Coucou tout le monde ! :D I'm back, heeell yeaaahh !
Rrhhmm, je disais que oui, je suis de retour avec un chapitre... plutôt sympathique ma foy. Disons que vous avez quelques mystères à résoudre, que vous tenteriez de résolver dans votre review lorsque vous aurez terminé votre lecture (PS : Il s'agit de Jack).
À la grande surprise et/ou déception de quelques un(e)s, ce chapitre ne sera pas celui auquel vous vous attendiez... mais je vous laisse plutôt entamer votre lecture, mes ami(e)s ! :D
Que la chance soit envers nos chers Twisted, et... ben voilà ^^
PS : J'ai supprimé le début du chapitre de Raiponce (le premier chap.), parce que j'ai pensé qu'il était inutile... Oui, vous savez très bien comment Ponce se rappelle de son passé et se dispute avec sa "mère", uh uh.
PPS : Pour celles à qui je lis les fanfics (je ne sais pas si cette phrase est française...), sachez que je les continuerai prochainement mais suis dans l'incapacité pour le moment ;)
Tempête impétueuse
"Qu'il est doux, qu'il est doux d'écouter des histoires,
Des histoires du temps passé,
Quand les branches des arbres sont noires,
Quand la neige est épaisse et charge un sol glacé !"
~La neige, Alfred de Vigny.
Elles étaient passées. Comme un vol d'oiseaux migrateurs. Tout d'abord, elles avaient été lentes, secondes par secondes, elles se déroulaient, monotones et sinistres. Raiponce avait eu l'habitude de rester au pied de sa tour pendant qu'elles grignotaient sa vie. Elle avait déjà tenté de revenir dans ce qui lui servait de chambre, autrefois. Elle n'avait pas pu tenir dans la pièce plus d'une mini-seconde.
Le cadavre était resté au même endroit qu'auparavant. La puanteur de la chair en décomposition l'écœurait. Le sang maintenant séché recouvrait le sol, répandant encore leur odeur âcre. Plus aucun doute là-dessus : Eugène était mort.
Pascal. Où était Pascal ? Maximus. Où étaient-ils ? Elle ne les avait pas revus. Ils étaient partis, en un coup de vent. Comme le temps.
Elles étaient passées. Silencieuses, morbides. Souvent désespérées.
Les années.
Puis, ils s'étaient enchaînés, plus rapides mais moins confiants. Toujours plus rageurs et vulgaires.
Les siècles.
Raiponce avait vu le temps passer. Les nuages avaient déversé leur trombes d'eau sur son esprit meurtri de violence, et le soleil lui avait brûlé la peau. Parfois, elle avait voulu se déchirer cette chair cramée comme elle l'avait fait avec ses cheveux.
Ses cheveux. Ils étaient aussi blonds qu'autrefois. Autant lumineux et emplis d'espoir et de promesses vains. Ils n'avaient en aucun cas perdu de leur beauté et de leur vigueur. Ils s'accrochaient parfaitement aux arbres lorsque l'envie lui prenait de faire de la balançoire. Ils s'accrochaient parfaitement à son crâne lorsque l'envie lui prenait de ses les arracher.
Raiponce restait jeune. Jeune et belle.
Car elle chantait.
Tous les soirs, elle s'asseyait au pied de sa tour maintenant ravagée par les années et elle chantait cette mélodie qui restait figée dans son crâne comme un cauchemar éternel.
Guéris mes brûlures
Les cris et mes blessures
Rends-moi ce baiser
Qui m'a été enlevé
À tout jamais
Les paroles n'avaient pas changé ; non pas parce que la jeune fille manquait d'imagination (elle n'en avait jamais manqué), mais parce qu'elle n'en avait aucunement l'envie. Pourquoi changer son passé ?
Réponse par une autre question : pourquoi s'évertuer à vouloir l'oublier ? Puisque le passé ne voudra jamais te laisser tranquille. Tu ne peux pas le transformer à ton gré, tu ne peux que l'assumer. Même si cet infâmie te dévore l'esprit, tu dois t'en rappeler pour mieux apprendre, pour mieux comprendre.
Même si, pour le moment, Raiponce ne comprenait pas.
.
Aujourd'hui était ensoleillé. Aujourd'hui, elle sortait de son antre. Les yeux embués de larmes de sommeil, les cernes encore visibles, les cheveux en pagaille ; cela ne resterait pas bien longtemps.
Tout d'abord : le quotidien.
Personne n'avait encore approché les ruines de la tour, personne n'avait découvert sa cachette. Sur ce point, Gothel avait été d'une grande aide. Le petit ruisseau glougloutait indéfiniment aux pieds d'arbres fournis. Raiponce trempa ses orteils dans l'eau tiède en chantonnant, guillerette, puis se débarrassa de sa robe rose et rouge quelque peu vieillie par le temps. Elle s'immergea, d'abord lentement, puis entièrement dans le ruisseau peu profond. Ses cheveux flottaient à la surface et elle fit soudain la planche, dégustant le simple bonheur de sentir le soleil sur sa peau nue et mouillée. Lorsqu'elle sentit enfin qu'elle ne faisait qu'un avec l'eau, elle en ressortit et se positionna à l'ombre des ruines, toujours nue, pour s'abandonner à une fraîcheur bienvenue. Doucement, elle ferma les yeux, puis se
Réveilla.
Comprit. Qu'aucun siècle n'était passé.Que tout cela n'avait été qu'un rêve.
Comme toujours.
Elle était toujours nue, mais adossée à la gigantesque tour qui la dominait de sa grandeur. Ses cheveux reposaient autour et sur son corps comme une immense couverture dorée. Elle leva les yeux. Les nuages faisaient rage au-dessus de sa tête. Un tonnerre sourd se fit entendre et elle frissonna. De froid.
Il faisait froid.
Les nuages étaient gris sale. Ils ne laissaient filtrer aucun rayon de soleil qui puisse réchauffer la terre. Tremblante des pieds à la tête, Raiponce ramena vers elle sa chevelure qui lui portait chaud et tenta de se rendormir – de s'effondrer dans un monde futur où tout y était plus chaud, plus beau, plus doux. N'importe quoi d'autre mais pas cette vie.
Elle devait se rendormir. Sinon, elle deviendrait folle.
Une poussière glacée tomba sur sa joue froide, la gelant au plus profond de ses os. Raiponce gémit de douleur et plaqua une main pâle sur sa peau givrée, tentant vainement de la réchauffer.
Où était son vêtement ?
Ses grands yeux verts cherchèrent sa longue robe et la trouvèrent étendue sur un bosquet de fleurs toutes recroquevillées sur elles-mêmes. Transie de froid, elle se débarrassa de sa chevelure pour boiter vers son habit. D'un geste malhabile, elle le saisit et l'enfila lentement, les mains tremblantes et les doigts raides.
Son souffle précipité s'élevait en volutes de vapeur vers le ciel orageux. De nouvelles poussières tombèrent des nuages cotonneux pour venir s'échouer lascivement autour de la jeune fille. Raiponce se dandina d'abord d'un pied sur l'autre, tentant de se réchauffer puis elle sentit une nouvelle poussière mordre son nez.
Ce ne pouvait pas être de la poussière. Ce n'était pas non plus de la cendre. Ni de la poudre. Peut-être était-ce de la neige.
De la neige, oui. Des flocons gris.
Mais on était en début d'automne...
Irrémédiablement, c'était des flocons. Raiponce toucha celui qui était resté au bout de son nez, et il fondit sur sa peau en un grésillement et quelque vapeur. Intriguée, elle passa une langue sèche sur ses lèvres un peu gercées et découvrit la saveur de la neige précoce.
Elle en cueillit au creux de sa paume, puis but de cette liqueur fondue. Puis, elle rit aux éclats.
La neige tombait si vite et si fort que le paysage autour d'elle en était blanc d'hiver. Un instant, Raiponce se crut dans son livre de conte, le livre de la Reine des Neiges. La Reine s'était réfugiée au fin fond du globe. Au Pôle.
C'était cela. Raiponce était au Pôle.
Il y eut soudain un hurlement. Elle écarquilla les yeux et se tendit automatiquement. Son souffle s'alourdit et elle passa ses doigts fins sur sa bouche pour vérifier si le son ne venait pas d'elle.
Non. Ce cri était terrorisé. Plein de souffrance.
Et, soudain, ce fut comme si le temps s'était arrêté.
Elle leva ses immenses yeux verts vers les nuages d'où tombait la poussière – non, la neige. Elle hoqueta de surprise.
Une silhouette bleue dégringolait de l'espace. Une silhouette humaine. Une seconde, elle était recroquevillée sur elle-même ; l'autre, elle semblait étalée sur une plaque de verre.
Elle tombait. Vite. Très vite.
Raiponce se surprit à penser qu'il y aurait une grosse bouillie devant elle lorsque la silhouette s'écraserait. Ça tacherait la neige de rouge. Et elle aurait beaucoup de travail pour tout nettoyer.
Puis, elle se dit que, finalement; le blanc et le rouge se mariaient très bien et qu'elle pourrait s'empêcher de laver le sol.
Avec un nouvel hurlement, la silhouette bleutée s'écrasa au sol accompagnée d'un nuage de neige poudreuse. Elle ne bougea plus.
Au début étonnée qu'il n'y ai pas de sang ni de de craquement d'os brisés, Raiponce resta sur place, puis s'avança, méfiante. Elle prit une longue mèche d'une main, prête à capturer la forme si elle bougeait.
Elle n'en eut pas besoin.
Lorsque le nuage de neige autour de la silhouette se dissipa avec une brise de vent froid, elle put enfin voir qui était tombé.
La jeune fille pouvait apercevoir, même de dos, que c'était un homme. Comme Eugène.
Un sentiment d'anxiété mêlé à de la fascination l'envahit. Et si c'était Eugène ? Il pouvait être revenu vers elle...
Non. Eugène avait été tué. Il était mort. Cet homme l'était aussi. Du moins, c'était ce qu'elle pensait : personne ne pouvait survivre à une telle chute. Sauf les princes des contes de fées. Et Eugène.
Elle délaissa soudainement la mèche blonde qu'elle tenait toujours dans sa main et s'accroupit près de l'homme pour le retourner. D'un seul regard, elle comprit que ce n'était pas l'homme qu'elle espérait.
Celui-ci avait les cheveux blancs comme neige et ébouriffés. Sa peau était si pâle qu'elle sut tout de suite qu'il devait être mort depuis longtemps
(Pourquoi avait-il hurlé s'il était déjà mort... ? Les morts ne crient pas. Ils souffrent en silence.)
et il ne possédait pas de barbe comme Eugène. Ses traits étaient crispés de douleur muette, ses lèvres minces étaient entrouvertes. Son visage était légèrement rond, les traits encore enfantins, et elle comprit que l'homme n'en était pas réellement un : il devait être soit plus jeune qu'elle, soit de son âge. Il possédait un vêtement très étrange. Une sorte de longue chemise bleue avec une capuche et une grosse poche ventrale. Elle était recouverte de givre au niveau du col, des manches et de la ceinture. Son pantalon était brun et usé, des lacets en cuir le resserrait aux jambes et il ne portait pas de chaussures. L'adolescent paraissait maigre, presque autant que la jeune fille.
Raiponce posa sa main sur le front du garçon, écartant les cheveux blancs indisciplinés et les traces de givre. Sa peau était aussi gelée que le vent froid qui faisait voler la portant lourde chevelure de la blonde
Elle hésita. Puis se pencha vers le torse du garçon pour tenter de sentir un quelconque battement de cœur.
Rien. Il n'y avait rien.
Boum
Pas l'ombre d'un espoir.
Boum boum
Ni une légère vibration.
Boum boum boum
L'oreille de la jeune fille capta soudain un battement presque éteint. Lent. Si lent. Presque mort.
Elle sourit tendrement. Ce jeune homme était donc vivant. Faible, mais vivant.
Durant un instant, elle ne sut que faire. Le réveiller ou le laisser expirer ? Elle ne voulait pas de deuxième Eugène. Elle ne voulait pas de nouvelle histoire d'amour. Elle ne voulait pas de garçon. Elle ne voulait pas.
Alors, languissante, elle se pencha vers le visage pâle du jeune homme, ferma ses immenses yeux verts et sa bouche sèche rencontra les lèvres minces.
Elle ne voulait pas de nouvel Eugène. Mais ce garçon-là ne lui ressemblait pas. Et il était vivant.
Elle avait lu, dans un autre livre de conte, l'histoire de la Belle au Bois Dormant. La princesse avait été victime d'un maléfice de la sorcière, la plongeant dans un sommeil profond durant cent longues années. Le prince (Eugène) était arrivé, l'avait embrassée, et elle s'était réanimée. Mais cette fois, cette fois ce serait l'inverse. La princesse allait sauver le prince.
Embrasser n'était pas chose aisée. Surtout lorsque le conjoint était inerte et passif. Mais elle prolongea tout de même son baiser passionné qui communiqua de sa chaleur maladive au corps froid.
"Je ne le connais même pas, réalisa Raiponce. Ce garçon vient de tomber des étoiles et pourtant, je l'embrasse. Je dois être folle."
Elle sentit brutalement une forte douleur s'abattre sur son omoplate droite et elle s'arracha des lèvres du garçon pour pousser un cri de douleur. Vive, elle se retourna et découvrit, étalé dans la neige à côté d'elle, deux longs bouts de bois fissurés. Ils avaient dû tomber du ciel tout comme le jeune homme.
Qui s'éveilla en un sursaut.
Raiponce plongea ses yeux couleur pousse tendre dans ceux du garçon, bleus glacés et hébétés. Elle ouvrit alors la bouche pour lui demander son nom mais fut brutalement rejetée en arrière par un poing crispé.
La tempête souffla de plus belle et de la neige fut projetée sur elle, l'ensevelissant sous une épaisse couche d'une température en dessous du zéro. Crachante, sifflante, elle se débattit sous la neige et parvint tant bien que mal à s'y extirper.
Furibonde, elle émergea de la neige pour tomber nez à nez avec le jeune homme qui paraissait encore plus haineux qu'elle. Il tenait les deux morceaux de bâton dans ses mains et les pointa brusquement vers le visage de Raiponce qui dut faire un bond en arrière pour éviter de se faire défigurer.
Soufflant de rage, il fonça droit sur elle sans même réfléchir.
- ARRÊTEZ ! hurla soudain Raiponce, mains tendues.
Il s'arrêta brutalement. Elle remarqua alors qu'il avait les lèvres anormalement rouges à cause de son baiser peut-être trop appuyé.
- Arrêtez, répéta-t-elle d'une voix plus calme. Arrêtez, arrêtez s'il vous plaît.
- Qui es-tu ? murmura le jeune homme avec un ton posé mais effrayant de gravité. Qu'est-ce que je fais là ?
- Je m'appelle Raiponce. Et je n'ai aucune idée de la réponse à votre deuxième question. À votre tour. Qui êtes-vous ?
Il ne baissa pas sa garde et ne cessa de la fixer, son regard passant de la chevelure de vingt mètres qui flottait sous le vent puissant et des yeux verts immenses de la jeune fille qui semblaient scruter le fond de son âme.
- Jack Frost, répondit-il enfin. Tu es avec Pitch, c'est ça ?
- Je ne sais en aucun cas qui est Pitch, monsieur, et je ne compte pas vous agresser, alors arrêtez de m'observer comme si je venais d'un autre monde.
Le dénommé Jack eut un rire étranglé qui se termina en quinte de toux. Il finit plié en deux de douleur, les mains crispées contre sa poitrine.
Souffrance.
Souffrances.
Son cœur gelé battait comme un dément contre ses côtes, et il lui semblait qu'il allait bientôt s'extirper de sa poitrine. Les battements désordonnés de l'organe en surchauffe faisaient vibrer son corps en entier.
Brutalement, Jack se boucha les oreilles. Ce fut pire.
Le cœur s'écrasait contre ses côtes et ses poumons, il voulait se jeter dans la neige pour ne plus jamais y ressortir. Comme l'oie fauchée en plein vol par la balle du chasseur averti. Comme le lapin surpris par le renard alors qu'il sortait sans grande méfiance de sa cachette.
Comme une proie.
Et les yeux de la fille ne l'aidaient pas.
Il tenta de fermer les yeux pour échapper à ce regard impavide, insistant, insensible et ravageur. Mais il ne pouvait que plonger dans la pupille profonde.
C'était noir. C'était chaud. Tellement chaud. Brûlant. Volcanique.
Tellement bouillant.
Il se sentait fondre à cause des flammes des yeux de Raiponce et des battements ahuris de son propre cœur, il avait mal, si mal, qu'il se roulait dans le froid en essayant d'aider l'organe pompeux à s'extirper de sa poitrine pour le refroidir en le plongeant dans la neige, à tout prix, geler cet effroyable muscle qui lui faisait voir les milles et unes facettes de la souffrance...
Et elle le regardait. Elle ne bougeait pas. Elle ne cherchait pas à l'aider. Chaque fibre de son corps clamait à haute et intelligible voix indistincte : "Ça fait mal, monsieur ?"
Et lui qui répondait sourdement : "À ton avis, ma jolie ?"
Soudain, comme elle était apparue, la crise s'arrêta. Jack poussa un long soupir de soulagement et plaqua de nouveau sa tête dans la neige froide, yeux mi-clos, et sentit son corps se détendre peu à peu tandis que ses spasmes involontaires s'arrêtaient.
- Vous allez bien, monsieur ? demanda alors Raiponce d'une voix teintée d'une touche d'inquiétude. Êtes-vous blessé ?
Jack se releva d'une main lentement, les yeux toujours fermés. Puis, il cracha :
- Est-ce que j'ai l'air d'aller bien ?!
- Je disais simplement cela pour m'assurer de votre santé... grimaça-t-elle.
- Ne me vouvoie pas, ordonna-t-il en plantant alors son regard sur elle, aussi glacé que le blizzard. Je suis pas Vieil Homme Hiver, je n'ai encore que trois cent ans.
- Pour ma part, je pense avoir cinq siècles. Ou du moins, mon cerveau le pense, tandis que mon corps m'affirme qu'il ne s'est passé que quelques semaines...
- Où est-ce que je suis, mademoiselle ?
Raiponce nota avec intérêt le ton ironique mais joueur de l'adolescent, et elle eut un sourire.
- Vous êtes au pied de ma tour, répondit-elle en ignorant le rictus de Jack alors qu'elle le vouvoyait encore. Dans le royaume de Corona. Je vis ici.
- Jolie vallée, apprécia-t-il. Et belle tour. Pourquoi as-tu autant de cheveux ?
- J'adore les devinettes. Tentez votre chance !
Jack la regarda profondément et elle repéra une lueur franchement amusée dans les yeux gelés du jeune homme. Pour sa part, elle souriait gaiement.
Elle pouvait enfin parler à quelqu'un d'autre qu'elle-même depuis - il lui semblait bien - cinq cent ans.
- Voyons-voir... fit-il. Tu t'appelles Raiponce, tu vis dans une tour...
- Au pied de la tour, corrigea-t-elle.
- Tu as une chevelure blonde d'un kilomètre...
- À peine vingt-cinq mètres, je les ai mesurés il y a deux jours ! Ou peut-être était-ce l'an dernier...
- Pas bien difficile de deviner, continua-t-il en ignorant ses commentaires. J'imagine que tu as été séquestrée dans cette tour durant dix-huit longues années par une méjère qui t'a volé à tes parents parce qu'ils lui ont piqué des feuilles de salade ?
- Ne m'en racontez pas ! s'écria Raiponce, offusquée.
- De quoi ?
- Des salades.
- Je ne dis que la vérité, frau. Ton conte est bien connu...
- Je ne parviens pas à comprendre un traître mot de ce que vous voulez me dire. Maintenant, taisez-vous ou je vous ligote à même le sol.
- Tu n'oserais pas ! risqua Jack avec une grimace.
- Parions, répliqua fermement la jeune fille.
Jack jaugea son air exaspéré et comprit qu'il ne servait à rien de discuter. Raiponce eut alors un sourire de mauvais augure. Jack haussa ses sourcils poivre et sel puis manqua de tomber en arrière lorsque la jeune fille, d'un pas vif, s'approcha de lui jusqu'à envahir son espace personnel.
"Cette fille ne tourne décidément pas rond" pensa Jack lorsque leurs deux visages ne furent séparés que par quelques centimètres et des flocons qui continuaient de tomber.
- Qui êtes-vous, Jack Frost ? lui murmura-t-elle.
Il aurait pu croire qu'elle essayait de le séduire, mais n'y parvenait pas. Non, cette Raiponce lui imposait sa supériorité. Elle lui montrait qu'elle était plus forte que lui.
Le pire, c'était qu'il le savait.
Jack déglutit difficilement sa salive froide.
- Tu veux la vérité, Raiponce-pas-du-conte-de-fée ? fit-il en essayant de ne pas paraître intimidé.
- Tout ce que je veux, c'est que vous arrêtiez avec vos salades, vos histoires sans intérêt. Et la vérité n'est pas une option. Monsieur Frost, pourquoi êtes-vous arrivé ici par la voie des airs ? Vous n'êtes pas humain. Vous êtes froid comme la tempête qui nous entoure.
- Vous voulez des "Raiponce", alors ? s'engorgea-t-il.
Elle maintint son contact visuel et Jack l'évita à tout prix.
- Très bien, soupira-t-il, vaincu. J'ai été... pour ce que je sais... blessé par le croque-mitaine. Il a... fait des choses.
À ses mots, le jeune homme ferma les yeux, et il serra les poings jusqu'à ce que ses doigts en deviennent rouges, couleur jurant sur sa peau extrêmement pâle.
- Que vous a-t-il fait ? ne put-elle s'empêcher de demander, ravagée par la curiosité.
- Pas à moi...
Elle le regarda plus profondément.. Les larmes coulaient lentement et certaines givraient en cours de route. Elles trempaient son cou et bientôt son étrange vêtement. Il continuait de serrer les paupières comme un étau, ses mains pâles ramenées à son cœur comme lors de sa crise. Elle voulut lui dire que ce n'était pas la peine de continuer son récit horrifiant, que tout allait bien se passer, qu'il n'était pas le seul dans la même situation, elle le fit.
- Vous pouvez arrêter, monsieur, ce n'est pas grave...
- PAS GRAVE ?! éclata-t-il. I-il m'a regardé, et j'ai vu dans ses yeux... toute la souffrance que je lui ai fait endurer... et toute la haine possible dans ses iris verts... comme les tiens. Tu as les mêmes yeux que lui.
- Arrêtez...
- "Ce n'est pas de ta faute", m'a dit Fée. Mais pourtant, ça l'était...
- Jack...
- Ça a toujours été ma faute. J'ai risqué leur vie, j'ai risqué sa vie, j'ai risqué la mienne et tout ça pour rien. Je voulais les aider, je n'ai fait rien que tout gâcher. Comme d'habitude.
Ses lèvres tremblaient et les sanglots qu'il cherchait à retenir lui coupaient le souffle. Raiponce mit une main douce sur sa joue mouillée, et la caressa lentement en tentant de sourire.
- Tout va bien, Jack, le raisonna-t-elle.
- Et ce salop m'a eu. Je préfère qu'il m'ai attrapé. Il a tenté de me faire comprendre que ce qu'il – ce que j'avais fait était juste et bon. Je peux pas croire qu'il ait presque réussi à m'amadouer. J'étais tellement désespéré... Et au dernier moment, il m'a prit mon bâton.
Jack ouvrit des yeux rougis et, sans même remarquer la main de Raiponce sur son visage, tâtonna la neige pour trouver les deux bouts de bois brisés. Lorsqu'il les tint dans ses mains, il les contempla un instant.
Puis les jeta au loin.
- Il me l'a cassé. Maintenant, il sert plus à rien. À part à me faire mal.
Lentement, Jack s'assit à terre. Raiponce laissa retomber son bras, mortifiée. Et s'assit à ses côtés.
Elle ne le connaissait pas. Elle ne savait rien de lui. À part peut-être qu'il avait trois cent ans, et qu'il avait enduré des souffrances bien trop horribles. Comme elle.
Elle le connaissait. Ils étaient différents, mais si ressemblants. Elle se sentit attirée par cet adolescent qui pleurait silencieusement, la tête enfouie dans ses mains pâles. Alors, la jeune fille passa un bras autour de ses épaules et l'attira vers lui. Il se laissa faire, anéanti.
Et fit tomber sa tête sur les genoux de Raiponce, enfouissant son visage dans la robe tachée de rouge. Elle passa sa main rose dans les cheveux blancs du garçon, les ébouriffant encore, frissonnante sous le blizzard qui grondait autour d'eux.
Ses cheveux blonds étaient soulevés par la brise et elle pouvait les voir se dresser dans le ciel, retomber avec grâce autour d'eux, puis s'élever encore pour tourbillonner, tempête d'or au milieu de l'ouragan argenté. Tel un symbole d'espoir.
Comme s'il y en restait dans ce monde affligé.