Coucou tout le monde, j'espère que vous allez bien. Le chapitre a été plus long à venir mais le voici.

Bonne lecture.

Chapitre 11 : Grand-père

Une bataille. Sanglante. Des morts, partout. Et Lancelot. Qui se bat contre un homme et en vient aisément à bout. Au moment où il se tourne, une flèche l'atteint, transperçant son armure.

Morgause se réveille en sursaut, un cri de désespoir lui brûlant la poitrine.

— Morgause, tout va bien, ce n'est qu'un cauchemar.

La jeune femme regarde le chevalier avec une angoisse nouvelle sans pouvoir répondre. Il la sert contre lui alors que la dame tente de reprendre son souffle. Jamais vision n'a été aussi aussi courte. Morgause n'a rien, aucun indice. Tout ce qu'elle sait, c'est que Lancelot va mourir. Et qu'elle doit empêcher cela d'arriver.

— Ce n'était qu'un cauchemar, répète Lancelot en la berçant.

Morgause secoue la tête en se détachant, regardant le chevalier avec hésitation.

— Je suis Picte, rappelle la jeune femme. Mon peuple vit sur ces terres depuis la nuit des temps. Nous étions déjà ici quand la magie flottait dans l'air.

— La magie ? répète Lancelot avec scepticisme.

— Elle était chose courante avant que Rome n'envahisse cette île et que nous soyons contraints de nous cacher. Sous peine de finir sur le bûcher. Je suis bien plus Picte que Romaine, contrairement à mon frère. Il y a de cela des années, ma mère a supplié Arthur de nous laisser rejoindre notre peuple pour une raison bien précise. Ma sœur et moi commencions à manifester certaines… capacités passibles de la peine de mort. Nous faisons partie des rares Pictes à avoir la magie coulant dans nos veines.

— Qu'essaies-tu de me dire ? se crispe Lancelot. Que tu es une sorcière ?

— Ta façon de présenter la chose est limite injurieuse, fait remarquer la jeune femme. Mais, j'imagine que c'est une façon de me nommer. Mon peuple m'appelle plutôt prophétesse, cependant. La dernière des prophétesses. C'est pour cela que nous avons fuit à la mort de mon père.

— Tu vois l'avenir ?

— Entre autres.

Morgause regarde le chevalier, se demandant si elle a bien de lui en parler. Lancelot a toujours semblé ouvert d'esprit. Mais, il s'agit de quelque chose qui dépasse l'entendement. La magie n'a plus sa place sur cette île depuis très longtemps et certains Bretons eux-mêmes ne croient plus en leurs origines, les classant dans les mythes et légendes.

La jeune femme se lève du lit avec une légère angoisse. Lancelot aura le pouvoir de la faire brûler si elle lui montre sa magie. Mais, si cela peut lui sauver la vie, elle doit essayer. Alors, la dame ferme les yeux et laisse la magie qui coule dans ses veines se déverser. Une bourrasque s'élève dans la pièce alors que la flamme des chandelles enfle et s'élève. Morgause rappelle sa magie à elle et tout redevient calme. Alors, seulement, elle ose ouvrir les yeux.

Le chevalier la regarde avec effarement, la bouche grande ouverte. Son expression aurait pu être amusante dans d'autres circonstances. De celles où Morgause ne se serait pas dévoilée.

— Cela t'effraie, constate la jeune femme.

Lancelot prend une lente inspiration en refermant la bouche, son esprit vide de toutes pensées.

— Crois-tu que je mérite d'être condamnée à mort à cause de ma nature ? insiste Morgause avec tristesse.

L'image de Morgause face à un bourreau devant une foule en colère ramène l'homme à la réalité. Lancelot se lève et rejoint la jeune femme, prenant son visage entre ses mains.

— Jamais je ne laisserai qui que ce soit te faire du mal, promet-il. Mais je ne comprends pas pourquoi tu me dis cela maintenant ?

— Je viens de te voir mourir, annonce Morgause.


— Et donc, tu as trouvé judicieux d'avouer ce dont tu es capable à un chevalier lié à Rome ?

Mordred est furieux. Le seigneur est sur le départ et la dernière chose dont il a besoin, c'est de savoir que Morgause est devenue complètement inconsciente. Si Dieu existe, Mordred le supplie de la ramener à la raison.

— Je l'ai vu mourir, répète la jeune femme comme si cela justifiait tout.

— Et alors ? C'est un chevalier ! Connais-tu l'espérance de vie qu'ils ont ? Surtout les chevaliers Sarmates. Ils sont envoyés sur les pires missions, c'est déjà un miracle que ton Lancelot soit toujours en vie après dix années de service.

— Je ne saurais me pardonner de l'avoir laissé mourir, crie Morgause pour faire taire son ami.

Face à l'éclat de voix, certains chevaux s'agitent. Ils sont dans les écuries, profitant d'un moment seuls pour parler.

— Et si c'était lui qui provoquait ta mort ?

— Il ne ferait jamais cela, proteste Morgause.

— Tu l'aimes à ce point que tu lui accordes une confiance aveugle ?

— Oui ! hurle Morgause en poussant Mordred, résistant à l'envie de le gifler.

Mordred ne répond rien, laissant échapper un rire amer. Il a tout. Un château, le pouvoir, la santé, le physique. Lancelot est asservi, ne possédant aucun bien. Et pourtant, Mordred échangerait volontiers leur place. Parce que ce chevalier possède la seule chose que le blond désire plus que tout. Morgause. Et le jeune seigneur a la sensation qu'on lui plante un poignard en plein coeur. Il doit s'en aller, rejoindre l'Orcanie pour une durée indéterminée. Et il va devoir s'y plier en sachant que cela ne fera que rapprocher encore Morgause et Lancelot. Alors que Mordred souffrira de cette séparation en laissant une partie de son âme derrière lui, cette femme trouvera le bonheur dans les bras d'un autre.

— J'ignore pourquoi mais, je lui confierais ma vie, avoue Morgause sans oser le regarder. Je l'aime et je sais qu'il m'aime aussi.

— Bien, soupire Mordred. Fais comme bon te semble, Morgause. Si tu crois que ton frère sautera de joie en apprenant la nouvelle et que Méléagant appréciera d'être éconduit pour un vulgaire chevalier asservi, soit. Ce ne sera plus mon problème de là où je serai.

Morgause déglutit, blessée. Mais, elle acquiesce et n'a pas le temps d'ajouter quoi que ce soit que son frère et les chevaliers entrent dans l'écurie avec bonne humeur, Aliénor et Taran sur les talons. L'enfant court se jeter dans les bras de la dame qui l'intercepte de bonne grâce.

Kaerenn, souffle-t-il en lui souriant.

— Je suis heureuse que tu viennes avec nous, avoue Morgause.

— Nous devons saluer l'évêque Germanus, rappelle Arthur. Il part demain, il ne sera donc plus là à notre retour.

Morgause se mort la langue et grimace un sourire. Elle espère être convaincante mais, devant l'air septique de Lancelot, la jeune femme craint devenir bien moins douée dans son rôle au fil des mois. Ils prennent leurs chevaux et se rendent dans la grande cours où les attend l'évêque avec une mine sérieuse de circonstance. Le vieil homme échange quelques mots avec Arthur et Mordred avant de se rendre près de la jeune Dame.

— Ma tendre Morgause, sourit-il chaleureusement. Vous revoir a été pour moi un bonheur, vous êtes encore plus belle qu'avant si cela est possible. J'espère vous revoir très vite. Quel dommage que vous ne soyez pas restée jusqu'à mon départ.

— Je tenais à dire au revoir à Mordred, Mon Seigneur, répond Morgause avec douceur. Il a tant fait pour moi ces dernières années.

— Oui, bien sûr, acquiesce l'homme avec hésitation. Si j'avais eu une fille, j'aurais souhaité qu'elle soit exactement comme vous, sachez-le.

La haine incluse, vieillard ? Pense la concernée, crispée.

Morgause se contente de lui sourire avec une émotion feinte. Germanus la sert dans ses bras et Morgause profite que seul Mordred et Lancelot ait accès à son visage pour lever les yeux au ciel. La jeune femme ignore ce qu'il y a de pire. Que Germanus soit toujours en vie ou que ce fou éprouve réellement de l'affection pour elle. Une chose est certaine, ce dernier point la dégoûte outre mesure bien qu'il joue en sa faveur. Elle n'a pas beaucoup d'effort à fournir, cet homme est trop imbu de lui-même pour penser qu'elle peut le haïr.

Idiot, se dit Morgause en s'éloignant avec un sourire emplit de tendresse.

La jeune femme croit apercevoir une pointe d'humour dans le regard de Lancelot. Elle tique en comprenant qu'il se moque de sa situation. Du fait qu'elle soit obligée de feindre de l'affection pour un être qu'elle exècre alors que celui-ci, naïf, semble l'aimer beaucoup. Peu importe combien la notion d'amour est tordue dans cet esprit avare de pouvoir.

Ils finissent par monter en selle, Germanus enjoignant à Arthur de protéger sa sœur alors que cette dernière résiste mal à l'envie de lui montrer qu'elle n'a besoin de personne pour sa protection. Ils quittent la cours et se dirigent vers les grandes portes principales du mur que plusieurs hommes s'attellent à ouvrir. Ils prennent ensuite la direction du sentier principal les menant à la forêt, traversant la plaine au galop.

Ils chevauchent un long moment, ne ralentissant qu'une fois couvert par les arbres. Mordred et Arthur parlent beaucoup, Bors participant de temps à autre. Aliénor s'est mise discrètement au côté d'Owein et ils discutent dans leur coin. Morgause est entourrée de Taran et Lancelot et l'enfant ne cesse de lui parler en Breton sous le regard légèrement exaspéré du chevalier qui vit mal de se faire voler l'attention par un si jeune garçon. Entendre Morgause rire sans savoir de quoi il retourne le tourmente plus que de raison.

Quand le ciel s'obscurcit et que Taran baille peu discrètement, Morgause demande de faire halte et Tristan leur trouve un coin où passer la nuit. Ils installent le campement, l'enfant toujours dans les pieds de la dame avec un chevalier soupirant de frustration de ne pas pouvoir parler si librement avec elle.

— Si tu continues de regarder l'enfant de cette façon, il risque de finir avec un trou en plein milieu du front.

Lancelot se tourne avec un léger malaise vers Kay. Ce dernier le fixe avec un regard vide d'expression et pourtant perçant. Le chevalier Kay a toujours été froid et solitaire. Il reste dans son coin et parle peu. Contrairement au reste de leur groupe, il n'a tissé de lien avec aucun d'entre eux. En fait, il ne porte d'intérêt à aucun d'entre eux. Il est donc surprenant que ce glaçon ait remarqué – et l'exprime – le regard peu commode de Lancelot.

— Arthur va te tuer, soupire Kay avec condescendance. Le commandant va faire comme à son habitude. Jouer les aveugles jusqu'à se retrouver devant l'évidence. Cela vous laisse quelques semaines de répit, tout au plus. Et après, il te tuera.

Kay hausse les épaules avant de s'éloigner et Lancelot soupire, se demandant si au moins l'un d'eux sera capable d'encouragement pour changer.

Morgause s'éloigne un instant avec Aliénor pour une toilette sommaire. La dame est plongée dans ses pensées alors que la servante lui lace sa robe dans le dos.

— Vous semblez préoccupée, fait remarquer Aliénor.

Morgause hésite un instant. Aliénor sait que Morgause est capable de voir l'avenir dans une certaine mesure. Mais ce n'est pas tant la vision que le moment où elle apparaît qui tourmente la jeune femme. Voir Lancelot mourir au moment où ils se rapprochent intimement ressemble à un mauvais présage. C'est ce qu'elle explique à Aliénor qui écoute d'une oreille attentive, comme toujours. La jeune servante reste un moment silencieuse avant de parler.

— Dame Morgause, je ne vous ai jamais connue heureuse. Vous n'avez eu de cesse d'être parfois triste, en colère ou complètement désespérée. Je ne peux vous aider pour ce que vous avez vu car je n'y entends rien dans ce domaine mais… Je peux vous dire que si un homme vous convient, il semble que ce soit lui.

Morgause réfléchit à ses paroles alors que la jeune servante s'en va. La jeune femme décide qu'elle pensera à cela plus tard.

Deux autres longues journées de trajet s'écoulent. Ils ne prennent pas beaucoup de pause, Mordred semblant étrangement pressé. Les deux semaines de voyages semblent se raccourcir au fur et à mesure que le jeune Seigneur accélère et prolonge les chevauchés. Et Morgause perd patience. Premièrement parce que le jeune Taran semble avoir du mal à tenir ce rythme effréné. Deuxièmement car, la jeune femme a eu à peine le temps d'adresser plus d'une phrase à Lancelot sous le regard glacial de son ami. Et troisièmement parce qu'il s'agit du seul moment où Mordred lui accorde de l'intérêt, l'ignorant froidement et refusant de lui parler. Son comportement n'échappe d'ailleurs pas au reste du groupe qui voit Morgause se tendre et son regard promettre une mort lente et douloureuse à celui qu'elle considère comme son ami le plus cher.

Le troisième jour, alors que Taran tient à peine en selle sous l'épuisement, Morgause tire les reines de son cheval et de celui de l'enfant. Aliénor et Owein s'arrête de justesse derrière eux. La dame reste immobile, ne prononce pas un mot et attend. Lancelot est le premier à remarquer qu'elle ne suit plus, les autres suivant le mouvement au fur et à mesure. Arthur la regarde avec inquiétude.

— Quelque chose ne va pas ? s'enquit ce dernier avec tendresse.

Mais le regard d'ordinaire chaleureux de sa jeune sœur est aussi froid qu'un lac gelé alors qu'elle fixe Mordred avec animosité. Il lui rend son regard et un duel que personne ne semble comprendre prend part. Le silence des autres est gêné. Ils sont visiblement de trop mais aucun d'eux n'osent bouger. Certains osent à peine respirer. Morgause est dans une colère foudroyante et elle semble lutter contre elle-même pour repousser la noirceur de son âme qui lui souffle de planter une flèche entre les deux saphirs de Mordred. Elle est autant énervé qu'elle est blessée par son attitude. Et la jeune femme transforme cette blessure en rage, alimentant le feu qui la dévore mais qui est bien plus gérable que la peine.

Elle descend de son cheval comme au ralenti, sans jamais quitter Mordred du regard qui serre les mâchoires devant le comportement dominateur de Morgause. Toujours sans rien dire, elle lui tourne le dos et s'enfonce dans les bois et, si les autres chevaliers ne comprennent absolument pas où elle veut en venir, le blond a parfaitement saisit l'ordre silencieux. Jurant avec colère, Mordred descend de cheval.

— Et dire que c'est votre Dieu qui est responsable de l'existence de la femme, grince Mordred en lançant un regard lourd de reproche au commandant, comme s'il s'agissait du véritable coupable.

Le frère de Morgause sourit avec humour en regard Mordred suivre docilement les pas de Morgause.

— Sacré femme, fait remarquer Bors en haussant les sourcils. Elle ferait un commandant impressionnant.

— Elle a un caractère assez fort, admet Arthur en souriant avec fierté.

Morgause, qui s'est éloigné suffisamment pour parler discrètement, assassine son ami du regard alors qu'il la rejoint d'un pas lourd.

— Qu'y a-t-il ? l'agresse-t-il et elle sert les poings.

— Je peux savoir ce qu'il te prend ? On dirait que tu as le Diable aux trousses !

— Je suis impatient de retrouver mes terres.

— Où de te débarrasser de moi ! Tu refuse de me parler depuis que nous sommes partis.

Mordred ouvre la bouche sans pouvoir répondre devant l'évidence. Il a blessé Morgause. Pas parce que leur allure est excessivement rapide. Mais, parce qu'il l'a ignoré. Et, quelque part, il en est satisfait. Cela veut dire qu'il a de l'importance pour elle. Mais pas autant qu'un autre.

— Si je te demandais de rentrer avec moi ? demande le jeune seigneur sans la regarder. Je croyais que tu ne voudrais plus jamais d'un homme alors, j'ai toujours été discret sur ce que je ressentais pour toi. D'abord à cause de mon père et ensuite car il t'avait bien trop blessée. Si j'avais eu ne serait-ce qu'une once d'espoir, je t'aurais demandé de m'épouser…

— Mordred, le coupe Morgause, indignée.

Le concernée pince les lèvres.

— Est-ce parce que tu as partagé le lit de mon père ? s'enquit Mordred en se rapprochant de Morgause, la prenant le bras. Il n'y avait rien de normal ou naturel dans votre mariage. Mon père avait une obsession malsaine à ton égard et il était obnubilé par ta souffrance. Ce n'était pas un mariage mais une punition ! Je ne te traiterai jamais comme cela !

— Alors commence par lâcher mon bras car tu me fais mal, grimace Morgause.

Mordred constate alors qu'il a serré l'avant-bras de la jeune femme bien trop fort et que cela laissera sans doute une marque. Il recule comme s'il s'était brûlé, n'osant pas la regarder. Il a dérapé, encore. Le tempérament de son père est sans doute bien plus ancré en lui qu'il ne le pensait. En voyant son visage torturé, Morgause s'adoucit et va poser sa main sur la joue de son ami.

— Je suis désolée de ne pas pouvoir te donner ce que tu espères de moi. Je ne peux te voir autrement. Si le destin avait été clément avec moi, tu aurais été mon mari à la place de Lot. Et sans doute que l'enfant que j'étais alors t'aurait aimé comme tu mérites de l'être. Mais… Lot m'a cassée. Il ne s'est pas contenté de me faire plier ou de me soumettre. Il a brisé chaque facette de moi qui lui déplaisait, alimentant avec dévotion la noirceur qu'il y avait en moi. Et là où il a commis l'irréparable, c'est qu'il a fait de même avec toi. Deux êtres brisés par la même personne ne peuvent être ensemble. Nous avons besoin de lumière pour ne pas sombrer. Et je l'ai trouvée au Mur. Mais ce n'est pas toi. Et ça ne le sera jamais peu importe combien j'ai de l'affection pour toi.

Morgause vient de lui arracher le coeur et les tripes avec une innocence frôlant le sadisme. Mordred peine à rester sur ses jambes, son âme en lambeau. La jeune femme a raison sur bien des point. Lot les a brisé tout les deux bien que de manière différente. Il leur a insufflé une noirceur qui a empoisonné ce qu'il y avait de bon en eux. Là où la jeune femme se trompe, c'est que pour Mordred, la lumière le maintenant hors de cette obscurité, c'est elle. Et l'entendre avouer à demi-mot que Mordred l'entraîne vers le bas au lieu de la mener vers la lumière lui déchire les entrailles.

Où peut-être a-t-elle raison. Mordred n'a connu que l'âme noire de son père toute sa vie. Lot empêchait sa femme de s'occuper de leur fils. Le jeune seigneur a donc fort peu connu sa mère qui était bien plus souvent enfermée – dans sa chambre ou le cachot préféré de Lot. Si Mordred a vu sa mère dix fois sur ses quinze années d'existence, cela est déjà beaucoup. Alors peut-être que Mordred aime autant Morgause car elle a un côté rassurant, lui rappelant qu'il n'est pas le seul à avoir été enseveli sous un tas de haine et de colère. Il aime la noirceur de la jeune femme bien plus qu'il ne veut l'avouer. Et là où le jeune homme a jeté les armes et acceptent la déchéance de son âme, Morgause se débat encore pour rejoindre la lumière.

Alors Mordred comprend. Il suffit d'attendre. Parce que Morgause se fait des illusions. Le destin pour les gens comme eux est noir comme de l'encre. Morgause échappera sans doute à l'obscurité un temps mais, un jour, le destin lui rappellera que la lumière l'a rejetée le jour où elle est entré dans le domaine de Lot. Elle saura que son âme s'est perdue quand Lot l'a traîné dans sa chambre, à la minute où il l'a vue, pour la posséder des heures durant alors que ses hurlements de douleur et de terreur faisaient pleurer le château. La lumière de Morgause est éparpillée à jamais dans les différentes pièces où l'a torturée Lot.

Donc, oui, Morgause finira par lui revenir. Mordred doit simplement être patient.


Enora écoute mais, son esprit est troublé. L'information concernant Morgane lui laisse un goût amer dans la bouche. Elle a peur de poser la question mais, elle ne peut résister longtemps.

— Tristan savait que Morgane était… son faucon bien-aimé, grince la blonde.

— Par tous les Dieux, non, s'exclame Morgause en s'étouffant presque.

Enora sent le soulagement l'étreindre bien que le comportement du volatile soit un peu plus compréhensible. Voilà pourquoi cette bête ne pouvait pas supporter la jeune femme et c'est pour cela que cette dernière trouvait des airs d'humanité dans les yeux de ce faucon. Les éclats vers dans le regard perçant de cette chose prend un sens également. Morgane était là, tout ce temps. Évidement, depuis la bataille contre les Saxons durant laquelle Tristan a rendu sa liberté à l'animal, le faucon n'est pas réapparu. Enfin, Morgane n'est pas réapparue.

La blonde a juste le temps de constater que Morgause a invoqué les Dieux et pas Dieu tout court qu'une porte s'ouvre sur une servante apeurée.

— Le roi vous convie pour le souper, bégaye la pauvre fille sous le regard réfrigérant de Morgause Castus.

— J'ai peur de ne pas comprendre, grince Morgause, se transformant.

La jeune femme a été plutôt agréable jusqu'à présent. Elle parle à Enora non pas comme à une amie mais, avec respect. L'idée de se retrouver face à Arthur vient de la transformer en glaçon. Si un regard était apte à tuer, la servant brûlerait sans doute sur place. Et, à bien y penser, Enora n'est guère certaine que Morgause ne soit pas capable de tuer cette pauvre fille d'un regard. C'est pourquoi, sans doute, elle intervient.

— Je meurs de faim, s'exclame la blonde en se levant. Le nouveau cuisinier est génial, vous devriez essayer.

Morgause regarde la petite blonde avec méfiance. Enora ne sait exactement à quoi elle pense et encore moins ce qui la convainc mais, Morgause finit par acquiescer et se lever. Droite, avec une démarche royale et gracieuse, elle rejoint la porte, Enora sur les talons. Elles arrivent dans la grande salle où les chevaliers proches d'Arthur sont présents, tendus. Tristan rejoint Enora qu'il prend par le bras pour l'éloigner de Morgause alors que la blonde marmonne avec mécontentement. Arthur et sa femme, Guenièvre, sont debout et la regarde avec prudence. Et il y a Merlin.

Le regard du conseiller de Merlin se voile avec tristesse et inquiétude alors que Morgause sent une nouvelle la colère l'envahir, faisant naître en elle des envies sanglantes.

— Je vois que même mon grand-père est convié, raille la jeune femme avec un sourire glacial.

Bors s'étouffe avec le vin, Galahad lâche le couteau avec lequel il s'amusait, Gauvain renverse son verre dans son assiette, Dagonet fixe Merlin la bouche entrouverte. Et Enora :

— Je crois que j'ai besoin de m'asseoir !


Et voilà,

N'hésitez pas à laisser un avis, je réponds toujours avec plaisir et je sais que vous passez, les statistiques ne mentent pas lol et même si les fantômes sont charmants, j'aime qu'il laisse une trace de leur passage :)

Bisous,

Rose