Disclaimer: Maître Oda est le seul qui peut faire faire des conneries monumentales à ses personnages ET en vivre.

Rating: T

Pairing: ZoSan - SanZo

Mot de l'auteur : ÇA Y EST ! Après maintes péripéties, après la perte de la quasi-totalité de mon chapitre, j'ai pu le poster ! La réécriture fut laborieuse et le résultat n'est pas exactement ce que je voulais. Mais voici la fin de mon histoire ! J'espère qu'elle vous plaira ! Il y a beaucoup moins d'actions, pour plus de réflexion et de dialogue.

Merci beaucoup de la lire et de reviewer, ça me fait chaud au cœur. Je ne peux pas vraiment vous répondre, je viens de déménager et ma connexion internet est quelque peu... foireuse. Mais je vous ferait à chacun un gros poutou baveux une fois que ça sera réglé !

Un gros merci à Nath, de m'avoir donné envie de me bouger pour ce concours et de m'avoir soutenu quand mon ordi a assassiné sans vergogne mon dur labeur.

ENJOY IT ! :)


Chapitre 3: Photographies immortelles


1

Zoro fixait longuement le blond allongé à trois pas de lui, sur son matelas miteux, en montrant le dos, boudeur. Après lui avoir dit que cela ne lui importait peu, au final, de connaître l'origine du gamin excentrique qui semblait faire sa loi ici, et s'être un peu trop intéressé au rêve qui l'avait éveillé, il avait finalement réussi à le vexer.

Sanji avait fait de son mieux pour ne pas lui hurler dessus, vraisemblablement embrassé d'avoir été ainsi entendu, et s'était recouché, en le priant «d'aller cordialement se faire foutre et de laisser aux honnêtes gens le peu d'intimité qui leur restait.» Qu'est ce qu'il était susceptible.. Il avait pourtant le droit de lui demander des comptes ! C'était son nom qu'il avait gémit pendant son sommeil, ça devait donc clairement le concerner.

Le vert n'avait au départ pensé qu'à jouer avec les nerfs de l'autre, mais ce fut lorsqu'il eut le loisir de laisser ses pensées vagabonder qu'il se rendit compte que cela l'intriguait plus qu'il ne voulait l'avouer. Après tout, ça ne lui arrivait pas tous les jours, pour ainsi dire jamais, et surtout pas de quelqu'un ayant le même visage que Kuroashi. Cet enfoiré.. Les cheveux à la base de sa nuque se hérissèrent à la simple image qu'il se faisait de lui. Il aurait donné beaucoup pour le tuer avant de finir ici.

Assis sur le canapé qui lui servait de couche, les bras sur les genoux, Zoro se replongeait sans trop le vouloir dans ses souvenirs.

2

«Qu'est ce que tu fous là ?!»

Kuroashi sourit largement, d'un air mauvais et supérieur. Avant de se tourner vers l'inconscient qui pointe sa lame sous sa gorge.

«Oh, mon cher comité d'accueil.»

Le dédain personnifié. C'est ce qu'est cet homme, car les atrocités qu'il a commise ne lui permettent plus d'être considéré comme un humain. Il n'est que le ramassis de toute l'horreur de l'Homme qui a prit l'apparence d'un dandy de vingt-et-un ans, aux cheveux d'or plaqué en arrière, aux yeux électrisant et au large manteau noir, annonciateur de mauvais présages.

«Dégage d'ici.»

Évidemment, il n'en fait rien. Après tout, un démon tel que lui n'a d'ordre à recevoir que d'autres démons. Et des ordres, il en a pour l'heure. Alors Kuroashi repousse le sabre qui le menace de deux doigts gantés de noir et hausse les épaules, avec un air faussement désolé.

«Navré, j'ai à faire.

- C'est la sixième fois cette semaine !»

Zoro crie, énervé par le lieutenant de ce trou du cul qui croit avoir une totale emprise sur son village. Il voudrait les découper en morceau, lui et tous ses sbires immondes. Si son maître ne lui l'interdisait pas, il y aurait longtemps que ce serait fait.

L'homme de Doflamingo sourit plus largement encore, adopte un air plus dangereux qu'il ne l'avait et bouge. Rapidement. Tout ce passe en une fraction de seconde. De son pied, il écrasa la lame de l'épéiste contre le mur auquel il était adossé et, d'une main l'attrape par le col de son kimono, de l'autre par les cheveux à la base de sa nuque, pour l'y plaquer, lui aussi.

Le visage plus qu'à quelques centimètres du sien, il chantonne presque sa menace, d'un air malsain :

«Ton village et ton pitoyable Dojo, je me serai contenté d'une seule visite pour le raser entièrement, crois-moi. »

il marque une pause, durant laquelle il raffermit sa prise et plonge son regard dérangé dans celui, colérique de son vis-à-vis. Puis il sourit, un instant presque innocemment avant de s'approcher de son oreille et de lui susurrer la suite.

«Tu devrais peut-être prendre garde, ma prochaine visite pourrait venir vite. J'espère que tu sais te battre, sabreur de seconde zone.»

S'en est trop pour Zoro. Voir ce connard est déjà une chose, mais le contact prolongé de son corps contre le sien en est une autre, qui lui déplaît au plus haut point. Étouffant un râle colérique, il le repousse d'un coup de pied dans le ventre et tend à nouveau son sabre aux couleurs ébènes entre eux.

«Ta tête se décrochera de tes épaules.»

Le véritable sourire, ou plutôt devrions-nous dire, le détestable sourire de Kuroashi retrouve le chemin de ses lèvres et, nullement intimité par cette menace lâchée le plus froidement du monde, le démon aux cheveux blonds allume un cigare.

«Nous verrons bien qui tombera, bretteur du dimanche.»

3

Quand Zoro revint du voyage dans ses pensées, il en fut pantelant et couvert de sueur. A nouveau, il sentait la rage fourmillait dans son corps et lui engourdir les mains, qu'il serra fortement. Il ferma les yeux et inspira longuement, pour se calmer.

Puis, comme il ne parvenait pas à regagner un semblant de sérénité, le vert décida de se lever. Il enjamba rapidement le matelas à terre pour vagabonder dans l'appartement et, comme il n'était pas grand, il en fit vite le tour, jusqu'à se trouver devant la chambre de Luffy.

Il y entra rapidement, après un coup d'œil par dessus son épaule pour vérifier que son nouveau monde était bien assoupi -un réflexe qu'il ne s'expliquait pas-, sans refermer la porte derrière lui.

La pièce n'était pas grande et les rayons de lune qui passaient par la fenêtre suffisaient à lui montrer l'essentiel de l'endroit sans qu'il n'eut à faire un pas.

Elle comportait en tout et pour tout qu'une petite commode uniquement décorée d'un cadre photo, et un grand lit où Luffy dormait paisiblement, sans autre présence que ses ronflements. Ce gamin un peu bizarre représentait donc toute une machination contre les mondes entiers. Crée pour faire un pied de nez habile, bien que totalement inconnu. Il n'avait à connaître l'horreur que constituait ce lieu pour tous ces gens qui arrivaient ici. Il ne connaissait pas les légendes, parce qu'il les avait déjoué, sans même le savoir. Il accueillait simplement les gens en leur disant «bienvenue à la maison », comme il avait essayé avec lui. Mais Zoro était loin de l'envier malgré l'insouciance que le brun pouvait avoir par rapport à cet endroit. Qu'est ce qu'il lui restait à ce gamin, si on pouvait vraiment l'appeler comme ceci, puisqu'il n'était que le résidu d'une volonté passée, quand il se retrouvait seul, sans personne à ses côtés ?

Chassant ses réflexions hasardeuses en secouant la tête, Zoro sortit de la chambre, sans voir toutes les photographies accrochées sur les murs, dont elles ne laissaient plus entrevoir la couleur hideux et usée.

Passant une main dans ses cheveux, il retourna alors vers son canapé pour compléter sa nuit.

«Les infirmes dorment le soir.»

Sanji était à nouveau réveillé et le fixait longuement. Le vert en fut presque surpris et, l'espace d'un battement de cil, il repensa à sa Némésis, avant de secouer la tête.

«La ferme. répondit-il plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu.

- T'étais où ?

- Nulle part, maman.»

Et à nouveau, le blond s'enflamma, il se redressa comme un piquet et lui jeta son oreiller à la tête, que Zoro intercepta sans difficulté, et reposa sur le matelas.

«Pour une fois que j'essaye d'être sympa avec une tête de mousse comme toi. pesta le fumeur.

- Et depuis quand tu me connais si bien ? Tu serais pas en train de me confondre avec un autre Zoro, par hasard ?» rétorqua l'ancien manieur de lame.

Il n'était pas dupe, il se doutait bien que dans un endroit comme celui-ci, quand on sait à quoi on doit s'attendre, on ne décide pas sur un coup de tête d'aider le nouveau venu en ce triste lieu. Il voulait savoir ce que Sanji lui cachait. Cette nuit lui avait montré qu'il devait certainement être présent dans le monde du blond, comme lui l'était dans le sien.

Son silence éloquent lui donna d'ailleurs à penser qu'il était sur la bonne piste et il allait se faire une joie de lui tirer les vers du nez.

«Alors, tu racontes ? renchérit-il.

- Y'a rien à raconter.

- Bien sûr que si !

- Non, tu n'es pas concerné par tout ça !

- C'est mon nom que tu appelles dans ton sommeil ! Déballe !

- Toi, racontes, pourquoi tu as essayé de me tuer, cet aprèm ?!

- Parce que c'est à cause de toi que je suis ici !»

Le ton avait monté sans qu'aucun des deux ne le remarque, et ils crachaient presque leur phrase à la figure maintenant. Zoro avait attrapé Sanji par le col pour le soulever de son matelas et, quand il se rendit compte de son emportement, le reposa en soupirant.

Et, tandis qu'il retournait s'asseoir sur le canapé, le blond déglutit difficilement.

«Ce n'est pas moi qui t'aie amené ici. Tout comme ce n'est pas ton nom que j'appelais. Nous ne venons pas du même monde. Mais il existait bien un type dans le mien, qui s'appelait aussi Zoro.»

Il ne continua pas tout de suite. Il chercha ses mots, il cherchait comment lui expliquer tout ce que son visage représentait pour lui. Sanji alluma une cigarette du paquet qui traînait à côté du matelas et s'adossa au mur. Le vert attendait qu'il poursuive, la lueur qui brillait dans ses yeux lui intimait de le faire silencieusement. Alors l'autre raconta, lentement :

«On s'est rencontré au collège, comme beaucoup de mômes de notre âge. On pouvait pas se voir, on avait deux caractères trop forts pour se supporter. On s'en donnait des coups, et des sacrés. Ils nous ont fichus dans les mêmes chambres à l'internat, dans les même classes et côte à côte dans presque tous les cours, il a bien fallut qu'on sympathise. Mais il y a toujours eu cette forte tension entre nous. Il fallait qu'on s'en foute sur la gueule pour se supporter.» il porta sa sucette à cancer à ses lèvres. «On est allé dans le même lycée. Seulement, j'ai dû arrêter les études dès la première année. Je ne me souviens pas exactement la raison. J'ai travaillé comme cuisinier dans des tonnes de restaurants puis je suis parti derrière les fourneaux sur un navire de croisière quand l'occasion s'est présentée. Pas de nouvelles de lui, pendant des années. Et..»

Sanji ricana légèrement, les yeux rivés sur le plafond, ils brillaient d'une intensité folle. Il ne savait même plus qu'il se souvenait encore de tout ces détails, c'était la première fois depuis qu'il était arrivé ici qu'il se replongeait ainsi dans son passé et tout lui paraissait tellement clair !

«Et ce stupide marimo.. Six ans après qu'on ait coupé les ponts, je l'ai croisé au détour d'un couloir à la fin de mon service sur le bateau, comme une fleur. Quand je lui ai demandé ce qu'il foutait ici, tout ce qu'il a trouvé à me répondre c'est «j'en ai aucune idée, mais je suis là.» »

Il riait presque de son propre souvenir. C'était tellement idiot en même temps, qu'on aurait dit un film à l'eau de rose pour des adolescentes pré-pubères avec ces conneries de « c'est le destin qui a conduit les pas jusqu'à ceux de son amouuuur ». Et pourtant ça lui était bel et bien arrivé.

Un léger silence s'installa dans le salon, un silence durant lequel le vert fixait l'orateur, l'air neutre, un silence bientôt brisé par le soupir transcendant d'un homme passionné.

«Je suis tombé amoureux de cet homme.» Il finit sa cigarette avant de tourner enfin, la tête vers Zoro. «C'était ton portrait craché et il avait ton nom.»

L'intéressé resta interdit, avant d'éclater de rire, faisant monter promptement le rouge aux joues du blond, mais dit, avant que celui-ci ne se mette à hurler :

«C'est quand même une sacrée farce. Tu l'aimais, je le détestais ! Et il a fallut qu'on se retrouve ici.»

Sanji fit la moue, il ne trouvait pas ça si drôle. Mais il trouva le moyen de stopper l'hilarité du vert en lui posant cette question:

«Et Kuroashi ?»

Le visage de Zoro s'assombrit aussitôt et il porta alors son attention sur le sol. C'était le jeu. Il l'avait forcé à raconter, à présent il fallait qu'il en fasse de même, mais il aurait préféré tout oublier en arrivant ici. Il se massa les tempes avant de commencer son récit :

«C'était le lieutenant d'un homme puissant qui s'est installé sur les terres de mon village. Il faisait parti d'une organisation morbide qui menait sans cesse des guérillas stupide contre d'autres clans. Alors forcément, il avait besoin d'homme. Kuroashi descendait dans le village pour lui en trouver et quoi de mieux d'aller piocher parmi de jeunes épéistes plein de talents ?!»

Il le sentait très bien, il sentait la colère monter à nouveau en lui, elle coula dans ses veines comme un feu liquide. Son œil brillait à son tour en fixant Sanji, mais d'une chose toute autre que la passion.

«Il a emmené à l'abattoir des dizaines de disciples de mon maître. J'ai failli en être. Puis un jour, lui et tous ses sbires sont venus et puisqu'ils nous trouvaient trop faibles, ils ont décidé de nous exterminer. »

Le cuisinier déglutit. Si lui avait pu mener une vie des plus heureuses dans son monde, Zoro en avait bavé en long, en large, et en travers. Il manqua de s'excuser, mais ce n'était pas de sa faute, il n'était ce Kuroashi et toutes les excuses du monde ne pourraient pas changer son passé.

«C'est lui qui t'a fait ça ? » demanda-t-il seulement en pointant l'oeil de l'ancien bretteur.

L'infirme porta une main au bandage qui lui recouvrait la moitié gauche de son visage et secoua la tête négativement.

«Non, je me battais contre le meilleur sabreur de mon monde. Il... » Zoro s'arrêta et il remarqua alors : le néant commençait déjà son œuvre, il ne se souvenait pas de son nom. Puis une chose, idiote, le frappa et un rire lui échappa sans qu'il ne puisse le retenir. «Il m'aurait sans doute tué, si je m'avais pas atterri ici.»

Kuroashi lui avait presque ironiquement sauvé la vie. Si on pouvait appeler une vie, le fait d'exister ici. Mais il finirait par disparaître, bien moins glorieusement. Peut-être aurait-il préféré mourir là-bas. Il n'y avait que ça, pour un épéiste de sa trempe. Périr au combat, face à cet homme, c'était ce qui aurait dû se passer. Au lieu de cela, il mourrait de la manière la plus insignifiante qui soit. Cette pensée lui arracha un ricanement triste. Il s'était toujours dit que, lorsque viendrait son heure, ce serait parce qu'il avait atteint un point qu'il ne pouvait dépassé. Qu'il était un homme qui devait s'arrêter à cette limite, parce qu'il l'avait choisi. Mais, lui qui avait toujours lutté contre le monde devait à présent se tourner les pouces jusqu'à disparaître. Il hésitait entre le rageant et le pathétique.

Sanji le fixait douloureusement, partagé entre la peine de l'infortuné en face de lui et celle qu'il se causait à lui-même. Quel homme égoïste il faisait. Il n'avait voulu s'occuper de lui que parce qu'il avait caressé l'espoir qu'il s'agisse de l'homme qu'il avait connu. Uniquement parce que son visage avait resurgir sa vie passée, ses sentiments qu'il croyait éteint et ses souvenirs. Il avait voulu s'accrocher à lui car il pensait qu'en se remémorant ce qu'il avait oublié, il ne mourrait peut-être pas de sitôt, qu'il aurait droit à un sursis.

Qu'il était pathétique, l'homme passionné. Il ne s'était pas soucié de Zoro, de ce Zoro, jusque là, alors qu'il avait traversé dans sa vie plus qu'aucun autre homme ne pourrait supporter et qu'il allait traversé encore bien plus de choses ici. Il avait juste peur pour lui, il savait qu'il avait passé déjà beaucoup de temps dans cet endroit, que sa mémoire n'était qu'un pâle ruine de ce qu'elle fut jadis.

Ce fut le cœur serré que le blond balbutia :

«On devrait peut-être dormir. Je.. Je vais changer tes bandages.»

Il se leva sans un mot de plus et attrapa la trousse de secours dans le coin de la pièce pour revenir vers Zoro, qui le regardait sans ouvrir la bouche.

Les gestes de Sanji furent presque tremblant quand il retira le pansement de l'oeil abîmé du borgne. La blessure était encore suintante et rouge, elle commençait au milieu de son front, pour se finir sur sa joue.

Le blond déglutit face à ce triste spectacle et attrapa rapidement une compresse qu'il humidifia pour essuyer la plaie. Il nettoya consciencieusement le pue qui collait les paupières du blessé.

Zoro, se sentant débarrassé de cette gêne, ouvrit alors péniblement et non sans grimacer, un œil entièrement injecté de sang, dont la pupille était couverte d'un voile qui couvrait sa couleur d'ambre.

«Garde-le fermer !» ordonna Sanji en le voyant ainsi forcer.

Le vert s'exécuta en ricanant légèrement.

«Je ne vois plus rien, de toute manière.

- Ça fait mal ?»

Il haussa les épaules.

«Pas plus qu'une autre blessure.»

Un silence pesant s'installa alors, pendant lequel Zoro fixait attentivement Sanji de son œil valide, tandis que celui-ci évitait avec hargne de croiser son iris pour se concentrer sur sa blessure. Il essuya le reste de sang avec toute la précaution dont il pouvait faire preuve, pour ménager cet homme à qui la vie n'avait pas fait de cadeau. Pour se faire pardonner silencieusement son égoïsme, que Zoro ne lui reprochait pas.

Il l'arrêta cependant lorsque le toucher du tissu sur sa peau lui parut être une caresse.

«Je vais finir ce qui reste.

- Et comment ? répondit l'autre, trop prestement peut-être. Y'a aucun miroir ici, tu risques moins l'infection en me laissant faire.»

Comment faire un reproche à un homme qui peut à nouveau toucher le visage qu'il a aimé tant d'années auparavant ? Seulement, Zoro n'aimait que peu l'idée que cet idiot le confonde avec l'homme de son monde. Il n'était pas un substitut. Ce fut pourtant avec un soupir qu'il le laissa continuer.

Quel était le plus dur ? Quitter une vie qui n'a jamais été clémente pour un endroit que devait l'être tout autant, si ce n'est moins ? Ou bien, abandonner la vie la plus paisible de la terre pour venir dépérir en ce lieu ? Des deux, le vert se doutait bien que Sanji devait en avoir un sacré coup. Et s'il lui avait rappelé un visage qui lui faisait horreur, c'était peut-être moins cruel que de le forcer à se remémorer le visage d'un être cher, sans pouvoir le toucher ou lui parler à nouveau comme il le faisait.

Le sabreur stoppa à nouveau la main du blond lorsqu'il s'approcha avec de nouveaux bandages.

«Laisse-le à l'air.»

Sanji acquiesça et voulut reposer le pansement, mais Zoro tenait encore fermement son poignet et ne semblait pas vouloir le relâcher. Il l'interrogea du regard, sans y trouver de réponse avant le blessé ne le tire soudainement vers lui.

Il ne comprit pas, mais il en resta électrisé. La bonne fortune lui souriait-elle encore ? En l'espace d'un battement de paupière, leurs lèvres se retrouvèrent liées, sans qu'il ne puisse l'expliquer. Et une explication, il n'y tenait pas tellement.

Il y avait juste le déferlement de sensation qui parcourait son corps. Depuis combien de temps n'avait-il pas senti ce contact si doux ? Il avait l'impression de le découvrir pour la première fois et en resta interdit, alors que la langue de Zoro caressait ses lèvres.

Ce fut lorsque le blond commença à répondre que le borgne cessa ce plaisant contact et le fixa.

«Je ne suis pas ce Zoro. » rétorqua-t-il.

Sa remarque planta une flèche douloureuse dans le cœur déjà malmené de Sanji qui dégagea sa poigne de la sienne. Cruel pique pour un homme à qui l'on vient de raviver tant de sentiments. Mais cet sensation qu'il lui laissa redécouvrir... cela lui donnait presque envie de le remercier, s'il en avait compris le sens. Il lui avait rappelé le pire des hommes, non ?

Seulement, il n'était pas Kuroashi, Zoro avait bien pu le remarquer et cela lui suffisait à lui, qui n'était pas physionomiste pour un sou.

«Tu n'étais pas obligé. répondit le cuisinier.

- Je sais.»

Et il s'allongea sur sa couche de fortune, dos à un Sanji qui restait là, à le regarder bêtement. Il cherchait encore la réponse au geste insensé du vert. Une éternité sembla passer avant qu'un léger sourire ne se dessine sur ses lèvres et qu'il aille lui aussi rejoindre le Morphée imaginaire de ce monde.

4

Lorsque Zoro fut forcé d'ouvrir les yeux à cause d'un rayon de soleil timide qui cheminait par la fenêtre jusqu'à sa figure, Sanji n'était déjà plus dans son lit et avait vraisemblablement aussi rangé son matelas miteux. Le borgne se redressa en baillant et attendit que les derniers soupirs du sommeil ne le laissent tranquille pour se lever.

L'appartement était plongé dans le calme le plus total, ce qui n'était plus mal, pour les pauvres maux de tête qui s'étaient réveillés en même temps que lui.

Le vert passa dans la cuisine où le petit déjeuner était préparé. Il se saisit de la tasse de café fumante qui semblait l'attendre et retourna dans le salon. Dans la pièce à côté, Usopp et Vivi dormaient encore à poing fermé, l'une totalement recroquevillée sur elle-même, l'autre affalé lamentablement sur le matelas. Zoro jeta un rapide coup d'œil vers la chambre de Luffy, dont la porte était entrouverte, quand on vint se jeter sur son dos.

«Salut ! »

Le petit brun, toujours accompagné d'un sourire qui semblait être la seule chose immortelle ici.

«'Jour. » salua vaguement le sabreur en buvant une gorgée de café, sans même se retourner.

Alors, l'adolescent descendit de son dos et courut dans la cuisine pour attraper une tartine. Zoro plissa le front avant de suivre ce gamin bizarre.

«Il part toujours faire des balades matinales ?»

Les yeux de Luffy s'écarquillèrent de surprise et arrêta de déchiqueter sa pitance. Il se souvenait ? Lui aussi était autant spécial que Sanji et que quelques rares autres, avant lui ? Il avala sans cérémonie la fin de son petit déjeuner avant de répondre :

«Sanji ?

- J'en connais pas d'autre.»

Le brun se tut et considéra silencieusement l'homme qui lui faisait face. Après tout, pourquoi pas ? Il y avait toujours des personnes, parmi les centaines qui lui a déjà été donner de voir qui ne réagissait pas de la même manière à ce lieu. Des gens qui, malgré toute la compagnie dont ils étaient entourés, ne pouvaient pas oublier qu'ils étaient en train de dépérir, qu'ils mouraient à petit feu. Ils étaient des Hommes chez qui ont avait soulevé sans le vouloir la trappe de leur vie passée et qui s'y accrochaient à nouveau, qui finissait par découvrir que cet endroit n'était pas «la maison » comme il l'appelait, mais que c'était bel et bien le Néant.

Luffy lui attrapa alors le poignet et le tira avec lui à travers l'appartement.

«Qu'est ce qu'il y a ? demanda Zoro.

- Je vais te montrer un truc. Il t'a fait lire le journal, non ? Et puis, tu es déjà venu cette nuit.»

Il ne dormait pas ? Il l'avait pourtant entendu ronfler joyeusement. L'adolescent passa silencieusement au dessus des deux dormeurs et, le poignet du blessé toujours dans sa main, poussa la porte de sa chambre pour l'y emmener.

Ce qu'il n'avait pas vu lors de sa première venue lui sauta aux yeux immédiatement. Le mur entièrement couvert de centaines de photographies, contre lequel reposait la commode, à présent jonchée, de deux petits cadres, devant lesquels Luffy le tira.

Il y avait toute sorte de personnes, des êtres pas entièrement humains, un homme que cet endroit avait même dépouillé de sa peau. Des enfants, des vieillards, des gens comme lui. Tous avaient eu la chance malheureuse de finir leur triste vie auprès du petit brun.

«Ce sont toutes les personnes qui sont venus ici et qui ont disparu. C'est la dernière chose qui reste d'eux. expliqua-t-il. Ces deux-là sont les derniers.» Il pointa les deux cadres.

Le premier représentait une jeune fille aux longs cheveux roux et au sourire plus qu'heureux. Zoro aperçu à peine la photo du deuxième qu'il s'en saisi pour mieux la regarder et releva la tête vers Luffy pour chercher une réponse dans son regard. L'adolescent lui offrit un large sourire.

«Il est arrivé ici le premier et ça doit bien faire des siècles qu'il était là. Mais il n'arrivait pas à disparaître. Il y avait toujours des bribes de sa vie qui lui revenaient, qui l'en empêchaient. J'ai jamais vu un type avec autant de détermination, il était incroyable, pas vrai?»

Zoro ne répondit pas. Il se contentait de fixer la photographie. Il n'entendit pas Luffy s'éloigner et fouiller sous son lit pour en tirer un quelque chose qu'il lui tendit sans tarder et que le vert reconnu immédiatement. Une lame, aux couleurs ébènes.

Il reposa le cadre pour prendre son sabre en main et le dégainer. Il ferma les yeux, se rappelant de la sensation de l'arme dans sa pomme. Puis il pourfendit l'air. Une fois, deux fois, trois fois. Avant de l'examiner, comme il avait l'habitude de le faire.

Il ne demanda pas au brun où est-ce qu'il l'avait retrouvé. Son sabre, ce qu'il signifiait pour lui, tout cela faisait parti de sa vie passée. Ici, il n'y avait pas d'ennemi qu'il puisse trancher ou vaincre. Prenant une profonde inspiration, savourant une dernière fois la sensation de son arme de sa main, du métal froid, il la remit dans son fourreau et la plaça devant les deux photographies, avant de sortir de la chambre.

Luffy le regarda silencieusement, sans sourire puis, une fois que Zoro fut hors de sa vue, il sourit à nouveau grandement et se tourna vers ce cadre qui avait tant interpellé son nouvel ami.

«A plus, Sanji.»