Merci à toutes les personnes qui m'ont envoyé des reviews, merci beaucoup, passionnément, à la folie ! :D Ça m'a vraiment touchée.
J'avoue ne pas être très satisfaite de ce chapitre. J'espère qu'il ne sera pas trop dur à comprendre, il y a des changements de personnage et de lieu pas très évidents mais j'ai fait un peu cela pour que ce soit flou (certaines d'entre vous savent comment j'aime les mystères non résolus ! ;D). J'ai trouvé que c'était moins trash que le précédent, en tout cas, pour préserver vos petites âmes sensibles... niark.
By the way, j'espère sincèrement que ce chapitre sera de taille. Et pardonnez moi encore pour les petites fautes qui traînent et traîneront toujours :S
PS : Corrigez-moi si vous en voyez une ! Ça me serait très utile.
PPS : Ah ! Et j'ai corrigé certaines des fautes les plus évidentes de l'ancien chapitre.
Disclaimers : L'idée originale appartient à the-twisted-big-four ainsi que l'image. Pas à moi.
Harold
Des éclairs brouillés. Des cris confus. Du feu brûlant. Encore d'autre hurlements.
Les griffes labouraient, lacéraient, tranchaient le sol autour du garçon. Le feu se propagea, embrasant l'arène et les vikings. Il hurla.
- HAROLD !
Une voix familière. Une voix féminine. Stridente. Affolée. Qui fut rapidement recouverte par les hurlements furieux des deux combattants titanesques.
La griffe le libéra.
Il roula immédiatement sur le côté et se releva pour chercher des yeux les adversaires.
Le noir était au sol, labourait de coups de patte et de gueule le long corps de l'enflammé au dessus de lui. Le Cauchemar poussa un énorme hurlement et bondit en arrière, permettant au Furie de se dégager. La bête bondit sur ses pieds et écarta ses ailes, protégea ce qu'il considérait comme son frère humain. Le Cauchemar tenta bien d'attraper sa proie, mais les mâchoires puissantes du Furie claquèrent à quelques centimètres de sa gueule et il souffla son haleine pestilentielle, courroucé. Le noir hurla encore, écarta ses ailes de peau pour paraître plus imposant, ses yeux verts emplis d'une fureur déterminée.
Le Cauchemar gémit. De peur.
Le garçon, celui protégé par le Furie, courut vers le dragon et tenta de le pousser.
- Allons-y, vieux, sortons d'ici... murmura-t-il à l'oreille dressée.
Le Furie n'obtempéra pas.
"Protéger ma famille. Préserver la race. Sauver Harold.
Je me battrai jusqu'à la mort. Partez, humains.
Moi, je reste avec mon Frère."
- Pars, allez ! le pressa le jeune garçon.
Il vit alors son père, géant barbu et massif, saisir une énorme hache de guerre.
- STOÏCK ! hurla une voix féminine.
- Papa, non, il ne te fera rien du tout ! s'interposa Harold.
Les vikings hurlèrent pour se donner du courage et sautèrent dans l'arène, saisissant couteaux, lances et boucliers.
Le Furie esquiva les mains protectrice du garçon brun et sauta sur les hommes. Il en renversa un d'un coup de patte, laboura un visage, écrasa une femme, gifla d'un coup de queue un adolescent, blessa profondément. Peut-être tua.
- NON !
Stoïck arriva. Et avec lui les problèmes.
Le Furie bondit sur lui, le projeta à terre, envoya valser sa hache. Puis ouvrit grand la gueule. Un souffle venant de l'enfer, comme l'aspiration d'un tourbillon sortit des entrailles de la bête. Une foudroyante lueur électrique apparaissait lentement en sa gorge.
- Krokmou, NON !
Le dragon ferma la gueule. Et tourna la tête vers le petit humain brun qui venait de hurler. Il le regarda, ses yeux verts emplis d'intelligence. Un couteau lui arriva en plein dans l'oeil.
Pommeau en avant.
Les vikings se ruèrent sur l'animal, l'écrasant impitoyablement au sol, anéantissant ses espoirs et détruisant sa liberté. Stoïck se releva lentement, sonné.
- Non, lui faites pas de mal ! hurla encore Harold.
Une jeune fille blonde l'empêcha de secourir la Furie, et il se débattit, donna des coups de pieds et même de poings d'impuissance. Astrid tenait bon.
Il ne le sut pas, mais ce fut à ce moment que sa relation avec elle changea. À tout jamais.
"On me battait à mains nues. On me traînait à terre, m'injuriait dans le dialecte incompréhensible des humains, on s'amusait.
Moi, le dernier Furie de mon espèce, allait mourir ici.
Mon Frère était sauf. C'était ce qui comptait. Je pouvais le voir malgré tous ces bras qui s'agitaient autour de moi et toutes ces armes qui me piquaient les écailles, je pouvais voir ses yeux, étrangement semblables aux miens, écarquillés de peur. Il était maintenu sur place par l'humaine qu'il aimait, la blonde aux poils du crâne attachés, celle qui voulait ma mort au tout début. Je me souviens l'avoir appréciée, lors de ce vol si tranquille avec mon Frère et elle sur mon dos. Ils avaient semblé si heureux, ensemble.
Elle protégeait mon Frère. Elle le gardait loin de la bêtise absolue des humains. J'en fus reconnaissant."
- Lâche-moi, Astrid...
Mais elle n'en faisait rien.
Un viking tendit alors une énorme hache à Stoïck. Il la considéra un instant.
Puis la saisit.
- Gardez-le immobilisé, ordonna-t-il en s'avançant.
Il pensait certainement que, si il tuait le dragon, son fils chétif comprendrait que ces bêtes étaient les ennemis de l'histoire. Il pensait avoir raison. Alors il fit un choix.
En espérant que ce serait le meilleur.
Lorsqu'il saisit la hache, les yeux d'Harold s'écarquillèrent tandis qu'une peur brute s'emparait de son âme. L'adrénaline lui monta dans les veines et il hurla vers son père.
- PAPA FAIT PAS ÇA !
Stoïck ne lui jeta pas un seul regard.
"J'avais entendu le cri de mon Frère. Je compris rapidement ce qu'il se passait.
Les humains me mettaient à mort.
Puis, j'eus une pensée.
« Garde bien mon petit Frère, humaine. Et dis lui que je l'aime. »"
Les vikings s'écartèrent du cou du Furie qui se débattit plus fort. Son abdomen fut transpercé par une lance et le dragon gémit. Il regarda celui qui allait le tuer.
Stoïck leva haut son arme, le regard empli de détermination et, étrangement, de soulagement.
Astrid regarda le dragon. Croisa ses yeux terrifiés. Crut percevoir un message.
« Dis lui que je l'aime. »
Elle ferma les paupières au moment où Harold hurlait. Elle ne le lâcha pas.
- Je le ferais, murmura-t-elle, yeux clos.
Le garçon, lui, gardait les yeux grands ouverts, fixés sur le corps de son ami dragon. Stoïck abaissa sa hache.
Tout se passa si vite...
Il y eut d'abord le son. Sifflant contre l'air, un léger « chting » lorsqu'il découpa la chair. Et alors, plus rien. Rien du tout. Il entendait des chuchotements, des sortes de voix imperceptibles, des sifflements stridents.
Quelqu'un avait coupé le son.
Il y eut ensuite l'odeur. Celle, âcre, métallique, du sang. Celle du soufre, mélange d'oeuf pourri et de poussière. L'odeur brûlée du feu et sa chaleur qui réchauffait le visage. Celle de la peur. Puis, il ne sentit plus rien. Il ne parvenait même plus à sentir le sol sous les bottes, il ne sentait plus le vent sur sa peau humide de transpiration mais si sèche à la fois.
Quelqu'un avait tranché les veines.
En dernier, ce fut la vision. Brouillée, brumeuse. Mais tellement présente. Certaines images se superposaient. Harold trouva cela très étrange. Il parvint presque à en rire.
Quelqu'un avait coupé le fil.
Un son revint. Un bruit de tambour, au ralenti. Les battements d'un coeur mourant, s'éteignant lentement dans le silence constant. Harold identifia rapidement ce son. Parce que l'image revenait.
Ce son était le battement d'une tête tranchée tombant à terre. L'odeur revint également. Celle de la mort. L'image était imprégnée sur sa rétine. Des gouttelettes rouges s'échappant en gros bouillons du cou de la Furie et le corps tressautait comiquement au sol, encore maintenu par quelques hommes hardis.
« Dis lui que je l'aime. »
Astrid ouvrit les paupières.
Elle fut la seule à hurler.
Harold se retrouva projeté dans la pièce, manqua de s'écroula sur le plancher de bois.
- J'aurais u mder !
Il se retourna vivement. Sa tête lui semblait sur le point d'exploser. Il la sentait comme palpiter sur ses épaules.
- 'aurais u vles gne !
Son ouïe lui revenait par bribes, les mots étaient tranchés. Mais il voyait parfaitement son père faisant les cent pas devant lui.
- Je nppas y coi ! ON NAVA U NTENTE !
- C'EST DE TA FAUTE ! hurla Harold.
Il était vide, déboussolé, abattu, hors de son corps. Faiblement, il passa une main autour de son cou comme pour vérifier si ce n'était pas le sien qui avait été tranché.
- Comment t'as pu faire ça... !
Il sanglotait, à présent. Pitoyable.
- QUOI ?! Tpparl encre dce DRAON ?! tonna Stoïck en brandissant son poing vers son fils.
- KROKMOU !
Harold marqua une pause, les yeux exorbités.
- Il s'appelle Krokmou... Il a sauvé ma vie avant que TU l'ais mis en danger. Il était mon meilleur ami...
Le garçon ferma les paupières. Essaya d'effacer la réalité. N'y arriva pas.
- Et tu l'as tué, finit-il.
Le son revint entièrement et il put entendre la voix de son père rugir à nouveau.
- Je l'ai tué POUR TON BIEN !
- DEPUIS QUAND FAIRE LE BIEN À QUELQU'UN VEUT DIRE TUER CE QU'IL AIME !
Stoïck écarquilla les yeux. Il ne sut pas quoi répondre.
Alors son fils se dressa, ses yeux verts ressemblant tellement à ceux du Furie.
- Tu as tué Krokmou, fit-il si bas que sa voix semblait un murmure rauque. Tu l'as tué. Tout est de ta faute !
- C'est de ta faute si...
- T'ES PAS MON PÈRE !
La sentence se planta directement dans le coeur de Stoïck, le faisant vaciller.
- T'es pas mon père, répéta Harold. T'es qu'un tyran qui s'amuse à faire du mal aux autres.
- Harold...
- Je retire ce que j'ai dit. T'es mon père. Mais t'es un tyran. Tel père tel fils, hein, Papa ?
- Harold, je...
- TAIS-TOI !
Ce cri résonna encore plus fort que les précédents, faisant presque vaciller la maison de bois. Il se propagea dans le village entier, faisant frissonner les vikings.
.
Astrid leva la tête de son oreiller rembourré de laine de mouton. Ses larmes maculaient le tissu brun, et coulaient encore le long de ses joues.
- Harold... !
D'un bond, elle se leva de son lit et sortit dehors sans même prêter attention à ses parents statufiés.
« Dis lui que je l'aime. » lui avait fait entendre Krokmou. Elle devait le dire à Harold.
Astrid savait que son ami était sensible derrière son ironie. Elle savait également qu'il était très maladroit. Qu'il faisait énormément de bêtises.
Elle devait le lui dire avant qu'il ne fasse une folie.
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Dans sa cage, le Cauchemar Monstrueux s'agita brusquement, ses oreilles dressées. Derrière la lourde porte, Gueulfor s'immobilisa.
Quelqu'un venait de hurler.
- Les discussions entre Harold et Stoïck ont toujours été difficiles, mais là, ça devient fort ! commenta-t-il à voix basse en tripotant de sa langue sa dent de pierre.
Ce fut à ce moment que la porte derrière lui explosa.
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La maison des parents d'Astrid était à une centaine de mètres de celle, imposante, du chef du village. Alors elle courait. Elle courait avec un but bien précis en tête : expliquer à Harold ce que Krokmou avait toujours voulu lui dire. Stopper cette incompréhension qui régnait entre le père et le fils. Guérir la plaie profonde de la mort du Furie. Bien qu'elle sache qu'elle n'y arriverait jamais.
Jamais vraiment.
Elle y eut soudain une explosion, lointaine, mais elle ne s'arrêta pas de courir. S'arrêter lors d'un bruit suspect dans le village était synonyme de mort certaine, les dragons attaquant n'importe quand. Elle ne leva pas plus les yeux au ciel, le regard rivé sur la lourde porte entrebâillée.
Astrid monta quatre à quatre les marches du perron et s'engouffra dans la pièce centrale. Des rafales de vent inexpliquées la firent plonger dans la bâtisse avec un cri de surprise.
Harold et Stoïck se retournèrent, l'un les poings serrés, les deux, blafards.
La porte d'entrée s'ouvrit alors brusquement, avec suffisamment de force pour les repousser tous trois au fond de la salle. Harold s'envola dans un coin et retomba au sol. Stoïck, plus lourd, frémit simplement et leva les yeux vers le Cauchemar Monstrueux qui venait d'entrer. Astrid avait été elle-aussi soufflée, mais juste derrière le chef du village avec un cri de stupeur.
Le dragon rouge avait les pupilles fendues en deux comme celles d'un serpent. Ses ailes étaient repliées sur lui-même en accordéon, ses griffes, luisantes. Il darda son regard jaune sur sa première proie.
Stoïck.
Le dragon prit une longue inspiration et souffla son feu sur son nouveau jeu. L'homme l'évita d'un bond, imité presque automatiquement par Astrid. Qui rata plus ou moins son esquive et se retrouva seule devant le Cauchemar.
Ils se regardèrent.
Astrid contemplait les immenses iris jaunes et fendus de noir du dragon, s'engouffrait dans le tunnel obscur de la pupille qui rétrécissait, rétrécissait jusqu'à la serrer, l'étouffer, l'écraser comme une pauvre souris entre les crocs pointus d'un gros chat.
Il était le chasseur. Elle était la proie. Sans défense.
Il frappa.
La griffe étincela et s'abattit violemment sur la jeune adolescente blonde qui, privée d'arme et de cache, ne bougea pas. Elle s'abattit sur elle. Lui transperça la jambe.
Harold, tapi dans l'ombre, ne faisait rien.
Stoïck accourut alors et décocha un coup de talon dans la griffe qui se décolla du muscle de la jeune fille. Astrid hoqueta.
Les pupilles du monstre rétrécirent encore si cela pouvait être possible, et il jeta de son feu sur l'homme qui le gênait. La rafale de flammes engloutit Stoïck et il disparut derrière la fumée opaque.
Harold ne faisait toujours rien.
Astrid ferma les yeux lorsqu'elle vit une patte puissante se leva au-dessus d'elle. La seconde d'après, elle volait. Elle s'écrasa violemment contre un des piliers qui retenaient le plafond de la bâtisse et tomba de cinq mètres.
Elle n'avait pas réouvert les yeux.
Harold bougea.
Il avait regardé sans vraiment comprendre l'attaque du Cauchemar. Ses oreilles bourdonnaient sans cesse, il voyait de travers et parvenait difficilement à garder son équilibre. Ce fut en trébuchant qu'il s'avança devant le dragon immobile. Du coin de l'oeil, il vit son père à terre, la peau couverte de cloques et de brûlures graves.
"Il n'a que ce qu'il mérite." pensa Harold sans remord.
Main tendue, il marcha vers le Cauchemar Monstrueux. La bête ne bougeait pas.
- Je ne te veux aucun mal, murmura le garçon.
Sa paume rencontra doucement le long et large museau du dragon rouge. Il ferma les yeux.
Sans qu'il ne le sache véritablement pourquoi, il sentait comme une impression de bien-être s'emparer de son corps. Une douce plénitude. Il touchait quelqu'un qui le comprenait, qui saurait l'aider et même le protéger.
Il y avait un manque. Un vide, toujours présent. Celui de la mort de son premier ami. Krokmou.
- Harold...
Il se retourna, aux aguets, tandis que le Cauchemar grognait sinistrement. Une petite forme blonde, allongée devant un pilier, l'appelait.
- Je reviens, fit Harold au dragon.
Il s'approcha à pas lents d'Astrid. Une large plaie barrait son front, dégoulinante de sang, et sa jambe était en très mauvais état. Elle avait porté les mains à son ventre comme pour retenir ses entrailles. Aucune blessure ne s'ouvrait à son nombril, mais cela devait sans doute être une hémorragie interne.
Un instant, il eut pitié.
- Harold... répéta la jeune fille alors qu'une écume sanglante tachait ses lèvres roses.
- Astrid, répondit-il en se baissant pour arriver à sa hauteur.
Elle tenta péniblement de lever une main mais dut retenir un gémissement de douleur.
- Krokmou...
- Il est mort.
Sa voix était coupante. La blessa.
- Il est mort et personne ne pourra le faire revivre, Astrid.
- 'e sais... Mais... il m-m'a dit...
- Il est MORT !
Apeurée par son ton, elle hoqueta et se ratatina sur elle-même. Harold la regarda avec une surprise mêlée d'une étrange satisfaction. Personne n'avait jamais eu peur de lui. Ce sentiment lui était nouveau. Nouveau mais bénéfique. Il sourit.
Une larme douce coula sur la joue maintenant pâle de la jeune fille et elle ne tenta pas de la cacher. Sa main était trop lourde. Et la douleur cuisante dans le ventre n'enlevait rien.
- I-il voulait t-te dire... murmura-t-elle faiblement, qu-que... Oh, Harold...
- Qu'est-ce qu'il voulait me dire ?
Une seconde larme glissa au coin des paupières d'Astrid et elle continua d'observer les yeux vert sombre de son (jamais) ami.
- Il t-t'aime.
Harold resta figé. Aucune émotion ne transparaissait dans ses yeux. Puis, un sourire éclaira son visage, pur, franc. Et Astrid se prit à espérer que le Harold qu'elle connaissait était revenu.
- Moi aussi, souffla-t-il. Dis lui que moi aussi...
Elle le regarda avec incompréhension. Comment pouvait-elle dire à Krokmou que son ami l'aimait alors qu'il était mort... ?
- Tout est fini, Astrid, continua Harold. Tout est terminé. Vous avez tué Krokmou. Mon village, mes connaissances, et toi. Vous l'avez tous tués. Surtout Papa. Tout est de votre faute. Pas la mienne.
- J-je...
- Vous n'avez ce que vous méritez. Alors, si tu vois Krokmou au Valhalla, dis-lui que je l'aime. Et laisse-le en paix.
Il se releva doucement et tourna le dos à ce qui aurait pu être sa petite amie. Astrid le regarda, sa vision brouillée par les larmes et la douleur, et tendit une main blanche vers la silhouette s'éloignant.
La main se superposa au garçon, donna l'illusion de toucher le dos fin, effleurant les cheveux doux, et elle tenta de refermer le poing ; peine perdue. C'était comme essayer d'attraper l'air entre ses doigts, quelque vapeur s'élevant vers le ciel, c'était impossible. Mais elle le fit, elle le fit, espérant, se promettant qu'il allait revenir et la sauver, se retourner vers elle et lui souffler une quelconque phrase, une aide inespérée, un simple "merci" ou seulement lui offrir sa main...
Mais elle l'entendit. Elle entendit cette déclaration mesquine, ce sentiment inexpressif. Dans un coin de son esprit, ces mots résonnèrent, palpitèrent, faiblirent et s'éteignirent.
- Moi aussi je t'aime... murmura-t-elle au vent.
Puis elle laissa retomber sa main.
Il était déjà parti depuis longtemps. Il avait chevauché le Cauchemar et était parti sans même jeter un regard à Astrid, ni à son propre père qui gémissait faiblement. Il était parti.
Parti. Définitivement.
Non, ne pas y penser. Il reviendrait. Harold revenait toujours. Il était fort, il était grand, il était son héros.
(moi aussi je t'dis lui que je l'aime)
Elle ferma les yeux. Les rouvrit chargés de détermination.
- Cette fois... cette 'ois... vieux, j'vais vous avoir...
Tremblante, elle s'appuya contre le pilier sur lequel elle était adossée et poussa sur ses jambes. Celle qui était blessée lui arracha un grognement de douleur mais elle continua, refusant obstinément de regarder la plaie. Ses pieds refusèrent de bouger et elle cracha de dégoût. Du sang. Ses orteils remuèrent enfin et elle réussit à se mettre à genoux. Pour hurler encore.
La plaie s'était comme élargie, elle la regarda un instant, la jambe agitée de tremblements incontrôlables. Elle était sûre qu'elle aurait pu mettre sans difficulté un doigt dans la blessure. Peut-être deux.
Son ventre lui paraissait enflé, sa colonne vertébrale venait de craquer et un liquide chaud coulait le long de sa joue, partant de son front. Astrid était habituée aux blessures. Mais en voir - des milliers - sur elle-même lui était nouveau. Elle refusa de regarder le bas de son corps et releva un genou. Et réussit à se mettre debout. Épuisée par tant d'efforts, elle cracha de nouveau, et s'essuya le coin de la bouche. Elle regarda sa main.
Le rouge contrastait étonnamment contre le blanc trop pâle de sa peau. C'était le même rouge que le sang de Krokmou.
Un jour, elle s'était demandé de quelle couleur était l'hémoglobine des dragons. Elle n'avait jamais pu réellement vérifier. Mais maintenant, elle savait. Que ces bêtes féroces possédaient le même rouge que les humains. Qu'ils n'étaient pas si différents...
(si tu vois Krokmou au Valhalla, dis-lui que moi aussi)
Elle fixa la porte arrachée de ses gonds. Il n'y avait personne à son entrée. Ni Harold, ni le Cauchemar.
- J'vais vous attraper...
Une main tendue devant elle, l'autre, tachée, maintenue contre son ventre, elle avança lentement, sûre d'elle mais boitante. Un léger sourire naissait sur ses lèvres car elle savait qu'il était juste au coin de la bâtisse, à l'attendre patiemment avec Krokmou, elle savait qu'il était là et qu'il ne l'avait pas abandonnée.
- Petit papillon... délira-t-elle.
Elle passa à côté d'un Stoïck inanimé, le regard vide. Son sourire se transforma en rictus et elle se plia soudain en deux, grognant encore. Elle manqua de trébucher et de tomber - elle tomba.
(Laisse-le en paix)
Astrid laissait des traces de sang sur le sol en bois. Elle se releva difficilement, leva la jambe, celle qui n'était pas blessée, prit appui au sol et réussit à se tenir plus ou moins droite, oscillante, faible, mais droite.
(Tout est terminé)
"Mais je t'aime" s'étonna-t-elle.
Chaque pas était une souffrance. Chaque enjambée irradiait.
Mais elle y parvint. Oh, oui, elle y parvint.
- Je vous ai attrapés... !
Vacillant sous le vent froid, elle écarta les bras, sembla tournoyer à la recherche de Krokmou et de Harold. Mais il n'y avait personne. Il devaient se cacher quelque part.
(Il est mort)
Astrid hoqueta. Elle tomba violemment à genoux et expulsa son déjeuner. Vomit ses entrailles. Et se laissa tomber dans le noir.
La lumière du bout du tunnel tremblota. Elle gémit et se fracassa la tête sur les marches de l'escalier. À tâtons, elle tenta de saisir quelque chose sur lequel s'appuyer. La main d'Harold. La patte de Krokmou. Mais il n'y avait rien.
Rien.
Elle resta alors immobile sur les escaliers, allongée tête vers le bas, une douleur sourde palpitant dans chaque fibre de son corps meurtri.
Il n'y avait plus rien.