 'Tu le connais. Il est reparti il y a plus d'une heure.'

-'Dans cette température?' s'exclama-t-elle, sous le choc. Comme pour soutenir ses dires, le tonnerre gronda au loin et la pluie ragea de plus belle. 'C'est à croire qu'attraper sa mort est moins intimidant que de partager notre table.'

-'Il fera également tout son possible pour éviter de se présenter ici lorsque nos invités seront à Pemberley.'

-'Sans aucun doute.' Elle poussa un long soupir, incapable de contempler l'horaire des prochains jours sans ressentir un grand découragement. 'J'ai déjà hâte que ce soit terminé.'

-'Nous n'étions pas obligé de recevoir à nouveau cette année…,' lui dit-il, devinant son malaise. 'Je n'ai rien dit parce que je croyais que tu y tenais.'

Les paupières d'Elizabeth se fermèrent malgré elle. 'Il est un peu trop tard pour les regrets, maintenant…Et puis, ne voulais-tu pas offrir une nouvelle opportunité à Mr Parker et Georgiana d'apprendre à se connaître?'

-'Tu sais très bien que je ne suis pas pressé de voir ma sœur épouser quelconque gentleman.' Elle sentit sa main dans ses cheveux, tirant sur les épingles qui retenait sa lourde chevelure en place. Il dégrafa également sa robe et l'aida à s'en dévêtir, avant de remonter la couverture jusqu'à son cou, comme il l'avait fait pour leur fils. 'Veux-tu que je te fasse monter un plateau?'

Elle secoua la tête. 'Non…je veux seulement dormir.'

Darcy l'embrassa doucement, puis quitta la pièce. Elizabeth dormait avant même que la porte se soit refermée derrière lui.

(-*-)

Au mois prochain!