On abandonne pas une vie parce qu'elle est bancale
Prologue
C'était pendant une chaude journée d'été, le soleil étincelait dans le ciel limpide couvant tendrement un petit village français perdu au milieu des montagnes et des bois. Quelques centaines d'habitant vivaient là, enfermés, cloîtrés, ignorant du monde extérieur, de la crise, de la souffrance, des horreurs qui s'y passaient. Pour eux leur village était une bénédiction protégée par une entité bienveillante les éloignant des effroyables histoires qui se contaient, chacun se connaissant depuis des générations, ils se pensaient en sécurité.
Malheureusement, ce n'était qu'une pitoyable illusion de leur aveuglement créée par la crainte de reconnaître la crasse humaine.
Ils avaient cru pouvoir se protéger eux et leurs enfants de la dure réalité, de l'injustice. Ils s'étaient battus pour cela, espérant être libérés des grandes villes étouffantes, cependant, il n'en fut pas ainsi, à vouloir fuir les scandales du monde, ils y plongèrent, ils s'y noyèrent en ce mercredi 11 mai 2008, ce jour brisa leurs croyances, leur rendant la vue qu'ils avaient perdue il y a bien longtemps. Les aveugles pleurèrent alors d'horreur, il n'y avait rien de plus effroyable que de voir son monde, son univers, ses rêves s'effondrer en une seule et unique journée, en à peine 24 heures, ce tranquille petit village perdu au milieu de nulle part, inconnu de tous, devint le théâtre d'un ignoble scandale.
Le rêve devint cauchemar, un insupportable et épouvantable cauchemar.
Un homme d'une petite trentaine d'année vêtu de son uniforme de travail venait de quitter un poste de police, il paraissait soucieux par l'appel qu'il avait reçu, se demandant la raison de cet état d'inquiétude chez son amante. Il traversa à la hâte la route, rejoignant la voiture grise garée à la va vite. Il se mordit la lèvre inférieure, s'efforçant de ne pas faire de commentaire sur la négligence du stationnement, et arrivé à la hauteur de la vitre, cette dernière se baissa, il en fit de même.
- Tu vas m'expliquer ce qui se passe ? Grogna-t-il à la femme au volant.
- Monte ! Répondit-elle simplement.
Le policier soupira, dépité par son comportement mais, ne discuta pas et obéit et la voiture démarra. Il vit la route défiler, les maisons de même, sans savoir où elle l'emmenait.
- Alors ? Tu vas enfin m'expliquer ce qui se passe ? Demanda-t-il au bout de quelques minutes de silence.
La femme soupira, marmonna avant de finalement se garer dans un coin sombre, elle se retourna vers lui qui haussa un sourcil de surprise.
- Tu me promets de m'aider ? Sa voix était tremblotante, inquiétante.
- Qu... Quoi ? Tu me fais peur Anna ! Il se passe quoi à la fin !? S'écria-t-il excédé par ses mystères.
- Tout d'abord, j'ai besoin de savoir si tu me fais assez confiance pour m'aider !
Ses yeux bruns montraient une telle supplication qu'il se trouva bien incapable de trahir la femme face à lui, il soupira se grattant l'arête de son nez sachant pertinemment qu'il allait avoir des ennuis.
- Oui, Anna, je vais t'aider.
Il se tut un instant et répéta en la regardant dans les yeux :
- Quoique tu me demandes je vais t'aider.
Elle parut convaincue par sa sincérité quand elle recula sur son siège en poussant un soupir soulagé. Il l'observa et vit l'anxiété qui montait soudainement en elle, ses mains tremblaient, ses lèvres se pinçaient par intermittence. Il ne savait pas encore ce qui l'avait autant bouleversée mais, cette impuissance lui était insupportable, il s'apprêta à la questionner une nouvelle fois mais, elle le coupa.
- Je crois qu'il se passe quelque chose de terrible dans ce village.
A l'entente de cette phrase il se rapprocha d'elle essayant de saisir le sens de ses mots.
- Dis moi Anna, dis moi ce qui te fais penser ça. Chuchota-t-il en prenant délicatement sa main.
Elle tourna vers lui son visage, il était devenu une hideuse grimace de tristesse ou de colère, il ne savait pas vraiment.
- Il y a un enfant qui n'est pas retourné en cours depuis des semaines. J'ai essayé de contacter son tuteur en vain, je suis allée en parler avec le directeur et les autres professeurs mais...
Un sanglot étreignit soudainement sa voix, elle s'efforça de se calmer et reprit :
- Mais, personne ne semble trouver cela anormal. Quentin ! Un enfant de onze ans qui ne va pas à l'école et qui disparaît littéralement ce n'est pas normal ! Je ne sais plus quoi faire ! Je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter, et si quelque chose d'horrible lui était arrivé ! Je t'en prie aide moi, Quentin ! Aide moi !
Il prit son amante dans ses bras essayant de la consoler, enlacés l'un à l'autre, il caressa ses fins cheveux bruns, les embrassa plusieurs fois.
- Chut, Anna, je vais t'aider, je vais t'aider.
Il prit son visage entre ses mains et la regarda dans les yeux.
- Où habite l'enfant, Anna ?
- Tu es vraiment sûr ? Tu risques d'avoir des ennuis par ma faute.
Il ricana par l'ironie de cette phrase.
- Ce n'est pas toi qui m'as demandé de l'aide ?
Il vit qu'elle allait protester mais, il ne la laissa pas faire, coupant sa voix par un baiser tendre.
- Je vais le faire, je vais aller là bas et trouver cet enfant, d'accord ?
Ils s'embrassèrent silencieusement, se promettant de le trouver coûte que coûte.
Il claqua la portière laissant son amour seule dans la voiture, il ne voulait pas qu'elle se retrouve dans une situation compromettante et entrave sa carrière d'enseignante, il avait eu du mal à la convaincre mais il avait réussit à la raisonner.
Il se dirigea d'un pas pressant vers la petite maison pavillonnaire identique aux autres maisonnettes, il eut du mal à imaginer un quelconque drame se dérouler dans un endroit aussi banal mais, il était un policier, il avait apprit avec l'expérience qu'aucune maison n'était à l'abri de l'horreur, bien au contraire, c'était celles qui semblaient les plus normales qui s'avéraient cacher les plus monstrueux secrets. Il jeta un œil aux alentours s'assurant que personne dans le voisinage ne l'épiait. Il alla devant la petite porte en bois noire, se retourna vers son amante montrant une dernière fois l'appareil dans ses mains, elle hocha la tête, signe qu'il pouvait y aller. N'ayant pas les clefs, il força la porte qui céda vite sous ses coups, et entra.
L'intérieur de la maison était assez petit et silencieux. L'entrée était un long couloir étriqué de couleur taupe mais, Il ne s'y attarda pas, ni au paillasson neuf, ni à la décoration sobre. Il avait été attiré par le portemanteau accroché un peu plus loin, sur lequel il remarqua plusieurs vêtements suspendus. Il s'avança pour les atteindre, les effleura cherchant un habit trop étroit pour un adulte, il en trouva un de couleur sombre, il le prit et fouilla les poches mais, ne trouva rien. Il recula et trébucha sur un petit carton, il se baissa et le tira pour voir ce qui s'y trouvait, une paire de chaussure de toute petite taille appartenant forcément à un enfant. Il se gratta l'arête de son nez, dérangé par l'étrangeté de cette situation.
Il continua cependant son exploration, longeant les murs nus qui lentement s'étirèrent, il se trouva face à quatre portes identiques. Il ouvrit celle la plus proche, il déboucha alors dans un séjour, une table de chêne entouré de deux chaises jumelles étaient précédés par un canapé noire trônant fièrement au centre de la pièce, une timide télé était camouflé dans un coin, sur un meuble si discret qu'il semblait se fondre au mur.
Il s'avança prudemment dans la pièce, remarquant immédiatement le son des mouches voletant autour d'assiettes encore pleines de nourritures délaissées, sans doute depuis un certain temps. Il fronça les sourcils s'apercevant que cette maison semblait cacher une bien triste histoire, un manteau, des chaussures d'enfants et maintenant des assiettes pleines qui ne dataient pas d'hier. Anna ne semblait pas s'être méprise, il y avait bien quelque chose de faux ici et pour un homme vivant avec un enfant, les murs étaient bien trop vides, aucune photo de personne, pas de jouet rien qui laissait paraître l'existence d'un petit garçon. Cet endroit était vide, effroyablement vide et silencieux, il n'imaginait pas quelqu'un habiter un lieu aussi impersonnel.
Il s'avança un peu plus dans la pièce, il aperçut alors au loin une cuisine mais, il décida de ne pas s'y attarder ne voyant pas ce qu'une si minuscule salle pouvait cacher. Il quitta le salon après quelques recherches futiles, et de retour dans l'entrée, il ouvrit la seconde porte. Il pénétra dans une chambre immense où un unique lit double était, encore une fois il fut surprit par la froideur que dégageait la pièce, s'en était presque insoutenable. Il la quitta assez rapidement se sentant au fil de sa visite de moins en moins à l'aise. Il étouffait presque, dévoré par cette atmosphère étrangement imposante beaucoup trop imposante pour lui. Il avait l'impression que les murs se rapprochaient de lui, qu'ils cherchaient à l'emprisonner, il avait alors la désagréable sensation d'être un insecte, un minuscule parasite enfermé dans une cage qui le mangerait si il ne s'en allait pas immédiatement. Sans le remarquer, il commença à trembler, haleter et lentement il devînt vulnérable, effroyablement vulnérable dans cette petite maisonnette.
Il s'approcha de la troisième porte, il découvrit une belle salle de bain à l'aspect très moderne, les murs, les meubles étaient blancs, seuls le carrelage et la douche étaient d'un joli bleu donnant à la pièce un aspect irréel. Il se sentait plus à l'aise dans cette atmosphère douce et rêveuse. Il s'avança, passant la décoration et observa l'équipement. Il remarqua alors deux brosses à dents dans un verre, ainsi qu'un peigne et des serviettes. Il s'approcha un peu plus, curieux en voyant l'étrange teinte de l'une d'entre elles. Il la prit et la relâcha brusquement, reculant contre le mur, puis fronça les sourcils espérant qu'il se trompait, la serviette était par endroits brunâtre, et seul le sang laissait de telles marques.
Il quitta la salle de bain, la panique s'insinuant violemment en lui, et, réalisant ce qu'il voyait, il avait peur, réellement peur des conclusions qui lui venait à l'esprit. Il avait la désagréable impression que quelque chose de terrible s'était passé entre ses murs.
Il alla dans le couloir, ouvrit la quatrième et dernière porte, il ne put retenir un hoquet de surprise et d'incompréhension en voyant ce que contenait la chambre qu'il supposait être celle de l'enfant. Rien. La pièce était vide, pas de lit, de jouets, comme il l'avait pensé. Non, devant lui se tenait juste une salle vierge de toute trace de vie.
- C'est pas possible ! Hurla-t-il
Il ne pouvait pas s'être trompé de maison, il avait bien vu les vêtements d'enfants ! Où ce gamin dormait-il alors ? Il était sûr de ne pas avoir loupé de porte ! Il avait fait le tour de la maisonnette il était pas si idiot quand même !? Soupirant, il vérifia encore une fois mais, à part un petit placard dans la cuisine il ne trouva rien. Il se gratta l'arête de son nez agacé par ce non-sens, il prit son talkie-walkie et contacta son amante :
- Anna tu m'entends ?
Il n'eut aucune réponse.
- Anna ? Recommença-t-il, grimaçant à sa voix un peu trop tremblante à son goût.
- Oui ? Alors tu l'as trouvé ? Comment va-t-il ? Comment...
Elle ne put finir sa phrase.
- Non. Dit il en réponse à ses questions.
Il y eut un court silence pesant entre les deux amants avant que la femme ne reprenne d'un ton un peu plus aigu.
- Non ? Comment ça non ? C'est pas possible ! Tu n'as pas regardé partout ! Il doit être quelque part ! Oh mon dieu ! Oh mon dieu et si, il lui était arrivé quelque chose de grave, oh mon dieu ! Commença-t-elle à paniquer.
- Anna, s'il te plait calme toi, ce n'est pas ta faute, d'accord ? Peut-être que, peut-être qu'il a fugué. Dit il en essayant de réconforter son amour qui culpabilisait.
- Fugué ? Non, pas lui, il n'est pas comme ça...
Elle se tut réfléchissant un peu, puis il entendit une portière s'ouvrir.
- J'arrive !
Il soupira quand il entendit cette phrase.
- Anna tu restes où tu es !
- Mais... Commença-t-elle.
- Non, Anna, non ! Tu vas avoir des emmerdes si, ils savent ce qu'on fait ! Tu restes dans la voiture, je vais continuer ! Il éteignit l'appareil ne la laissant pas répliquer.
Il soupira agacé, se gratta l'arête du nez et décida une nouvelle fois de faire le tour de la maisonnette mais, au bout d'une trentaine de minutes il s'affala sur le canapé, épuisé, angoissé et énervé. Il ne comprenait pas, ne savait pas où chercher. Il se sentait effroyablement impuissant et idiot, sachant pertinemment qu'il avait loupé quelque chose, quelque chose de terriblement important. C'est alors qu'il allait se relever après quelques minutes de réflexion qu'il entendit soudainement un bruit mat faire écho dans le salon, le faisant violemment sursauter.
- Qu'est ce que... D'où ça vient, putain !? S'exclama-t-il quand cela recommença.
Il fronça ses sourcils essayant de comprendre la provenance de ce son bien étrange similaire à un coup donné contre un mur. Il s'avança prudemment vers la cuisine, pourquoi il y avait un tambourinement dans cette pièce ? S'approchant avec méfiance il remarqua que cela provenait du petit placard qu'il avait méprisé jusqu'à présent. Il se pinça les lèvres, respirant calmement essayant de freiner la sensation hideuse de panique envahissant soudainement son esprit. Il tendit sa main vers le rideau métallique, commençant à le saisir doucement mais, par un renouvellement de martèlement, il le tira violemment, faisant encore face à une penderie devenue un hangar de vieillerie.
Pourtant, contrairement à la dernière fois il poussa les mobiliers voulant atteindre le fond, ses mains se posèrent contre le mur et chercha un renflement sous le papier peint, il fronça les sourcils quand il vit qu'il était neuf. C'est à peine quelques secondes plus tard qu'il sentit un creux sous sa paume gauche, n'hésitant pas, il arracha le papier peint mais, recula et toussa à cause de la poussière dans ce minuscule espace confiné. Il se frotta les yeux essayant de calmer l'irritation et de voir ce qui se cachait dans cette petite maisonnette. Un hoquet d'horreur fit soudain écho dans le silencieux salon.
- C'est quoi cette merde ?! Ne put il s'empêcher de hurler, réalisant ce qui se cachait dans ce petit placard.
Une grande porte en bois assez vielle à en juger des moisissures verdâtres et de certaines striures parant pratiquement toute sa surface, sûrement causé par le temps et l'humidité ambiant. Il remarqua la cavité qu'il avait trouvé, elle semblait être une poignée sans doute arrachée par les brisures qui longeaient les pourtours du renflement. Il approcha sa main droite de la porte effleurant le bois abîmé et irrégulier, il se pinça les lèvres quand ses doigts arrivèrent vers le creux. Il se pencha un peu examinant minutieusement cet espace, c'est avec une hésitation qu'il mit ses doigts à l'intérieur, essayant de l'ouvrir. La porte trembla sous la pression du policier, cédant rapidement laissant encore un épais nuage de poussière, il toussa, secoua sa main tentant de se protéger une nouvelle fois, il attendit quelques secondes avant d'ouvrir ses paupières.
Le noir, les ténèbres, l'obscurité, il distingua faiblement dans la brume une lumière blafarde en bas des escaliers de pierre, elle vacillait, sûrement étouffée par les abîmes de cet endroit hideux. Observant attentivement ce qui l'entourait, il remarqua que tout était en pierre et puait l'humidité et le renfermé au point de lui donner la nausée, il tira donc sa manche, essayant de protéger son nez. Il commença à descendre les marches avec prudence, ne voyant presque rien, il suivait uniquement la faible étincelle qui s'éteignait par intermittence. Il se sentait vraiment mal, étouffant dans cet escalier sombre et étroit.
Il arriva en bas des marches, ses pas résonnèrent dans le long couloir de pierre. Il sursauta au son et vit clairement la lumière provenant des plafonniers grésillant, se balançant de droite à gauche n'arrangeant pas l'atmosphère lourde, angoissante qui régnait. Cet endroit était étroit donnant l'impression que les murs se dévoraient entre eux, les lampes qui éclairaient d'une immonde couleur jaunâtre donnaient un air malade, cruel et froid à ce lieu. Il tâtonna un peu les murs rêches, glissant à cause de l'eau qui s'écoulait à certains endroits, et se mit soudainement à trembler, réalisant qu'il devait s'aventurer plus loin dans cet ignoble passage. Il marcha très lentement, maugréant de ne pas avoir de lampe torche, il avait la désagréable impression de se retrouver en plein film d'horreur cette pensée le fit devenir plus prudent encore. Si, il n'avait pas été aussi expérimenté et entraîné pour ce genre de situation, il serait très probablement entrain de pleurer. Il essayait de contenir sa respiration et son sang froid, voulant ignorer les grincements inquiétants des chaînes que les plafonniers faisaient, il se gratta l'arête de son nez à plusieurs reprises, supportant de moins en moins cette situation.
Il continua dans ce couloir noyé dans l'obscurité, et après un temps de marche il plissa les yeux à la vue d'une grande porte métallique puis les écarquilla, étonné de voir un semblant d'anachronisme dans cet étrange passage. Il s'approcha timidement de ce changement brusque, la poignée était en parfait état et semblait attendre d'être saisie. Il tendit sa main touchant du bout des doigts le fer gelé mais, d'un coup le tambourinement retentit le faisant violemment sursauter, il recula sous le choc de son effroi.
- Merde, merde, merde ! Maugréa-t-il une main sur son cœur affolé.
Il était terrifié complètement terrorisé, ne souhaitant qu'une chose, s'enfuir, son corps lui hurlant de partir, courir loin d'ici mais, il se força à se calmer, il devait savoir, il avait un enfant à trouver, il ne pouvait pas partir, pas l'abandonner. Il s'obligea à se calmer, essayant de contrôler ses tremblements et sa panique, il posa sa main droite sur la poignée, sentit la chair de poule, le froid et ses muscles se tendre prêt à affronter quelque chose. Lentement, il appuya sur la poignée qui fit un léger « clic » il serra ses mâchoires, ses ongles pressant sa peau fortement, attendit un peu avant de pousser la porte doucement, cette dernière s'ouvrit dans un immonde grincement faisant écho dans la petite maisonnette, mais le son fut couvert quelques secondes après par un effroyable silence.
Il ne vit que le noir, n'entendit que le vide, et commença à paniquer de nouveau, il n'était peut-être pas seul dans cette maison ! Si, quelqu'un l'attendait caché pour le tuer ? Que verrait-il en allumant la lumière ? Il fut si effrayé qu'il en devenait paranoïaque, ayant l'horrible impression que quelque chose d'insupportable l'attendait sagement, presque paresseusement ici. Il recula d'un pas, désirant ardemment s'enfuir loin de l'odeur nauséabonde, de cette étouffante pièce. Mais, il n'en fit rien au contraire, prenant son courage à deux mains, il chercha à l'aveugle l'interrupteur. Il balada une main hésitante contre le mur pour l'éclairer, et le trouvant, il se prépara psychologiquement en inspirant une grande goulée d'air. La lumière éblouit brusquement la cave, le forçant à fermer les yeux.
Horreur, horreur, horreur. Il s'effondra misérablement, sentant son esprit s'effriter lentement. Il ne pouvait croire ce qu'il voyait, impossible, la folie, c'était elle ! Pensait-il. Elle ! Lui donnant une hallucination, ça ne pouvait, ne devait pas être réelle ! Un sanglot étreignit sa gorge, il avait beau espérer que ce ne fut pas cela, il le savait, ce qu'il voyait n'était pas un mirage, c'était un cauchemar, un insupportable et ignoble cauchemar.
Il se leva, s'efforçant à rester calme, il explora la salle.
La pièce une vielle cave pierreuse, en son centre avait un lit double en bois épuisé par le temps, qui cachait une vie. C'était un enfant, un petit garçon terriblement maigre, ses os couvert d'une fine couverture de chair boursouflé d'effroyables blessures, sa peau blafarde était peinte de différentes couleurs, brunâtre, rougeâtre, violâtre. L'odeur était immonde rappelant la chair nécrosée, purulente, mais ce n'était pas surprenant au vu de la couverture sale et pitoyable, seul bien du petit garçon. Elle masquait à peine les insanités sur son corps ni l'étrange liquide blanchâtre s'étalant sur le matelas et le drap. Un frisson d'horreur secoua l'échine de l'homme, ignorant sciemment la provenance de cette immondice. Il s'avança prudemment du petit corps fatigué par la soif et la faim, il aurait pu le croire mort si sa poitrine ne se soulevait pas par intermittence et si il n'entendait pas sa respiration sifflante. Il voulu le prendre dans ses bras mais, des chaînes lourdes entravant ses poignets et ses chevilles meurtries l'en empêcha. La nausée et l'effroi reprirent, ne savant que faire pour ce misérable petit garçon prisonnier sur ce lit trop grand.
Il essaya de délivrer l'enfant de sa cage, ignorant le sang coulant lentement des anciennes plaies, et les croûtes hideuses qui s'arrachaient par le frottement du métal. Un bruit mat résonna soudainement dans la cave, les chaînes tombèrent lourdement au sol, l'homme avait réussit à dénouer les nœuds. Il prit l'enfant délicatement dans ses bras, enlevant sa veste pour couvrir la nudité du petit garçon. Il ne dit mot, se concentrant pour ne pas blesser le corps déjà trop brisé. Il fit le chemin inverse, arrivant à la cuisine, il posa l'enfant sur le canapé et sortit de sa ceinture son talkie-walkie, appelant son amante.
- Anna ? Anna ? Répond ! La pressa-t-il
- Oui ?! Tu en as mis du temps alors, est ce que tu as trou...
Mais elle fut coupée par la voix tremblante de son amour.
- Appelle le Samu ! Je l'ai trouvé, il est mourant ! S'écria-t-il sa voix se brisant à la fin de sa phrase.
- Quoi ?! Oh mon dieu ! Merde !
Elle éteignit l'appareil.
Il entendit un gémissement, supposant que s'était le petit garçon. Jurant, il couru à lui. Délicatement il déplaça le corps dans ses bras, le secouant un peu.
- Hey, petit bonhomme ! Réveille toi !
Il avait apprit qu'il ne fallait pas qu'il s'endorme.
Il eut pour réponse un tremblement, il continua donc à le bercer. Soudainement, deux grands yeux le regardèrent curieusement.
- Salut petit bonhomme ! Ça va aller, ça va aller, d'accord ? Tu es en sécurité, tout va bien maintenant. Chuchota-t-il d'une voix qu'il espérait rassurante.
L'enfant ne réagit pas, ses yeux semblaient vides, ne voyant pas ce qui l'entourait. Quentin se pinça les lèvres, n'aimant pas ce manque de réaction.
- Petit bonhomme ? Dis moi comment tu t'appelles ?
Il n'eut aucune réaction du petit garçon, il retint un soupir, inquiet, il lui parla à nouveau.
- P'tit bonhomme ? Moi, je m'appelle Quentin et je suis policier. Dit il d'une voix plus forte.
Cette fois il vit l'enfant cligner des yeux, le regardant, il ouvrit la bouche mais aucun son ne sortit, il commença à remuer dans ses bras apparemment agacé de ne pouvoir répondre.
- Hey ! Hey, calme toi mon petit, tout va bien, d'accord ? Tu es en sécurité maintenant.
Il essaya de sourire pour le rassurer mais, il savait que c'était faux cet enfant n'irait plus jamais bien, brisé pour toujours. Il retint ses larmes à cette pensée, ne voulant pas pleurer pour ce petit garçon qui avait besoin d'une présence forte et rassurante.
- Pas... Pas petit... Commença à parler l'enfant d'une voix faible et enrouée.
L'homme ricana un peu, en entendant le garçonnet rouspéter à l'entente du surnom. Il attendit calmement que le jeune adolescent reprenne la parole.
- Sa...Sasu...Ke... Sasuke...Uchi...Uchiha. Dit-il, haletant.
- Oh c'est mignon comme prénom ! Tu es japonais ? Je me disais tu faisais plus occidental qu'européen. Répondit il, essayant d'ignorer la respiration de plus en plus laborieuse de l'enfant.
Il allait parler quand il entendit un cri presque silencieux, il regarda inquiet le garçon.
- Sasuke ? Qu'y a-t-il ?
Il n'eut jamais de réponse.
L'enfant écarquilla soudainement les yeux, il ne voyait plus rien, ne pouvait plus répondre, son corps se secoua violemment, l'étouffant.
- Sasuke !? Hey, petit bonhomme ?! L'appela-t-il.
Il releva la tête vers les fenêtres où retentissaient les sirènes du Samu.
- Tu entends ? C'est le Samu ! Ils vont t'aider ! Tiens bon ! Ok !? Tiens bon, petit bonhomme ! Il enlaça l'enfant dans ses bras, laissant ses larmes couler le long de ses joues.
Le petit garçon entendait le policier, l'appeler, pleurer, ses larmes tombant contre ses épaules osseuses. La voix rassurante de cet homme fut étouffée par un soudain brouhaha, il avait mal, mal à la tête, une brume épaisse l'étreignit insidieusement, laissant un désagréable bourdonnement remplaçant lentement les sons aux alentours, devenant un grand et terrifiant silence.
L'enfant perdit connaissance dans la petite maisonnette perdue au milieux de nulle part, se noyant dans son insupportable et épouvantable cauchemar.